mardi 29 mai 2007 par Notre Voie

Sous la conduite d'une coordination, les enseignants du supérieur observent une grève illimitée depuis des semaines. Ce mouvement qui fait planer une année blanche et menace la vie des étudiants n'est pas du goût de l'UNESUR, un des syndicats du supérieur. Qui appelle à l'arrêt de la grève. Déclaration.

La crise qui secoue les universités de Côte d'Ivoire depuis mars 2006 et qui a atteint son apogée ces dernières semaines mérite que l'UNESUR se prononce pour la seconde fois.
Notre intervention nous emmènera à :
- faire l'historique de la bonne marche de l'école ivoirienne ;
- faire la genèse de la crise ;
- parler de la mauvaise gestion de cette crise ;
- commenter les décrets ;
- donner la position de l'UNESUR et
- proposer les pistes de solutions rapides de sortie de crise.

1/ HISTORIQUE DE LA BONNE MARCHE DE L'ECOLE IVOIRIENNE : LA VISION
FUTURISTE DE LA COTE D'IVOIRE PAR LE PRESIDENT Houphouet BOIGNY

elon feu le Président Houphouet-Boigny, à l'indépendance, la Côte d'Ivoire, qui était la benjamine des colonies françaises, était la dernière en matière d'éducation et de formation.
Elle était la dernière en qualité et en quantité en matière de ressources humaines. Le président Houphouet, répondant au Général de Gaule à propos de la coopération, disait : La coopération, c'est donner et recevoir. Pour le moment, vous nous donnez tout, sur notre demande: c'est de l'assistanat. Quand demain nous aurons une ressource humaine suffisamment formée en qualité et qualité, capable de discuter avec vous d'égal à égal et capable de transformer nos ressources naturelles en produits semi-finis ou finis, alors nous parlerons de coopération?.
Le président Houphouet venait de définir son projet pour l'école ivoirienne. Il va faire de l'éducation et la formation professionnelle une priorité en y mettant tous les moyens. Parmi ces nombreuses mesures on retient, entre autres:
- le décrochage des enseignants ;
- le logement des enseignants (baux administratifs);
- l'eau, l'électricité et le gaz payés en plus pour l'enseignement supérieur et la recherche.
Les résultats ne se font pas attendre :
- les ressources naturelles de la Côte d'Ivoire sont valorisées par ses enseignants- chercheurs et chercheurs formés en quantité et en qualité dans tous les domaines ;
- la Côte d'Ivoire arbore fièrement ses docteurs d'université et ses professeurs dans tous les domaines. Ces derniers l'honorent sur le plan international par les résultats obtenus au CAMES.
Cette qualité des ressources humaines va être une source d'investissements privés extérieurs et source de création d'entreprises publiques (sociétés d'Etat), propulsant ainsi la Côte d'Ivoire au premier rang dans la sous-région et parmi les tout premiers en Afrique au Sud du Sahara sur le plan économique.

2/ GENESE DE LA CRISE DE L'ECOLE IVOIRIENNE

La Côte d'Ivoire rayonne sur l'Afrique jusqu'en 1990. Elle est un modèle de développement, une référence économique dans le monde.
A partir des années 80, à cause de la crise économique, la Côte d'Ivoire va délaisser l'éducation et la formation, croyant qu'elle a suffisamment de cadres en quantité et en qualité.
Au lieu de maintenir le niveau de la formation, renforcer même cette formation pour espérer sortir de la crise économique, la Côte d'Ivoire va saborder son éducation et sa formation sous les recommandations des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale), dans leurs programmes d'ajustement structurel. Alors que nous savons qu'il ne viendra jamais à l'idée de ces institutions de demander à la France, aux USA ou à l'Angleterre de réduire leurs budgets de l'éducation et de la recherche, ces institutions vont proposer et imposer cette réduction budgétaire drastique à la Côte d'Ivoire. Tout ceci pour permettre à moyen et long termes aux occidentaux de relancer de plus bel l'assistanat, la néo-colonisation intellectuelle et la fuite des cerveaux, car sachant d'avance que la Côte d'Ivoire, après l'application de tous ces programmes structurels, reviendra à la case départ.
Parmi les mesures FMI-BM, il y a :
- la suppression du logement des enseignants (baux administratifs) ;
- le raccrochage des enseignants ;
- la suppression de divers autres avantages des enseignants-chercheurs et chercheurs.
Devant les conséquences graves de ces mesures, les syndicats avec, à leur tête l'UNESUR, depuis 1991, vont déterrer la hache des revendications pour faire comprendre aux pouvoirs que, au moment où on demande d'accroître les moyens de l'éducation et de la formation, ils viennent de faire reculer le pays par ces mesures impopulaires et inconscientes.
Ce combat de l'UNESUR est reconnu par tous les pouvoirs qui se succèdent jusqu'à présent et a donné les résultats suivants :
- En 1998, sous le président Henri Konan Bédié, l'UNESUR, seul syndicat du supérieur et de la recherche ayant participé aux négociations, obtient le payement annuel, corrigeable, de 3,8 milliards de francs aux enseignants raccrochés (600 millions pour l'enseignement supérieur et la recherche, 200 millions pour l'enseignement technique et professionnel et 3 milliards pour les enseignants du primaire et du secondaire) ;
- En 2000, sous le Général Guéi, l'UNESUR, seul syndicat du Supérieur et de la Recherche en tant que porte-parole d'un collectif de 11 syndicats d'enseignants du préscolaire au supérieur obtient l'abrogation du décret Ouattara du raccrochage et la prise en compte des nouveaux salaires dès le 30 juin 2001 ;
- Le 30 juin 2001, sous le président Laurent Gbagbo, l'UNESUR obtient l'application effective du décret de décrochage des enseignants du Supérieur et des chercheurs.
Avec le président Laurent Gbagbo et son projet ambitieux de société pour la Côte d'Ivoire, l'UNESUR avait nourri l'espoir de voir tous les problèmes de l'école et en particulier, ceux de l'enseignement Supérieur et de la Recherche prendre fin. L'UNESUR espérait une amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants-chercheurs et chercheurs pour une nouvelle redynamisation de l'enseignement supérieur et des activités de recherche pour permettre à la Côte d'Ivoire de relever de nouveaux challenges du développement, afin que le rêve du premier président Houphouet se réalise.
Pour l'UNESUR, Laurent Gbagbo, en des points de son projet de société, caressait le même rêve que le Vieux.
- la décentralisation ;
- le fonds jeune ;
- une université par région. (etc..)
Ces espoirs légitimes de l'UNESUR vont être momentanément brisés par la guerre qui survient le 19 septembre 2002.
Pendant cette guerre, l'UNESUR a choisi d'être aux côtés de l'Etat. C'est un choix conscient, car, pour notre organisation, il faut que la République existe, pour que le travail existe, pour que les travailleurs puissent revendiquer.
L'UNESUR mit alors ses revendications en veilleuse sans pour autant y renoncer en les faisant figurer dans le livre blanc des revendications de la Confédération syndicale Dignité à laquelle elle est affiliée tous les 1er mai depuis 2003. L'UNESUR a participé à tous les rassemblements et manifestations de soutien à la République. Certains militants ont considéré cela comme une trahison, car, pour eux, on soutient un régime, un président.
L'UNESUR réaffirme ici sa position et sa ligne syndicale qui n'ont pas varié : l'UNESUR soutient la République garante de la stabilité, du travail et de la liberté du travailleur.

3/ L'UNESUR ET LE REBONDISSEMENT DE LA CRISE / GESTION CHAOTIQUE DE LA CRISE

En 2005, le président de la République déclare que la guerre est finie et que nous sommes dans une crise et qu'il fallait en sortir. Pour l'UNESUR, il fallait préparer l'après-crise, afin que nous ne soyons pas oubliés au sortir de cette guerre.
Et c'est dans le processus de toilettage éclaté de nos revendications, au niveau de nos sections (université, grandes écoles et recherche), que certains militants désemparés et n'ayant plus de repère vont utiliser nos revendications accrocheuses pour fonder un collectif appelé CNEC.
La CNEC déclenche des grèves. Bien que les bases de revendications sont UNESUR ou SYNARES, l'Etat refuse de discuter avec les syndicats légalement constitués et fait l'apologie d'un comité ad hoc.
Le cadre de discussion avec les syndicats de l'enseignement supérieur et de recherche que réclamait l'UNESUR n'est jamais venu et le pouvoir a laissé pourrir la situation.

De Bassam aux décrets présidentiels
Les travaux du préforum de Grand-Bassam (26 février au 2 mars) vont tout accorder à l'enseignement supérieur et à la recherche :
- la grille particulière de grades sous les argumentaires convaincants de Niamien Messou du SYNARES et du professeur Otchoumou Atcho de l'UNESUR ;
- la grille salariale particulière sous les argumentaires convaincants du Dr Tiécoura Kouakou de l'UNESUR et du Dr Néa Kipré du SYNARES.
Pour l'UNESUR, c'était une satisfaction bien que toutes ces dispositions s'appliqueront dans le cadre global de la refonte du statut général de la Fonction publique.


Au sortir de Bassam, le président de la République reçoit, pour la première fois, depuis le déclenchement de cette crise, tous les syndicats de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'était le lundi 19 mars au palais présidentiel, de 16hO5 à 22h30, soit 6h d'horloge, pour discuter de trois points de revendication:
- la bi appartenance ;
- le retour des chercheurs du CNRA au public ;
- la grille salariale particulière.
Les trois points ont retenu l'attention du président de la République.
Après 6h d'horloge de discussion, le président de la République a pris d'importantes décisions:
1. Le doctorat est reconnu comme diplôme d'accès dans la Fonction publique. Cette décision fera l'objet d'un décret.
2. Compte tenu de cette nouvelle donne, il faut définir, dans le cadre du statut actuel de la Fonction publique, une bonification indiciaire. Le président de la République a conséquemment ordonné que la bonification indiciaire de 250 points proposée par le ministère de la Fonction publique et de l'Emploi soit re-examinée par les syndicats dans une commission.
3. Le Président a également marqué son accord pour la définition d'une grille salariale particulière pour l'enseignement supérieur et la recherche dans cadre de la refonte du statut général de la Fonction publique.
4. Le président de la République a mis en place trois commissions chargées de fait des propositions sur la bi appartenance, le CNRA et la bonification indiciaire.
Dans la commission traitant de la bonification indiciaire, où l'UNESUR a pris une part active, les travaux se sont déroulés dans les locaux du ministère de la Fonction publique du mercredi 21 mars 2007 au 11 avril 2007.
Des propositions de bonification indiciaires sont faites:
- 250 points pour la Fonction publique ;
- 500 points pour le SYNARES ;
- 9082 points pour la CNEC.
L'UNESUR a soutenu le plus disant, étant donné que nous étions à une table d~
négociation
Des différentes discussions, la Commission de bonification indiciaire a arrêté ce qui suit:
1. La Fonction publique passe de 250 points à 300 points d'indice.
2. Les syndicats ont proposé 5000 points tout en restant ouverts à la négociation.
3. La mise en place d'une commission devant définir la nouvelle grille salariale dans le cadre de la refonte du statut général de la Fonction publique.
L'UNESUR attendait que le président de la République, en possession du rapport du Ministère de la Fonction publique président de la commission, nous appelle pour nous dire:
- Voici le décret de reconnaissance du Doctorat
- Voici le décret de bonification (choisi entre 1000 et 5000 points)
- Je donne mandat à votre commission de me rédiger le contenu de grille salariale particulière (salaires + primes + indemnités) pour que cela fasse l'objet d'un autre décret dans le cadre de la refonte du statut général de la Fonction publique.
A notre grande surprise, des négociations ont lieu sans l'UNESUR et le SYNARES aboutissent aux décrets actuels.

4/ LES DECRETS

D'abord l'UNESUR salue la signature des deux décrets par le président de la République. C'est toujours un plus pour le travailleur.
Les acquis se résument en quatre points:
- Le Doctorat est officiellement reconnu comme diplôme d'entrée à la Fonction Publique.
- Pour les collègues de la Santé, une prime non négligeable vient de leur être octroyée (70% du salaire des généralistes)
- La grille salariale particulière de l'Enseignement supérieur et de la Recherche vient d'être consacrée ;
- Les diplômes ayant accès à l'Enseignement supérieur et à la Recherche viennent d'être clairement identifiés.
Pour ces acquis, l'UNESUR rend hommage au président de la République, tout en étant conscient que des améliorations sont encore possibles.
L'UNESUR continuera donc son combat à cette fin.

5/ LES PROPOSITIONS DE SORTIE DE CRISE

Pour l'UNESUR, si le président de la République avait été suffisamment informé par le ministre de la Fonction publique, président de la Commission sur la bonification indiciaire, il aurait agi autrement en reconvoquant les trois syndicats pour leur faire savoir la décision qu'il a prise en tant que chef de l'Etat conformément à sa promesse faite.
C'est pourquoi, pour l'UNESUR, sortir de la crise demande les éléments suivants:
- La prise d'un décret de bonifcation indiciaire pour le Doctorat. L'UNESUR suggère que ce bonus soit situé entre 1000 et 5000 points. Les effets financiers peuvent faire l'objet de dispositions particulières pour tenir compte de la situation de notre pays ;
- La mise en place rapide d'une commission, composée des syndicats (UNESUR, SYNARES, CNEC) et du pouvoir pour plancher sur cette grille particulière dans le cadre de la refonte du statut géneral de la Fonction publique.
Pour l'UNESUR, la grille salariale particulière doit résoudre les problèmes de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour au moins 20 à 30 ans.
Pour ce faire, cette grille ne saurait se faire ni dans la précipitation ni sous une pression incontrôlée.
C'est pourquoi l'UNESUR lance l'appel suivant:
- A l'endroit de nos collèaues enseiqnants-chercheurs.
Pour l'UNESUR, nous n'avons pas le droit de faire payer à des innocents les difficultés que nous avons et qui relèvent soit de la mauvaise organisation de notre société, soit de la mauvaise foi de nos gouvernants.
Ces difficultés ont commencé à trouver solution avec déjà la signature de deux décrets. Il est
temps de mettre de l'eau dans notre vin pour éviter une année blanche aux étudiants.
Pour ce faire, l'UNESUR demande à nos collègues de reprendre les cours tant dans nos
universités que dans nos grandes écoles, car les discussions se poursuivent en vue d'une résolution définitive de nos problèmes.
Deux décrets signés~ même si c'est insuffisant, ce n'est pas rien.
Que l'appel de l'UNESUR soit entendu.
Une chose est sûre, les autorités sont maintenant conscientes que nous ne voulons plus de ces salaires de misère qui enlèvent toute dignité aux enseignants du supérieur et aux chercheurs que nous sommes.
Après l'avoir signifié, I'UNESUR pense que nous pouvons reprendre les cours tout en demeurant vigitants. Une année blanche, même si on nous accorde tout ce que nous demandons, même si on comprend la justesse de nos revendications, la société nous le pardonnera difficilement.
C'est donc un problème de conscience professionnelle.
L'UNESUR demande, en conséquence, aux enseignants-chercheurs d'entendre son appel.

- A l'endroit des étudiants

A nos étudiants, nous disons que nous avons le même combat. Celui de la qualité de l'enseignement, de la qualité de la formation et de la prospérité intellectuelle de la Côte d'lvoire. C'est donc ensemble que nous devons rechercher les solutions aux problèmes tant généraux que spécifiques qui se posent à l'Enseignement supérieur et à la Recherche.
L'UNESUR les exhorte donc à mettre fin à tout acte de vandalisme et de violence sur qui que se soit, sur quoi que se soit.

L'UNESUR condamne avec fermeté l'agression contre la LIDHO et l'ADPH.
L'UNESUR adresse son soutien et sa compassion à ces organisations.

Le Secrétaire général
Dr Deh Félix

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