On pourrait appeler Mgr Bruno Kouamé l'évêque joyeux. Evêque émérite d'Abengourou, il est toujours de bonne humeur: "Pour moi, le sacerdoce c'est quelque chose de joyeux. Quand vous n'êtes rien et que Jésus-Christ vous choisit et vous donne la grâce de célébrer l'eucharistie" Ce qui fait le bonheur de cet homme de Dieu qui va fêter ses 80 ans dans sept mois, c'est qu'il est convaincu que Jésus-Christ se sert de sa bouche et de ses doigts durant la messe. "Il (Jésus) est la sainteté et moi je suis pécheur. Quand je le regarde, je suis obligé d'être plein de confiance et de joie. Quand on compte sur l'Esprit Saint, on est joyeux". Mgr Bruno se souvient que quand il devait devenir prêtre, cela n'a pas été facile. Pour la disponibilité, il fallait vivre le célibat. Cela lui faisait peur. Il se demandait s'il allait pouvoir tenir. Il voulait être prêtre, mais pas pour salir le nom des prêtres. Ses responsables l'ont cependant rassuré: "nous t'avons observé durant des années, et nous pensons que tu es capable d'assumer cette fonction". Malgré ce soutien, il était triste au fur et à mesure que le jour de l'ordination approchait. Le Jour J, il est entré dans l'Eglise en tremblant. Ce qui l'a cependant surpris, c'est qu'il s'est engagé dans le célibat pour le royaume sans hésitation. Pendant qu'il était couché à même le sol, deux choses l'ont frappé: tout d'un coup, la peur et la tristesse l'avaient quitté, et il s'est senti rempli d'une joie immense au point qu'il ne se reconnaissait plus, lui qui, quelques minutes auparavant, était tout tremblant. " Après la cérémonie j'étais souriant. Celui qui voulait un sourire pouvait venir à moi. J'étais heureux. J'ai compris pourquoi après. Le Saint-Esprit nous prend malgré nos faiblesses. C'est lui qui donne la paix, la joie, la force de se battre sincèrement même pour ce célibat qui me faisait peur ". Le Saint-Esprit nous prend malgré nos faiblesses. Depuis 50 ans, Mgr Bruno se bat. Et le bon Dieu lui donne beaucoup de joie. "Toutes les rencontres que je fais avec les hommes, les malades, le service qu'il faut rendre aussi aux personnes en deuilQuand on partage cette vie là, on ne peut pas ne pas avoir de la joie." Lorsqu'on lui demande ce qu'il pense de l'affaire Mgr Milingo, il répond: "C'est une histoire qui est arrivée, et qui montre justement que le célibat est une bataille de tous les jours. Il faut prendre tous les moyens que Dieu a mis à notre disposition pour être un témoignage devant nos frères. Faisant allusion à la prière, et aux sacrements. Mgr Bruno Kouamé pense-t-il qu'il était prédestiné à devenir prêtre?" Je ne sais pas, c'est une question qu'il faut poser au bon Dieu!" Répond-il en riant, avant d'ajouter: "le bon Dieu le savait. Il y a des signes". Sa mère Ettien Akissi Marthe qui est décédée à 29 ans l'a élevé chrétiennement. Son père Atta Kouamé Noël également. Ce dernier a été catéchiste durant 70 ans ; il est décédé à 97 ans.
Dans son jeune âge, l'évêque avait horreur des morts qui se succédaient dans son village. Surtout celle des jeunes de son âge. Lorsqu'il a lu dans l'évangile cette parole du Christ qui dit: "si quelqu'un reste fidèle à ma parole, il ne verra jamais la mort" Il s'est dit "Je ne connais pas celui qui a dit cela mais, si avec lui on peut rester en vie, alors j'ai envie d'être avec lui". La vocation de l'évêque vient donc aussi du fait qu'il aime la vie. Sa mère a marché 75 kilomètres pour aller le faire baptiser
Alors qu'il n'avait qu'un mois, sa mère était inquiète parce qu'il n'était pas encore baptisé. "Maman est parmi les premiers baptisés de Côte d'Ivoire. Elle est née en 1910. Elle a dû être baptisée peu de temps avant ma naissance, à 15 ou 16 ans, puisque déjà à 17 ans elle me portait dans son ventre, et à 18 ans, elle me portait dans ses bras", dit-il avec humour. La jeune Ettien Akissi Marthe qui était croyante désirait le baptême pour son fils, mais malheureusement, il n'y avait pas de prêtre à Anoumaba où elle vivait avec son mari. Mgr Bruno se souvient d'elle comme si c'était hier. Sa mère a démontré sa foi en parcourant 75 kilomètres pour aller le faire baptiser. "Il y avait des prêtres à Agboville, mais il n'y avait pas de routes. Seulement un petit chemin qui serpente entre les arbres". La mère de Mgr Bruno a bravé les dangers, les serpents, les animaux féroces, elle a mis son bébé sur son dos, et elle a marché le 04 février 1928, jusqu'au lendemain 05 février. Elle s'est retrouvée devant un prêtre qui a été impressionné par la volonté de cette femme qui voulait que son enfant soit chrétien. Il n'y a pas eu de discussion, le bébé a été immédiatement baptisé. "Ma mère a repris le chemin du retour. Elle m'a raconté qu'elle était tellement contente qu'elle dansait sur la route".
Si bien qu'elle n'a pas vu la longueur du trajet. Le vieux Atta Kouamé Noël est décédé en 1992. Son père catéchiste a reçu 50 coups parce qu'il dérangeait. Le père de Mgr Bruno lui a aussi donné l'exemple de vie chrétienne à sa manière A sa manière de catéchiste qui dérangeait. "En ce temps-là tout le monde faisait le fétiche. Quand tu viens dire à quelqu'un de laisser le fétiche, tu déranges". Les habitants de Yapikouamékro, et de Bokanda ont estimé qu'il fallait réagir. Ils ont donc porté plainte devant les autorités administratives en disant: "nous étions très heureux ici, à cause de ce monsieur, il n'y a plus d'unité. Il y a les adorateurs des fétiches et les adorateurs de Jésus-Christ". Le commandant a fait arrêter M. Atta Kouamé, et finalement, il l'a mis en prison. Il a été enfermé durant 15 jours qui ont été très actifs. Tous les soirs, il enseignait la catéchèse aux prisonniers. Il avait pourtant reçu 50 coups pour ses actions subversives avant d'être enfermé. Le garde qui lui a donné les coups est devenu chrétien plus tard. Et les prisonniers ont tous demandé le baptême lorsqu'ils ont été libérés. Mgr Bruno pense-t-il que ses parents seront canonisés? "La canonisation c'est l'affaire du Seigneur, qui dans sa très grande miséricorde a pitié de nous tous les saints qui sont avec le bon Dieu ne sont pas seulement les 400 saints environ qui sont sur le calendrier ", soutient-il.
L'évêque a écrit un livre intitulé: "Ma vie avec Jésus. Non, je ne mourrai pas". C'était à la faveur de ses noces d'or sacerdotales, et de ses noces d'argent épiscopales le 8 juillet 2006. C'est un livre d'action de grâce: "le Seigneur a beaucoup fait pour moi, je n'en reviens pas! Je vis dans une émotion continuelle. Je me promène dans toutes les paroisses pour faire des messes d'action de grâce". Dieu lui a surtout manifesté son amour, en lui donnant la vie. Mgr Bruno Kouamé a été nommé évêque en mars 1981. A l'annonce de la nouvelle, tout le monde pleurait à Bouaké, où il était. Convaincu qu'il allait mourir. Parce que Mgr Kouakou qui était évêque d'Abengourou avant lui est mort le 10 août 1978 après 15 ans de service. Le nouvel évêque, Mgr Laurent Yapi, est décédé le 17 août 1980. Dans le diocèse d'Abengourou, les gens croyaient que lui aussi était condamné à mort. Il parle de tous les épisodes de sa vie dans son livre. Les questions auxquelles il répond lui ont été posées par des amis protestants. "Il y a des choses qui les choquent chez les catholiques et j'étais heureux de répondre à leurs questions. Notamment les questions sur l'eucharistie, le Pape, les prêtres etc ". Ce livre permet de découvrir Mgr Bruno Kouamé dont la vie marquée par les empreintes du Christ ne laisse personne indifférent. Marie-Adele Djidje
Regard de Mathieu Kadio Morokro(PDG Pétro Ivoire)
Un communicateur extraordinaire?
Monseigneur Bruno est quelqu'un de très agréable. C'est un pasteur, et surtout un communicateur extraordinaire. Après avoir fait une bonne partie de sa carrière dans l'enseignement, il a appris à communiquer, à convaincre les gens. Et surtout à transporter les fidèles au c?ur même de l'évangile. J'ai assisté à plusieurs messes de confirmation, dans mon village à Falikro, où il a expliqué ce qu'est la confirmation à des gens qui recevaient ce sacrement sans en connaître le sens liturgique. A tel point qu'aujourd'hui quand on converse avec le commun des mortels, même les plus petits d'entre ceux qui ont reçu ce sacrement, ils savent ce qu'est l'esprit d'intelligence, l'esprit de sainteté, etc. Le fait qu'il soit malentendant ne l'a pas empêché de communiquer et d'évangéliser tout l'Indénié. Avec le dynamisme que je lui connais et la fougue que je compare à celle de Saint-Paul, il a pratiquement visité tous les villages, même les plus reculés où il n'y a pas d'Eglise. Quand Mgr Bruno arrivait dans le diocèse, il n'y avait pas beaucoup de prêtres. Il en a formé. Il en a envoyé aux études. C'est l'un d'eux qui a été fait évêque. Les paroisses également, il en a créé beaucoup. Son action a été des plus positives. Il avait dit: "je ne mourai pas"; parce qu'avant lui tous les évêques mouraient. Cela l'a propulsé, cela l'a aidé, et cela lui a permis de faire face à sa charge sans peur.