samedi 2 juin 2007 par Nord-Sud

L'ancien sous-directeur des Archives nationales et fils de la communauté Gwa, Kiemoko Coa s'insurge contre la spoliation de leurs terres? par les Abouré. Entretien.


M. Kiemoko Coa, que s'est-il passé, le mercredi 30 mai, entre les Abouré et les Gwa à Alépé. S'agit-il du même conflit foncier?

Nous n'allons pas céder aux provocations de ceux qui ont tendu ce piège. Nous voulons que ce conflit se résolve cette année, d'une manière définitive. Ce sont ceux qui ont peur des documents que nous allons produire sur ce conflit qui ont fait venir sur le terrain 13 cargos de militaires, de gendarmes, de policiers de la Brigade anti-émeutes (Bae).





A qui faites-vous allusion?

Nos faisons allusion à la communauté Abouré, conduite cette fois-ci par la Première dame, Simone Ehivet Gbagbo. Le président du conseil général de Grand-Bassam, M. Akoï qui nous a rendu une visite pas du tout courtoise, dimanche 27, nous a annoncé que la Première dame cherchait 190 millions de fcfa pour délimiter d'une manière non consensuelle le terroir qui sépare les Abouré des Gwa. Nous ne voyons pas en quoi la Première dame s'autorise à trouver ce financement alors que les négociations ne sont pas encore terminées.





Sur quel document portent les négociations, le protocole d'accord que vous contestez?

Jusqu'alors, on nous parlait de protocole. D'après nos recherches, il ne s'agit pas d'un protocole d'accord entre les Abouré et les Mbatto (Gwa). Mais c'est bien un procès verbal de réunion que le commandant de cercle de l'époque a rédigé pour les besoins de sa hiérarchie. Un protocole est un document signé par les parties au conflit ou à la négociation. Alors que celui qu'on nous brandit pour passer en force n'est ni signé par les Abouré ni par les Gwa ou MBatto. Le comble, c'est que le rédacteur lui-même n'a pas signé. Nul ne peut donc se prévaloir d'un tel document pour procéder à une délimitation forcée du terroir de la zone de conflit. D'autant plus que le roi Amon N'Douffou V de Krinjabo a été désigné par le président Gbagbo comme médiateur. La médiation n'étant pas terminée, nous ne comprenons pas pourquoi des éléments des Fds demandent au Bnetd (Bureau national d'études techniques et de développement, Ndlr) d'user de la force. On transforme ainsi le Bnetd en bras séculier d'une communauté contre une autre communauté. Ce qui est anti-démocratique.





Y a-t-il d'autres anomalies sur ce protocole d'accord?

On voit déjà à partir du titre, la manipulation, la falsification. Aussi, le terme Gwa de 1843 jusqu'à 1990 n'était pas connu par l'administration. Elle utilisait le terme M'batto. Lorsqu'on reproduit un document, les règles du fac-similé exigent qu'on reproduise les mêmes termes et qu'on mette les termes nouveaux entre griffes. Ce qui n'est pas le cas. Un protocole d'accord doit être reproduit avec les signatures. Mais ici aucune signature ne figure comme je l'ai relevé. Il n'y a même pas de sceau, de tampon. Donc, ce n'est pas un document authentique. Il y a bien d'autres anomalies.





Comment expliquez-vous l'intrusion de la Première dame dans cette affaire?

Elle de la communauté Abouré. Le vendredi dernier, on a annoncé sa visite dans la région. Elle a été rejetée. Nous estimons que la négociation doit se passer entre les deux communautés. La Première dame n'a pas observé la neutralité dans cette affaire. C'est pourquoi nous disons que c'est elle qui est à la base de tout ceci. Le général Kassaraté est venu à Monga (Alépé). Il nous a promis une rencontre incessante avec le chef de l'Etat. Nous sommes sereins. Nous allons nous rendre à Abidjan pour rencontrer le président de la République pour lui exposer nos griefs. Nous sommes fatigués de cette crise.





A qui appartient la terre, l'objet de tous ces conflits meurtriers?

Pour ce qui nous concerne, la terre appartient aux Gwa. Depuis 1894, il y a eu une délimitation au regard des traités signés par les différentes communautés avec la France. Comme Moossou l'a fait en 1842. Les limites de Moossou sont là. Elles s'arrêtent à la mer et à la lagune Ebrié et non après le pont. Les limites de Bonoua sont bien fixées. Celles du royaume du Sanwi (Aboisso) le sont également. Entre la communauté Gwa et Abouré, c'est le fleuve Ono et la rivière Amia qui fait frontière avec le pays Sanwi. Cela est bien connu.





Mais pourquoi tous ces conflits?

C'est un conflit foncier mal résolu. Ce n'est pas un conflit tribal. Les deux communautés ont beaucoup de liens matrimoniaux Mes cousins qui sont du côté de Moossou viennent chaque année récolter le cacao à N'Gokro, à Andou-M'battoon, on ne les tue pas pour autant. Nous pensons que c'est un problème foncier que les agrariens riches soulèvent chaque fois pour faire leur unité ethnique. C'est cela le n?ud du problème. Sinon, ce n'est pas parce qu'il y a des campements et des plantations de l'autre côté, qu'on doit rattacher par exemple les villages de Bongo et d'Ono à Grand-Bassam. De même qu'il y a des Abouré qui ont des plantations dans la région de Sikens, est-ce pour autant que l'étendue territoriale de Grand-Bassam vont s'étendre jusque là-bas? Le fait que ce n'est pas un problème d'accord, il faut s'asseoir pour discuter à nouveau et voir ce qu'on peut accepter de part et d'autre ou non. Le conflit qui a eu lieu en 2006, ce ne sont pas les Gwa qui l'ont déclenché. C'est la communauté Abouré qui a commencé à couper les têtes des Gwa. Les deux premières victimes sont des enfants de deux s?urs d'une même famille. L'une se trouve à Bonoua, l'autre à Monga. C'est ridicule tout cela. C'est après le troisième assassinat que les Gwa se sont révoltés. Il faut qu'on supprime la zone de confiance qui est là depuis 10 ans. Il faut qu'on la supprime afin de permettre aux Gwa de se rendre dans leurs plantations. Quand ce sont les Abouré, les Fds assurent leur sécurité lorsqu'ils se rendent dans leurs plantations dans la zone de confiance. Mais quand ce sont les Gwa, ils sont interpellés et emprisonnés à Grand-Bassam.





Que font les autorités administratives notamment, les préfets, sous-préfets dans la résolution de cette crise?

Elles ont du mépris pour la communauté Gwa. Le préfet de Grand-Bassam ne fait que proférer des menaces et celui d'Alépé refuse de s'associer à nos rencontres.





On a l'impression que votre dernier recours c'est le chef l'Etat?

Oui. Parce que la première rencontre avec Mme Simone Gbagbo s'est soldée par un échec. Nous la suspectons d'être derrière ses parents Abouré.





Vous confirmez qu'elle soutient les Abouré contre vous?

Nous la soupçonnons.





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