mardi 29 mai 2007 par Notre Voie

Eugène Djué, le président de l'Union des patriotes pour la libération totale la Côte d'Ivoire (UPLTCI), n'est pas content. Dans cette interview, il donne les raisons de sa colère.

Notre Voie : Monsieur le président, le 25 mars dernier, vous aviez entrepris une tournée à M'Bahiakro, Brobo, Tiébissou qui devait prendre fin le 5mai à Bouaké pour, selon vous, préparer la visite du président Laurent Gbagbo. Pourquoi vous l'avez interrompue et pourquoi vous n'êtes pas allé à Bouaké ?
Eugène Djué : Nous avons eu des problèmes de logistique. Nous avons eu des problèmes de moyens. Nous avons été obligé donc d'interrompre cette tournée qui devait nous conduire le 5 mai à Bouaké et ensuite au Nord pour prendre fin à Man, à l'Ouest.

N.V. : Vous parlez de problèmes de moyens. Qui devait vous aider, selon vous ?
E.D. : Mais c'est toutes les bonnes volontés. Il faut que toutes les bonnes volontés sachent que le travail qui est fait, c'est pour la République, c'est pour nous et c'est ce qui nous a permis d'être là aujourd'hui. Donc il faut que toutes les bonnes volontés soutiennent tous les patriotes. Je sais qu'il y en a beaucoup qui se manifestent, mais, en général, elles ne connaissent que quelques groupes et non tous les groupes, et ça, ce n'est pas bon.

N.V. : Vous dites que vous avez arrêté votre tournée faute de moyens. Voulez- vous dire que vous êtes parti avec vos propres moyens ?
E.D. : Ah non, j'ai eu l'appui du président de la République pour la première partie à Tiébissou. Mais, pour la seconde partie, je n'ai plus eu de soutien.

N.V. : Combien vous a-t-il remis pour cette première étape ?
E.D. : Non, attendez, je dirige un grand mouvement et je ne pense pas que ce soit très important de dire chaque fois mon budget. Parce que nous sommes en train de faire un travail républicains, et, au niveau de l'Etat, on ne dit pas tout.

N.V. : Votre tournée n'a pu être achevée par manque de moyens. Alors, étant donné que vous travaillez pour la République, est-ce que vous avez frappé à toutes les portes?
E.D. : En général, nous frappons à des portes, mais malheureusement, très souvent aux mêmes portes. De sorte que, des fois, ces portes-là s'ouvrent, mais en général, ce qui est là est déjà vidé et donc on a quelques problèmes après.(rires)

N.V. : Par rapport à votre tournée, vous avez dit avoir pris langue avec le ministre de la Réconciliation nationale. Mais le Pr. Dano Djédjé que nous avons rencontré a indiqué qu'il n'était même pas au courant de cette visite et qu'il a été informé à travers la presse.
E.D. : Il n'était pas au courant de quelle visite ?

N.V. : ... de votre tournée au Centre du pays. Il dit que vous ne lui avez pas dit que vous devriez voyager.
E.D. : Nous n'avons plus envie de polémiquer sur ces questions. Parce que nous avons pu nous entendre avec le ministre Dano Djédjé pour dire que, désormais, c'est tous les patriotes qui tournent ensemble. C'est ce que nous avons pu lui arracher.

N.V. : Auparavant, vous vous êtes répandu dans les journaux, dans la presse internationale et vous l'avez même accusé de faire de la discrimination par rapport au voyage sur Bouaké.
E.D. : Je dis que je ne polémique plus là-dessus, parce qu'il n'est pas bon non plus de polémique avec un ministre, de surcroît un grand frère. Vous savez, moi, je suis l'enfant du FPI et, en général, tous les cadres de ce parti sont mes aînés. J'ai plutôt des relations de famille avec la majorité, c'est pourquoi je dis que je ne polémique pas. Que Dano Djédjé, à la fin de cette guerre, connaissant tous les acteurs de la crise, ait le réflexe de les réunir pour leur dire qu'à partir de la déclaration du président de la République, voilà l'orientation que vous devez prendre. Il lui appartenait même de faire descendre le nouvel esprit du président de la République dans tous les mouvements patriotiques à travers leurs leaders. Cette démarche n'a pas eu lieu. De là à dire qu'il n'était pas au courant, c'est encore plus grave. Donc je ne veux vraiment pas polémiquer avec mon grand frère.

N.V. : C'est votre grand frère et c'est aussi un membre de votre famille politique. Pourtant vous l'avez traité de tribaliste. Vous auriez dû le rencontrer d'abord avant de l'accuser publiquement. N'est-ce pas ?
E.D. : Des fois, on n'a pas le choix quand on ne semble pas avoir les oreilles attentives pour vous écouter. Depuis cinq ans que quand des choses commencent, on interpelle les gens, mais ils s'entêtent, ils font ce qu'ils veulent faire et après nous payons tous les pots cassés. J'en ai déjà trop vu et, cette fois, je n'entendais pas laisser faire. Avec l'Alliance de la jeunesse qui n'est qu'un mouvement dans l'ensemble de la jeunesse patriotique et de l'autre côté la jeunesse des Forces Nouvelles seulement, j'étais convaincu que ce processus allait avoir plus d'inconvénients que d'avantages. Voilà pourquoi j'ai fait la dénonciation pour éviter que cette erreur-là ne soit commise. Mais vous voyez, ailleurs, je crois que ce qui ressemble à la précipitation a créé plus de problèmes.
Aujourd'hui, tout le monde me donne raison. Je suis un homme de paix et je pense que la méthode pour aller à la paix, c'est la méthode douce. La plus sûre, c'est celle là. C'est Laurent Gbagbo lui-même qui nous a enseigné que quand nous sommes pressés, allons doucement.

N.V. : Vous vous sentez donc lésé, frustré que le ministre Dano Djédjé, les jeunes des Forces Nouvelles et l'Alliance de la jeunesse se soient accordés pour aller à Bouaké ?
E.D. : Vous savez, moi, je n'aime pas les comparaisons. Je dis tout simplement que nous ne sommes pas soutenus. Je ne cherche pas ce qu'on donne aux autres, je ne cherche pas aussi si on entretient les autres, mais, moi, je ne suis pas soutenu, c'est ce qui n'est pas bien. Quand on veut faire les choses on ne m'associe pas et ça, ce n'est pas normal. Il y a plusieurs mouvements comme moi dans ce cas-là et c'est ce combat-là que nous menons. Je veux que tous les mouvements patriotiques soient logés à la même enseigne. Parce que nous faisons le même travail et je pense que les plus petits doivent être encouragés, car c'est avec les petits qu'on fait de grandes choses.

N.V. : Vous dites que vous n'êtes pas soutenu. Avez-vous le sentiment qu'à un moment donné certains patriotes le sont plus que vous ?
E.D. : Certainement. Parce qu'il y en a qui ont un peu plus de moyens et qui font plus de mouvements que nous. Mais j'avoue que ce n'est pas parce qu'ils sont les plus intelligents ; c'est parce qu'ils ont un peu plus de moyens. Où ils les trouvent, n'allez pas me le demander.

N.V. : Est-ce que ce n'est pas parce que vous-même vous n'êtes pas organisé ?
E.D. : En Côte d'Ivoire ici, personne ne peut me dire à moi Eugène Djué que je ne suis pas organisé et que je ne peux pas organiser. Parce que tous ces jeunes garçons qui pensent aujourd'hui être des stratèges ou des champions de l'organisation sont mes produits. Ils m'ont vu et les Ivoiriens me connaissent. Ici comme à Paris, les Ivoiriens savent ce que je sais faire. Le seule handicap que j'ai eu, c'est les questions de moyens. Il faut que les gens sachent qu'on ne s'organise pas aussi avec le vent et la lumière. Non, on s'organise avec des moyens. Et ça si ce n'est pas un complot ou une planification pour m'empêcher de m'organiser, en tout cas, ça y ressemble beaucoup.

N.V. : Vous êtes un pur produit du parti au pouvoir. Vous avez été représentant du FPI en France. Pourquoi ferait-on un complot contre vous ?

E.D. : Ce qui aurait pu être juste une question de stratégie tourne des fois à des questions beaucoup plus complexes. Question que moi-même je ne comprends pas. Allez-y peut-être demander un peu. D'autres diront peut-être qu'il ne mobilise pas. Mais les gens qui ne savent pas ce qu'on appelle la politique doivent savoir que mobiliser ne dépend pas de la tête de l'individu. Mobiliser dépend des enjeux, des circonstances, des mots d'ordre de l'intérêt et des questions à défendre. Autrement dit, le 6 novembre 2004, vous Monsieur le journaliste si vous passez à la Télévision ivoirienne pour dire à tous les Ivoiriens que l'aéroport est attaqué, il faut aller sauver la République, ils iront. Non pas parce que vous êtes journaliste. Ou vous êtes de tel ou tel groupe ethnique. Mais parce que la Côte d'Ivoire les appelle. Voilà ce qu'on appelle la mobilisation. Quand on prive quelqu'un de tous les moyens et qu'après, on dit qu'il ne mobilise pas, je trouve ça très méchant et je pense que c'est fait à dessein. Mais, en tout cas, nous, nous restons très sereins, parce que la mobilisation, c'est nous qui l'avons enseignée à tout le monde en Côte d'Ivoire.

NV. : Qui a dit au juste que vous ne mobilisez pas ?
E.D. : Non, mais c'est ce que j'entends souvent dans les bouches des médisants. Ah, celui-ci mobilise que l'autre. Non, mais détrompons-nous. Ce sont des considérations qui ne sont pas bonnes pour une jeunesse en combat. Et ce sont des aînés qui sont là pour opposer, pour diviser. Nous disons que ces genres de man?uvres doivent s'arrêter. Tout le monde mobilise, tout le monde sensibilise, tout le monde a fait la guerre, tout le monde a fait la résistance, tout le monde doit aller à la paix et tout le monde doit, après, chercher à gagner sa vie dignement. Et que personne ne doit être laissé-pour-compte. Voilà mon combat.

N.V. : Selon vous, il y a des aînés qui divisent et qui opposent les patriotes. Avez-vous des noms ?
E.D. : Vous savez, j'ai décidé de régler mes problèmes en famille. Parce que ceux avec qui j'ai les plus graves problèmes sont mes grands frères. Ce qu'ils m'ont empêché de faire à certains moments était assez sérieux, et ça, ce n'est pas bon. Aujourd'hui, Bouaké n'est que la goûte d'eau qui a fait déborder le vase.




Mais, pendant cinq ans, j'en ai pris, j'en ai vu et j'en ai connu ; et je crois qu'il faut que cela s'arrête. A moi, ils pouvaient faire ça parce que je suis le fils de Laurent Gbagbo et eux les aînés. Mais ils ne pouvaient pas faire ça à quelqu'un d'autre. Et qu'ils ne tentent plus jamais de faire ça à quelqu'un d'autre. Parce que cela n'est pas bon.

N.V. : Qu'ont-ils fait concrètement ? Quels actes ont-ils posé ?
E.D. : Je vous ai dit qu'ils m'ont empêché de m'organiser, ils m'ont empêché de fonctionner, ils m'ont empêché de développer et de consacrer toute mon énergie à cette lutte. Il a fallu me battre pour combattre et cela réduit considérablement mes capacités. Vous savez, ce qui se passe actuellement est loin d'être un problème Dano-Djué, moins encore un problème Blé-Djué ou Bété-Baoulé, comme une certaine presse le dit. C'est une question de fond relative à notre organisation et au mode de fonctionnement des mouvements patriotiques depuis l'éclatement de la crise. En effet, dès l'attaque de la Côte d'Ivoire, nous avons créé plusieurs mouvements patriotiques autonomes les uns des autres. Et, à un moment donné, nous avons fini par créer de grands collectifs, à savoir l'Alliance de la jeunesse autout du COJEP de Blé Goudé, l'UPLTCI de Djué, la CONARECI dirigée par Serges Koffi. Mais il se trouve que, pendant toute cette crise, une certaine presse, des aînés et certains cadres dans les villes, dans les quartiers ont ?uvré pour faire croire que seuls l'Alliance et le COJEP mènent la résistance. Niant ainsi l'existence de tous les autres mouvements. Ces aînés refusent dans les villes et les villages les bases des autres mouvements dont l'UPLTCI et n'hésitent pas parfois à leur indiquer qu'il faut rejoindre le COJEP s'ils veulent espérer des moyens de leur part.
Ainsi, toutes les bases de nos mouvements se sont vidées au détriment du COJEP. Et même la JFPI n'échappe pas à ce vent de méchanceté. C'est pourquoi j'accuse les cadres du FPI dans les villes, villages et quartiers de diviser, d'opposer et de monter une partie de la jeunesse contre les autres. Que ces aînés-là reviennent à nos principes démocratiques et au droit à la différence. J'interpelle donc la direction du parti, avant qu'il ne soit trop tard.

NV. : Donc il y a une discrimination entre les patriotes ?
E.D. : Bien sûr, il y a de la discrimination, il y a des choix, il y a de l'injustice ; il y a des affinités. Pour le milieu d'où nous venons, c'est-à-dire le FPI, nos valeurs et nos principes sont bien connus. Il n'est donc point question qu'aujourd'hui, on les foule aux pieds et qu'on se retranche sur des petites considérations qui sont très difficiles à supporter par nos camarades.

N.V. : Pourquoi vous fait-on subir un tel traitement selon vous ?
E.D. : Là je suis tenté de vous dire allez-y voir ceux qui me font subir ce traitement ! Moi, je n'en sais rien. Je subis. Les gens pensent que nous sommes le fruit du FPI, nous n'avons plus droit à rien parce que le parti a déjà donné beaucoup. Et qu'étant un fils de la maison, on n'a pas besoin de trop s'occuper de toi peut-être. Sinon d'autres explications seront difficiles pour moi.

N.V. : Il y a quelques jours, vous annonciez que vous allez empêcher tous les convois qui se rendront à Bouaké. Cette position, vous la maintenez toujours ?
E.D. : Oui et non !

N.V. : C'est-à-dire ?
E.D. : Je confirme cela pour dire que je l'ai dit. Je le soutiens et je le répète. Mais, en même temps, non, parce que le cas ne se produira plus. Nous avons eu des contacts avec le ministre Dano Djédjé, qui nous a dit clairement que notre appel a été entendu et que nous allons nous retrouver à une date à venir. Il est en deuil. Nous lui exprimons toute notre compassion et il nous a dit que, dès son retour, nous serons en contact pour réfléchir sur les nouvelles dates et les nouvelles manières de préparer notre arrivée à Bouaké. J'ai proposé ma procédure ; c'est très simple et je suis entré en contact avec mon jeune frère Blé Goudé. Nous sommes tous d'accord là-dessus qu'il faut aller ensemble à Bouaké. Mais vous avez vu vous-même que la jeunesse des Forces Nouvelles elle-même est divisée sur la question et est d'accord donc avec moi qu'il faut réussir à réconcilier, à regrouper et à créer l'harmonie dans chaque camp avant de nous mettre en contact. Sinon alors on risque d'aller se fragmenter, former des clivages et peut-être d'autres blocs, et là, ce n'est pas la réconciliation.

N.V. : Ce qui revient donc à dire que toutes les divergences ont été aplanies avec le ministère de la Réconciliation nationale et l'Alliance de la Jeunesse pour le voyage de Bouaké.
E.D. : Il y avait le fait que le ministère de la Réconciliation nationale dit qu'il ne savait pas que nous avions envie d'aller à Bouaké. C'est pourquoi il avait pris langue seulement avec les camarades de l'Alliance et c'est donc avec eux qu'il a créé le contact avec la jeunesse des Forces Nouvelles qui, elle-même, est aujourd'hui divisée sur la question. Ce sont ces entités-là qui devaient prendre part à la rencontre comme cela s'est passé à Abidjan. Je dis que ce n'est pas normal. C'est ce que nous dénonçons parce qu'à Abidjan, c'est au cours de la tournée du COJEP qu'on a retrouvé l'Etat au stade de Yopougon. Ça ce n'est pas normal. Parce qu'on ne le fera pas pour moi quand j'irai faire ma manifestation ; tout l'Etat ne viendra pas, la Première Dame ne viendra pas, et ce n'est pas juste. Il faut qu'on sache que si Blé le fait, ce sont ses activités personnelles. Si Djué le fait, ce sont ses activités personnelles. Pour justifier la présence de l'Etat et tout le gotha jusqu'au sommet de l'Etat, il aurait fallu demander que nous tous, on se mette ensemble. C'est ce que nous dénonçons. Et lorsqu'on parle, d'autres interprètent ça comme une attaque contre Blé Goudé. Mais est-ce que c'est Blé qui empêche les autorités de venir à mon meeting ? Non. D'autres prennent ça comme une attaque contre les Forces Nouvelles. Parce que quand ils arrivent ici, c'est ce qu'on leur présente qu'ils prennent. Donc ce n'est pas une attaque contre le processus de paix parce que la première personne qui veut la paix en Côte d'Ivoire, c'est bien moi. Pour que les milliers de personnes qui sont chez moi comme tous les cadres des régions occupées retournent chez eux.Mais je veux aussi qu'il y ait la paix car j'ai dépassé la quarantaine et j'ai encore une quarantaine d'années devant moi et c'est à nous qu'il appartiendra de gérer la suite de cette crise. C'est pourquoi il faut qu'elle finisse vite.

N.V. : Après cette manifestation de Yopougon dont vous parliez, le général? Blé Goudé a été élevé au rang d'ambassadeur de la paix. Quelle est votre réaction par rapport à cette distinction ?
E.D. : C'est tout ceci qui est l'injustice. Vous voyez, Blé est élevé au rang d'ambassadeur de la paix, parce qu'il a organisé cette manifestation. Ce qui est une bonne chose. Mais, écoutez, quand au départ on a pu penser que c'était une manifestation du COJEP et qu'à la fin, ça finit par un prix en présence de tous les responsables de l'Etat, on peut se dire qu'on a été dupés.
Premièrement, tout le monde peut faire cette campagne à condition qu'il ait les moyens. Deuxièmement avec le titre d'ambassadeur de la paix on peut se baser là-dessus pour dire : levez les sanctions contre Blé Goudé. Or de mémoire du camp présidentiel, nous avons été les deux à être sanctionnés. Je pense que si l'on savait qu'à l'aboutissement, il fallait donner un tel prix, il fallait faire en sorte que Djué soit aussi concerné. Ça aurait pu être une reconnaissance de l'Etat qui permet aux jeunes que nous sommes, frappés injustement par la communauté internationale et diabolisés, d'aller demander justice à la communauté internationale. Mais quand cela se fait comme on l'a vu, tout donne l'impression qu'on a d'yeux que pour un seul individu ou pour un groupe et qu'on oublie les autres. Ça fâche. Et voilà où nous sommes arrivés.

N.V. : Donc vous auriez voulu être distingué ?
E.D. : J'aurais bien voulu être distingué. Parce que vous voyez, moi, je n'irai pas plaider la levée de la sanction qui pèse sur moi. Je n'irai même pas supplier quelqu'un pour venir lever la sanction, ni auprès de la France ni auprès de l'ONU. Je n'irai demander à personne de le faire. Je pense que l'Etat a le devoir, au moment où nous parlons de paix, d'aller et de demander ou alors de poser des actes de sorte à nous célébrer, à nous distinguer. Cela pour que nous allions dire à la communauté internationale qu'elle s'est trompée de personnes et d'image. Ainsi pourrait-on dire que notre peuple nous célèbre comme au départ quand nous avons été sanctionnés.

N.V. : Avec l'Accord de Ouagadougou, la Côte d'Ivoire est sur la voie de la paix. Quel est votre commentaire ?
E.D. : Je pense que les Ivoiriens ont compris que cet accord restaure la dignité à la Côte d'Ivoire et à l'Afrique. Chacun doit donc s'y mettre pour qu'il réussisse. Mais surtout pour dire que le président de la République a donné tout ce qu'il faut et qu'il a subi toutes les humiliations et a accepté tous les sacrifices. Quand il dit : Ne dites rien pour ne pas que l'accord soit dérangé?, je crois que cela doit amener les uns et les autres à faire avancer l'accord. Chacun devait donc se mettre au travail. Et il faut aussi que les Ivoiriens cessent de penser à tort à des guerres de clans dans les partis politiques qui rejaillissent aujourd'hui sur nous.

N.V. : Vous n'appartenez donc à aucun clan ?
E.D. : Je n'appartiens à aucun clan. Celui qui soutient le contraire, qu'il vienne le dire dans vos colonnes avec ses preuves. Non, moi, je mène mon combat, c'est très simple. Aujourd'hui, il faut que tous les mouvements patriotiques soient associés au processus de paix. Il y va de l'intérêt d'une paix effective et durable en Côte d'Ivoire.

N.V. : Vous dites partout que vous n'avez pas de moyens, mais nous avons appris que vous avez reçu 30 millions FCFA pour vos activités. Vrai ou faux ?
E.D. : Je n'ai jamais reçu 30 millions FCFA de personne. La personne qui m'aura remis cette somme, qu'elle se serve de votre journal pour me le dire. Je n'ai jamais vu ça depuis cinq ans de guerre, ça jamais.

N.V. : Beaucoup de jeunes qui travaillent avec vous sont partis parce que, selon eux, vous avez de l'argent et vous ne leur en donnez pas et qu'aussi vous les gérez mal.
E.D. : Oui mais c'est parce qu'on n'a rien. Ils ne peuvent pas dire que j'ai de l'argent. Vous voyez, c'est l'une des raisons de ma colère aujourd'hui. Parce que c'est vrai qu'à un moment donné nous avons adopté la bonne sagesse de faire envie plutôt que de faire pitié. Et bien évidemment les jeunes qui sont autour de toi pensent que tu as les moyens alors que tu n'en as pas. Mais en bon père de famille, tu n'oses pas leur dire toujours que tu n'en as pas et leur dire réellement ce que tu vis. Cela a été donc des moments d'incompréhension. Aujourd'hui, beaucoup ont compris, d'autres sont revenus. D'autres sont partis, ils ne sont pas revenus, mais ils connaissent la réalité.

N.V. : Avec vos déclarations ces derniers temps d'aucuns pensent que vous avez jeté l'émoi au sein des populations. Qu'en dites-vous ?
E.D. : Il faut que les Ivoiriens se rassurent. Certains pensent peut-être que nous sommes révoltés par rapport au processus de paix. Je le répète et je le dis, nous ne sommes pas contre le processus de paix. C'est une situation de ras-le-bol que nous avons exprimée. C'est un cri du c?ur et ce n'est pas du tout méchant. Pour tous ceux qui ont pu être ébranlés ou dérangés, nous disons de garder la sérénité, car tout est rentré dans l'ordre.



Interview réalisée par Vincent Deh

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