mardi 29 mai 2007 par Fraternité Matin

Le risque de schisme au RDR continue de faire des vagues. Le responsable de
la zone Europe de l'ouest du SGA,chargé des relations extérieures fait des révélations et accuse.

Monsieur Patrick Guéi, est-il vrai que vous êtes proche du ministre Zémogo Fofana comme on le dit ?

Oui, je suis même très, très proche du ministre Zémogo. Cela est un honneur pour moi.

Il se murmure que M. Fofana voudrait rompre avec le RDR pour créer son parti.
Qu'en savez-vous?

Un certain nombre de jeunes cadres et d'élus du RDR constatent que le parti ne fonctionne pas comme cela se doit. Ils estiment qu'il leur faut un leader pour pouvoir porter un message. Après plusieurs tentatives infructueuses auprès du président et de la direction actuelle du RDR pour améliorer les choses, ils pensent qu'il faut faire autrement.

Plusieurs tentatives infructueuses

Oui, j'en veux pour preuve le dernier bureau politique que le parti a tenu au Golf Hôtel, après l'arrivée de Monsieur Ouattara, où je suis personnellement intervenu. Des décisions ont été prises mais elles n'ont jamais été appliquées. Face donc à l'immobilisme auquel nous assistons, nous estimons que les choses doivent changer.

Et Zémogo Fofana veut les changer en créant un parti.

Dire que le ministre Zémogo veut créer un parti, je ne peux répondre par oui ou non. Mais ce qui est sûr et ce dont je suis certain, c'est que certains cadres et élus du RDR ont décidé de faire avancer le mouvement. Soit le RDR accepte des changements, c'est-à-dire de revoir sa manière de fonctionner, en permettant à d'autres compétences d'y apporter leurs contributions, soit il garde son fonctionnement actuel et dans ce cas, nous serons dans l'obligation de partir. En tout état de cause, si c'est l'option de partir qui s'impose, il nous faut un leader, et ce leader-là, nous pensons que c'est bien Zémogo. Nous l'approchons donc, comme d'autres cadres l'approchent. Seulement, il n'a pas encore dit s'il est avec nous. Mais il est très attentif à ce que nous faisons. Autant il est très attentif à ce que Alassane Dramane Ouattara et bien d'autres personnes lui disent. Nous pensons pour notre part qu'il peut nous amener à créer un véritable mouvement qui aidera à instaurer la démocratie au sein du RDR. Car, on ne peut pas accepter que dans un parti il y ait un noyau qui décide de la vie de tout le monde. Qui plus est, ce noyau manque de vision stratégique.

Qui sont les membres de ce noyau ?

Je ne veux pas en faire un problème de personne. Par contre, je peux vous dire que c'est la direction actuelle qui valide des décisions injustes. Depuis 15 ans que nous sommes là, le RDR ne fait que commettre ces erreurs avec ces cadres. Moi personnellement, je suis en déphasage avec cette direction que j'estime incapable de nous amener à la prise du pouvoir. Soit on change donc, soit je me mets en congé du parti. Dire donc que Zémogo Fofana veut créer un parti, pour l'instant, on n'en a pas encore parlé. Mais ça peut être une bonne opportunité à saisir pour Zémogo lui-même.

Avez-vous des exemples concrets de décisions injustes dont vous accusez la direction de votre parti?

Je vais vous en donner deux. Aujourd'hui, le RDR est en pleine élection des secrétaires départementaux. Une ville comme Odienné a été scindée en trois départements pour des raisons de mésentente. Ainsi, Odienné a trois secrétaires départementaux pendant que Boundiali, Korhogo, Manont chacune un seul secrétaire départemental. Cela est très injuste et inacceptable pour un intellectuel. Cela veut dire que si dans une ville les gens ne s'entendent pas, on doit la diviser en autant de belligérants qu'elle compte. Trouvez-vous cela normal ? Vous imaginez, si demain on doit aller à des élections où les secrétaires nationaux sont des électeurs, le candidat d'Odienné part avec une longueur d'avance de trois voix sur les autres. Cela est inadmissible. Deuxième exemple simple. Quand on se réclame de l'houphouétisme, on doit savoir que l'un des piliers importants de la politique du Président Houphouet-Boigny était la géopolitique. A la formation du gouvernement, le RDR a eu cinq postes ; qui lui permettait de prendre un ministre dans chacune des cinq grandes régions de notre pays : le Nord, le Sud, l'Ouest, l'Est et le Centre. Le PDCI a bien géré cette situation, même le FPI qui n'est pas un parti houphouétiste l'a bien géré. Mais regardez au RDR. Sur cinq ministres, trois sont du Nord, un du Sud et le dernier du Centre. La représentativité n'y est pas. D'ailleurs, nous nous demandons si ceux du Centre et du Sud sont vraiment représentatifs. Je ne voudrais pas faire injure aux ministres en question, mais je voudrais qu'on apprécie sainement les réalités du moment, car nous sommes en politique. Est-ce qu'au moment où on les nomme, ces personnes sont vraiment représentatives du Sud et du Centre au RDR ? Se poser cette question ne met pas en cause leur qualité intellectuelle, leurs valeurs intrinsèques. Ces deux erreurs que je viens de vous citer sont révélatrices de beaucoup de choses au RDR et nous ne pouvons plus les admettre. Vous trouvez des gens qui sont de l'Ouest, de l'Est qui sont frustrés, qui, à la limite, ont l'impression qu'ils n'ont pas leur place dans le parti. La géopolitique est une notion très importante pour tout parti politique qui se veut houphouétiste. Celui qui n'est pas capable de l'appliquer n'est pas houphouétiste.

Quel délai donnez-vous au RDR pour mettre à exécution votre menace de départ?

Je ne saurais vous le dire aujourd'hui, mais croyez-moi, le délai ne sera pas long. D'ailleurs, dans les jours qui viennent, certains d'entre nous ont des rendez-vous et après ces rencontres, nous ferons la synthèse et nous prendrons les décisions qui s'imposent. Dans tous les cas, les choses ne sauraient tarder.

Des rendez-vous avec qui?
Vous le saurez le moment venu.

Il se trouve que d'autres cadres du RDR, notamment Adama Bictogo, l'accusent également d'immobilisme comme vous. Est-ce que vous en débattez avec lui ?
Il y a longtemps que j'ai rencontré Adama Bictogo. Nous n'avons jamais échangé sur la question. Mais je me retrouve dans son combat, car il est juste. Il faut permettre aux militants de s'exprimer, et il faut tenir compte d'eux. Je pense que tout être qui a une nette conscience de sa personne doit savoir une chose : il faut aller toujours là où on tient compte de vous. Ne jamais rester là où on ne tient pas compte de vous. Si le RDR pense qu'on ne doit pas tenir compte des autres, alors pourquoi ces autres devraient-ils y rester ? Ces autres-là doivent aller là où on tiendra compte d'eux. Cela est évident. Je trouve que Adama Bictogo a raison de dénoncer ces choses-là. Je salue son courage car, ils sont nombreux au RDR, les cadres qui pensent comme lui mais qui n'osent pas l'exprimer comme nous le faisons. Or il est temps qu'on se dise certaines vérités. Est-ce que vous savez que le président Alassane Dramane Ouattara a révélé au bureau politique que les ministres du RDR resteront au gouvernement pour se consacrer aux affaires du gouvernement et que les cadres qui ne sont pas ministres se consacreront à la vie du parti ? Mais dans la prise de décisions c'est tout à fait le contraire. Pourquoi ? C'est pour cela que le parti ne peut pas bouger. Car ils ne peuvent pas être au gouvernement, être comptable de ce qui s'y passe et venir critiquer et dénoncer les actions de ce même gouvernement au sein du parti.

M. Guéi, quels sont vos rapports avec le ministre Hamed Bakayoko, votre ancien patron ?

Nos rapports sont au beau fixe. Il est vrai que nous nous sommes séparés de manière un peu douloureuse. A un moment donné, les choses ne pouvaient plus bouger. Nous nous sommes parlé et nous nous sommes compris sur un certain nombre de choses. La chose que je lui reproche est la façon dont il m'a éjecté de mon poste de directeur de publication de Le Patriote. J'ai découvert un matin que je n'étais plus à ce poste en dépit de toutes les règles qui régissent ce métier. Mais j'ai laissé faire parce que c'est un frère.

Vous a-t-il payé vos droits?

Non. Mais je laisse tomber parce que c'est un frère.

On vous accuse d'avoir comploté avec Méité Sindou pour créer Nord Sud Quotidien

J'ai certes de très bons rapports avec Sindou, mais je n'ai pas comploté avec lui pour la création de ce journal. Il avait sûrement son projet et il l'a mis en application parce qu'il était, je crois, en désaccord avec le promoteur de Le Patriote à un moment donné. Tout comme mon projet a vu le jour quand je me suis rendu compte que je n'étais plus le directeur de publication de Le Patriote.

Interview réalisée par Pascal Soro

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