mardi 5 juin 2007 par Le Nouveau Réveil

Un journaliste chinois emprisonné depuis 10 ans de prison pour avoir révélé la consigne donnée aux journaux par son gouvernement de censurer leurs articles sur l'anniversaire du massacre de la Place Tienanmen, a reçu la Plume d'Or 2007, le prix annuel de la liberté de la presse de l'Association Mondiale des Journaux. La récompense décernée à Shi Tao, emprisonné après que le moteur de recherche américain Yahoo eut transmis aux autorités chinoises des informations ayant conduit à son arrestation, a été remis aujourd'hui 4 juin - date du 18ème anniversaire de ce massacre. "Aujourd'hui encore, la plupart des Chinois ne savent rien de ce qui s'est passé ce jour-là. Le régime communiste continue d'empêcher les médias chinois de parler et d'écrire ouvertement et honnêtement de ce sujet et il est prêt à aller très loin pour étouffer de telles révélations et punir sévèrement ceux qui les font", a déclaré George Brock, le Président du World Editors Forum, en remettant ce prix.
"Shi Tao, auquel nous rendons hommage ici aujourd'hui, l'a appris à ses dépens. Il a révélé ce que l'Etat ne voulait pas admettre et il le paie actuellement très cher", a-t-il ajouté. Le prix a été remis lundi lors des cérémonies d'ouverture du Congrès Mondial des Journaux et du World Editors Forum, les rencontres annuelles de la presse mondiale, qui ont attiré au Cap, en Afrique du Sud plus de 1.600 directeurs de journaux et rédacteurs en chef de journaux. Le prix a été accepté par la mère du journaliste emprisonné, Gao Qinsheng, qui s'est rendue au Cap pour recevoir le prix au nom de son fils. [L'intégralité de son discours (en anglais) peut être lu à l'adresse suivante: www.wan-press.org/article14357.html. L'AMJ a également annoncé une campagne de libération de M. Shi et des dizaines d'autres journalistes et cyberdissidents qui croupissent dans les geôles chinoises, afin que leurs cas fassent la une des journaux à l'approche des Jeux Olympiques de Pékin l'an prochain.
M. Shi purge actuellement 10 ans de prison pour "divulgation de secrets d'Etat" pour avoir envoyé un e-mail sur les restrictions imposées aux médias à la veille du 15ème anniversaire du massacre de la Place Tienanmen en 2004. Cet e-mail avait été intercepté par plusieurs portails internet étrangers, mais aussi par les autorités chinoises, avec l'aide de Yahoo. Le fournisseur de services internet avait communiqué aux autorités chinoises des informations sur le compte personnel de M. Shi, qui leur ont permis de retracer le message envoyé par M Shi à partir d'un ordinateur de son journal, Dangdai Shang Bao (Nouvelles du Commerce Contemporain). "La façon dont les autorités ont pu retracer cet e-mail, et découvrir que Shi Tao en était l'auteur est un récit édifiant, qui a des implications majeures en termes de respect de la vie privée en ligne, et de la façon dont les entreprises de communication occidentales commercent et traitent, avec les difficultés qu'on ne saurait nier, avec des régimes répressifs", a souligné M. Brock. "Si les compagnies qui font des affaires à travers le globe doivent souvent traiter avec des pays non démocratiques, nous pensons que les entreprises de nouveaux médias qui assurent une part croissante des moyens de communication internationaux ont une responsabilité particulière dans ce domaine", a-t-il ajouté. "Elles ont l'obligation de s'assurer que les droits humains fondamentaux de leurs utilisateurs sont protégés, et de veiller à tout prix à pas se faire complice de la répression." M. Shi avait transmis sur Internet des informations envoyées à son journal par les autorités chinoises mettant en garde les journalistes contre les dangers de "déstabilisation sociale" et les risques liés au retour de certains dissidents en Chine pour la commémoration du massacre. Des supporters de la démocratie, des étudiants principalement, avaient été brutalement abattus par les troupes chinoises le 4 juin 1989 lors de ces événements. Journaliste et poète, M. Shi a publié de nombreux essais et des articles politiques liés aux problèmes sociaux en Chine sur des sites web pro démocratiques. Il a travaillé comme reporter, rédacteur en chef et responsable de division dans plusieurs journaux, rejoignant les Nouvelles du Commerce Contemporain en 2004 en qualité de directeur éditorial et de rédacteur en chef adjoint. Il démissionnait du journal en mai 2004 pour devenir un journaliste indépendant et était arrêté six mois plus tard. Il fait partie des dizaines de journalistes et de cyberdissidents qui sont encore derrière les barreaux en Chine, le plus grand geôlier de journalistes au monde.
Le prix remis à Shi Tao a déjà provoqué l'ire des autorités chinoises. L'Association chinoise officielle des Journaux a exigé son retrait au prétexte que les tribunaux chinois "avaient déjà jugé ce cas selon la loi et promulgué la sentence appropriée" et que la constitution chinoise protégeait la liberté de la presse. "Nous ne sommes pas du tout impressionnés par ces arguments", a commenté M. Brock. "Si la loi permet effectivement d'envoyer un journaliste en prison dans une affaire de ce type, elle devrait être abolie sans délai, car elle serait contraire à toutes les normes et conventions internationales imaginables qui protègent la liberté d'information et les droits de l'homme." "Quant à l'affirmation selon laquelle la constitution protège la liberté d'expression", cette garantie n'est que pure fiction, et de telles libertés n'existent tout simplement pas en Chine, comme j'en suis sûr, vous n'êtes pas sans l'ignorer. En réalité, si tel était le cas, Shi Tao ne serait pas en prison aujourd'hui, pas plus que des dizaines d'autres journalistes." L'AMJ, l'Association mondiale de l'industrie de la presse, décerne chaque année la Plume d'Or de la liberté de la presse depuis 1961. Parmi les précédents lauréats figurent l'Argentin Jacobo Timerman (1980), le Sud-africain Anthony Head (1986), le Chinois Dai Qing (1992), le Vietnamien Doan Viet Hoat (1998) le Zimbabwéen Geoffrey Nyarota (2002), et le Soudanais Mahjoub Mohamed Salih (2005). Le récipiendaire 2006 était le journaliste iranien Akbar Ganji. L'AMJ, qui est basée à Paris, défend et promeut la liberté de la presse dans le monde entier. Elle représente 18 000 journaux et regroupe 77 associations nationales d'éditeurs, des journaux et des directeurs de journaux dans 102 pays, 12 agences de presse et 10 organisations de presse régionales et internationales.

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