lundi 4 juin 2007 par Le Matin d'Abidjan

Les Eléphants de Côte d'Ivoire ont disputé hier un match de football contre les Barréa de Madagascar. Cette rencontre, comptant pour la 3ème journée des éliminatoires de la Can 2008, s'est déroulée au stade municipal de Bouaké devant un public des grands jours. L'évènement aurait pu être banal s'il ne s'était pas agi de Bouaké, devenu quartier général de la rébellion depuis septembre 2002. Ce choix de la Fédération ivoirienne de football dont le caractère hautement symbolique n'échappe plus à personne, montre au besoin que le sport et particulièrement le football, plus que tout, unit. Transcendant les barrières ethniques et politiques, il liquide, même si ce n'est pas le temps d'une rencontre, toutes les rancoeurs les plus tenaces, les plus affirmées. On a expérimenté cet état de fait un jour d'octobre 2005 quand les Eléphants avaient réussi à arracher leur billet pour le Mondial allemand de 2006. Ce jour-là, dans un climat de grande méfiance, les Ivoiriens du Nord comme ceux du Sud, ivres de bonheur, avaient vibré à l'unisson, chantant à la gloire de leurs valeureux athlètes et au-delà, de la Nation entière. On a encore revu les mêmes images hier après celles toutes aussi carnavalesques, d'il y a peu, de la présentation du trophée du Ballon d'or africain 2006 aux populations de Bouaké par Didier Drogba. Conscients de l'impact du ballon rond sur les populations, Jacques Anouma et les siens ont donc choisi de booster le processus du retour de la paix en Côte d'Ivoire en mettant en avant le onze national, symbole de l'unité, de la cohésion et de la solidarité. Et l'ambiance festive, -entretenue par les Ivoiriens venus de toute la Côte d'Ivoire-, qui a régné à Bouaké toute la semaine écoulée, est la preuve qu'ils ont vu juste. Car des pas de danse, exécutés par tous les athlètes après un but, sont suffisants pour inviter les uns et les autres à l'union des c?urs. Tout comme le maillot national, lui, suffit à rappeler à chacun de nos concitoyens son devoir d'attachement à la mère patrie. Pas besoin ici d'organiser de caravanes sur de longs mois pour attendrir les c?urs déchirés par 5 années de conflit. N'est-ce pas pour cela que nombre d'observateurs qualifient le football de magique ? Sur l'évènement, les superstitieux y sont allés également de leur science en indiquant que la guerre ayant débuté par une manifestation sportive (allusion faite à une compétition de l'Ufoa qui devait se tenir en septembre 2002 à Bouaké, Ndlr), c'est par une rencontre de football que la paix reviendra définitivement en terre d'Eburnie. Ils n'ont pas forcément tort même si cela n'est pas rationnel. C'est dire que depuis l'accord de Ouagadougou, et aujourd'hui plus que hier, les Ivoiriens sont véritablement proches de la paix. Et rien en principe ne devrait les distraire dans cette quête. Ils devront résolument tourner le dos aux marchands de rêve et autres soit disant faiseurs de bonheur, car le labeur de la reconstruction est grand. Un défi immense à la hauteur du nécessaire redressement de notre société. Un relèvement surtout moral de sorte que la course au gain facile, le peu d'attachement à la patrie et la promotion de la médiocrité qui ont prospéré à la faveur de la crise du 19 septembre 2002, ne soient plus de rigueur. Cela est un impératif si la Côte d'Ivoire veut rester une Nation forte avec des cadres compétents. Dans ce pays où les repères sont rares, les Ivoiriens ont la chance d'avoir sous leurs yeux, l'exemple, -pour rester en sport-, de Yves Tébili Didier Drogba, prototype de l'attachement à la patrie et de l'abnégation au travail. En effet, alors qu'il avait tout à gagner en optant pour la sélection de France qui lui offrait un véritable pont d'or, ce garçon a choisi les couleurs ivoiriennes, moins alléchantes et fort risquées à l'époque vu la guerre qui venait de se déclencher dans le pays au moment de la sélection du killer de Chelsea. Première leçon. Ensuite, bien que n'étant pas au départ un athlète à la technique pure, dans le genre de Ronaldiniho ou encore d'un Samuel Eto'o Fils, Drogba a pu à force de travail et de volonté combler son handicap au point d'être aujourd'hui l'un des attaquants les plus précieux et les plus chers au monde. Ces deux qualités du capitaine des Eléphants , à elles seules, constituent la meilleure feuille de route à confier aux autorités ivoiriennes, aux parents et aux éducateurs. Pour refonder la Côte d'Ivoire, et cela dans tous les domaines.

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