samedi 26 mai 2007 par Fraternité Matin

La consternation était à son comble hier aux environs de 17h au palais de justice d'Abidjan-Plateau. L'audience des flagrants délits qui a commencé à partir de 13 h s'est achevée tragiquement. Le jeune magistrat Zoué Fernand, l'un des deux substituts du procureur de la République qui tenaient le Parquet à cette audience, est mort subitement après avoir été pris d'une crise d'asthme. En reportage dans la grande salle des audiences correctionnelles, nous avons été pratiquement témoin oculaire du premier volet des faits. Alors qu'il venait de prendre ses réquisitions aux environs de 15 h, dans des affaires au rôle, le substitut Zoué Fernand, sans mot dire au président et à ses assesseurs, est subitement sorti de la salle, alors que le tribunal n'avait pas encore délibéré sur ladite affaire. Son chef, le substitut Sioblo Serges qui tenait le parquet avec lui, l'avait devancé dehors deux minutes plus tôt. L'absence des représentants du ministère public créait ainsi une situation anormale et irrégulière dans la mesure où l'audience correctionnelle, dans le cadre d'un tribunal de 1ère Instance, ne se tient pas en l'absence du (ou des représentants) du parquet, principal auteur des poursuites. Le président du tribunal, Mme N'Guessan née Messoum Dominique, et ses deux assesseurs, Mme Goré née Vonan Esther et Domoua Kouao Edith, ont donc suspendu l'audience aux fins de s'informer des raisons de la défection des magistrats du parquet. Temps de suspension que nous avons mis à profit pour regagner la rédaction. Il était 17 h lorsque, par un appel anonyme, nous apprenions qu'un magistrat venait de mourir en pleine audience au Plateau. Et c'est un palais de justice totalement affligé que nous découvrons l'instant d'après. M. Serges Sioblo, au bord des larmes, n'arrive pas à nous expliquer les circonstances de la mort brutale de son jeune collègue avec qui, il partage un bureau au 2ème étage du bâtiment de la première Instance. L'homme avec qui il était au prétoire il y a moins de deux heures. C'est donc par recoupement d'informations et surtout, auprès de Me Tchotch Amari Jacques, le greffier de l'audience fatidique, que nous avons su ce qui s'est passé au palais après notre départ.
C'est pour prendre un document dans son bureau que le procureur Sioblo avait quitté la salle en y laissant en poste son jeune collègue Zoué Fernand. Mais, ce dernier, peu de temps après, avait commencé à sentir un malaise qui s'amplifiait au fil des secondes. Il va donc lui aussi sortir prestement de la salle. Et ce sont les membres du tribunal qui, après la suspension de l'audience, vont le trouver, toujours vêtu de sa toge, assis sur les escaliers menant au restaurant des magistrats au premier étage. Parlant à peine, le jeune magistrat aurait expliqué à Mme N'Guessan et aux autres membres du tribunal que pris de malaise, il est sorti de la salle pour téléphoner à son collègue Sioblo afin que celui-ci revienne rapidement pour occuper le parquet afin de lui permettre de se retirer. Pendant qu'il s'expliquait, Zoué inhalait sa ventoline pour faire passer sa crise d'asthme. Selon le greffier, c'est le malade lui-même qui leur aurait demandé de retourner en salle pour reprendre le cours normal des audiences. Ce qu'ils ont fait en laissant un jeune homme à ses côtés. Nous étions donc en pleine audience lorsque du dehors nous avons entendu des cris. Le jeune magistrat Zoué Fernand venait de s'écrouler non loin de la grande salle des pas perdus. Toutes les tentatives de réanimation sont demeurées vaines. Une fois à la clinique, le médecin de service n'a pu que constater l'irréparable.
Son dernier réquisitoire. En dépit des dénégations du prévenu, les faits à lui reprochés sont bel et bien établis. En tentant de commercialiser la connexion à Canal+ Horizons au moyen du matériel appartenant à cette chaîne, le mis en cause s'est rendu coupable d'infraction à la législation du régime juridique de la communication audio-visuelle. Le matériel saisi à son domicile est la preuve tangible de sa mauvaise foi. En répression, nous requérons la peine d'un mois d'emprisonnement ferme et 50.000 F d'amende". Telles sont les dernières réquisitions du procureur Zoué Fernand pour le compte du parquet d'Abidjan. Celles qu'il a prononcées avant d'être pris de malaise. Des réquisitions suivies par le tribunal qui s'est même montré plus répressif en condamnant le prévenu à trois mois de prison ferme. Il s'agit de l'affaire ministère public contre le nommé Ouédraogo Salif sur plainte de la chaîne de télévision cryptée.

Landry Kohon

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