samedi 26 mai 2007 par Fraternité Matin

Accusé d'être à l'origine du refoulement d'une délégation du FPI le 4 mai à Raviart, l'ancien ministre de l'Industrie donne sa version des faits et renvoie la balle à son accusateur, Kouamé Gloris.
M. Kouamé Gloris vous accuse d'avoir demandé à des jeunes de Raviart, votre village, de l'empêcher d'y entrer le 4 mai dernier. Qu'en dites-vous?
Je récuse ces accusations parce qu'elles ne sont pas fondées. Je voudrais rappeler certains faits pour expliquer la situation. Didiévi a un problème de développement. Comment faire pour que tous les fils et filles puissent se retrouver pour bâtir cette région qui est sinistrée, tel est à mon sens le défi que tous les cadres se doivent de relever. Voilà à mon avis le vrai combat qui mérite d'être mené. Pratiquement 60% des populations de Didiévi a immigré en zone forestière. J'ai tenté, en ma qualité de député, de rassembler les fils de Didiévi autour de son développement.
Je rappelle que pendant ma campagne en 2000, même des frères militants du FPI à Didiévi étaient dans mon équipe de campagne. Le bon commerce que j'ai avec eux ne date donc pas d'aujourd'hui. Ce sont des fils de Didiévi, des frères. La figure emblématique du FPI à Didiévi s'appelle Gbagbo Kouakou. C'est lui que nous avons vu depuis les années 90 marcher dans toute la région, sans moyens, pour parler de ce parti. Je l'ai souvent reçu à ma table, fraternellement, sans haine. Ce qui me surprend, c'est l'intrusion du frère Gloris dans l'espace politique de Didiévi et ses pratiques répréhensibles. Gloris est tout de même un vieux militant. Pourquoi parlez-vous d'intrusion?
Kouamé Gloris est un ancien député PDCI, élu en 1995. Mais dès le coup d'Etat de 1999, il a rejoint le Général Guéi Robert, battant campagne contre le PDCI, dénigrant le président Henri Konan Bédié à Didiévi. A l'élection présidentielle de 2000, malgré l'appel au boycott, les populations de notre région ont voté pour Laurent Gbagbo parce que les peuples du centre ne voulaient pas voter Guéi à cause des expéditions punitives de Daoukro. Kouamé Gloris était le directeur de campagne de Guéi à Didiévi. Quand on a donné les premiers résultats déclarant Guéi vainqueur, il a fait péter le champagne. Mais quelque temps après, on a annoncé que c'est Gbagbo qui avait gagné. Alors les jeunes de Didiévi ont saccagé les magasins et l'hôtel de Gloris. Ils voulaient même incendier sa maison, mais sa mère s'est jointe à lui pour demander pardon. Ça, ce n'était pas Ahoussou ! (rires). D'autant qu'à ce moment, j'étais avec le président Bédié en France. Gloris était député PDCI, puis il devient UDPCI, dénigrant Gbagbo. Aujourd'hui, il se réclame du FPI, louant Gbagbo. Gloris a un problème. Les peuples des savanes sont constants dans ce qu'ils font. Ils sont fidèles. Les populations de Didiévi ont constaté que leur frère a sauté de parti politique en parti politique, a séché son linge où le soleil brille. Aujourd'hui, il se dit grand militant du FPI. Il a, je pense, le zèle de tous les nouveaux convertis. Ses déboires actuels sont la conséquence de son inconstance et de son nomadisme politique. Ce n'est pas en me couvrant de tous les péchés qu'il règlera son problème. Cela expliquerait-il l'incident de Raviart ?
Kouamé Gloris a des contentieux avec certaines personnes à qui il avait fait des promesses qu'il n'a pas tenues par la suite. Il appartient à une équipe de personnes se disant envoyées par le FPI soi-disant pour faire de l'électrification rurale, sans qualification ni compétence. Au finish cette opération s'est révélée être une anarque. Ces gens-là méritent, sans exagération aucune, d'aller en prison. Ils prennent de l'argent, entre 200 mille et 300 mille francs, des pagnes, des moutonsavec les villageois, dans le cadre de cette opération. Pouvez-vous citer le cas d'un village où Gloris a pris de l'argent?
Oui. Je vous cite le cas de Krangrassou où Gloris et son équipe ont pris 200 mille francs avec les populations. J'ai dû rembourser cette somme pour calmer la colère des populations. Gloris et ses complices ont parcouru près d'une cinquantaine d'autres villages. Ce sont des millions de francs qu'ils ont pris. Nous sommes en politique. Je ne ferai pas de la politique politicienne, en affirmant que c'est le Président Gbagbo qui a demandé à Gloris et à son équipe de faire cette mission. Mais j'ai attiré l'attention d'un responsable du FPI pour dénoncer cette action. Je lui ai expliqué que je ne comprenais pas qu'on demande à des populations qui sont déjà pauvres de cotiser pour électrifier leurs villages. Le Président Gbagbo peut le vérifier sur le terrain. Est-ce vrai que vous avez demandé aux populations de refuser de venir remercier le Chef de l'Etat qui a érigé Didiévi en département?
Cela n'est pas exact. La vérité est que des personnes, dont Gloris, ont demandé qu'on vienne remercier le Président Gbagbo pour l'électrification de certains villages et l'érection de Didiévi en département. Alors qu'en réalité, l'électricité n'y est pas encore effective. Ce ne sont que les câbles qui ont été installés. Voilà pourquoi j'ai proposé qu'on attende que l'électricité soit effective pour que tout le monde, moi-même y compris, se déplace pour aller témoigner de notre reconnaissance au Chef de l'Etat. Une réunion qui s'est tenue à Didiévi sur l'opportunité de cette visite a permis de dégager une large majorité sur la nécessité de reporter cette visite au Président de la République. Mais Gloris n'a pas voulu entendre raison. Il est donc venu avec un échantillon résiduel (rires) de la chefferie pour dire merci au Président.
Vous auriez fait jurer, nuitamment, les chefs de ne pas venir au Palais. Cela n'est pas vrai. Je suis un chrétien catholique pratiquant, et on me connaît dans la région. Je combats les pratiques de fétiches. Je n'ai donc pas fait jurer quelqu'un. La réunion était publique puisqu'elle s'est tenue à la mairie. C'est au cours de cette rencontre publique que tous les chefs ont convenu de ne pas venir maintenant. Mais deux chefs ont désobéi et ils sont venus. Je voudrais vous demander, en observateurs neutres, de vous rendre sur le terrain pour constater que les villages en question attendent toujours l'électricité alors que les poteaux électriques y sont plantés. Quand on veut faire du populisme, de la démagogie, quand on veut mettre le mensonge dans la politique, c'est là où on en arrive. Comment expliquer au Président de la République que les villages pour lesquels on est venu le remercier ne sont pas effectivement électrifiés ? Voilà des situations qui ont rendu le terrain hostile à certaines personnes qui ont conduit la campagne d'électrification tels Kouamé Raymond et Gloris. Ils cherchent désespérément des bourc-émissaires pour justifier l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Comment expliquez-vous que M. Kouamé Gloris ait parcouru certains villages sans difficultés et que les portes de Raviart lui soient fermées?
Je ne sais pas s'il a effectivement effectué sa tournée partout. C'est lui qui le dit. Mais votre correspondant que je ne connais ni d'Adam, ni d'Eve, qui a enquêté à Raviart, a écrit que parmi les jeunes qui ont empêché Gloris d'entrer dans le village, il y avait des militants du FPI. Alors je crois que M.Kouamé Gloris a des problèmes personnels avec ces jeunes gens. La preuve est qu'après cette affaire qui s'est passée le 4 mai, Gbagbo Kouakou a animé, sans problème, un meeting dans le village le 12 mai. Cela veut dire que le problème, c'est Gloris. Voilà pourquoi je dis que le problème de Didiévi ne doit pas se résumer à un problème Ahoussou-Gloris. Nous ne jouons pas dans la même équipe. Nous ne sommes pas du même parti. S'il tire une gloire personnelle à réduire l'avenir de la région à un problème Ahoussou-Gloris, c'est son affaire. Vous avez accusé Gloris de vouloir sécher son linge là où le soleil brille. Lui, il pense que le Président Gbagbo est en train de faire du bon travail pour la Côte d'Ivoire, qu'il faut s'allier à lui et sortir de la politique politicienne. C'est cela sa philosophie.
Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Quand le Président Gbagbo dit : Je suis assis sur un pays fort, cela veut dire que ceux qui étaient là avant lui, le PDCI notamment, ont mené le combat de leur temps. Pour que le pays soit fort et résiste malgré la guerre, il a fallu que le PDCI travaille à construire une économie forte qui repose sur des fondamentaux solides. Le Président Gbagbo mène le combat de son temps, comme les Présidents Houphouet et Bédié ont mené ceux de leur temps. Demain, celui qui sera là mènera le combat de son temps. C'est parce qu'on veut refonder à tour de bras, avec l'obsession de vouloir tourner la page pour dire que les autres n'ont rien fait, que nous vivons ces temps d'incertitudes. Je vois Gloris s'en prendre au doyen Léon Konan Koffi qu'il appelle pourtant son papa. Qu'il laisse en paix notre doyen. Car Léon Konan Koffi a beaucoup travaillé pour ce pays. Il n'était pas nommé ministre de sa région, mais bien de la Côte d'Ivoire entière. Le reproche qu'on fait à Houphouet et à Bédié c'est qu'ils n'ont rien fait pour le Grand Centre d'où ils sont originaires. Mais ils ont travaillé pour toute la Côte d'Ivoire. Cela est-il un péché ? Je souhaiterais que le Président Gbagbo vienne combler le déficit de développement en pays Baoulé, puisque ces prédécesseurs ont développé les autres régions du pays..
En clair, vous ne vous reconnaissez pas dans les accusations de Gloris. Pas du tout. Je suis un démocrate. Je ne peux pas empêcher quelqu'un de mener ses activités politiques.
Gloris dit que vos Dozo ont participé à l'action. Je n'ai pas de Dozo. Pour ma sécurité j'ai encore, en ma qualité d'ancien ministre, une garde composée d'éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS). Certes, il y a des Dozo dans la région qui assurent la sécurité des populations ; aidés en cela par des jeunes, à cause des coupeurs de routes. Mais ce ne sont pas mes Dozo. Et c'est grâce à cette organisation qu'on arrive à circuler dans la région. Tout ce que Gloris vous a raconté est le fruit de son imagination. Il a même profité de votre journal pour annoncer sa candidature aux législatives et au Conseil Général (rires). Il promet de vous battre à plate couture.
Qu'il vienne me battre ! Il faut qu'un fils de Didiévi batte un autre pour développer la région. J'aurais voulu qu'avant de se répandre dans la presse, Gloris m'approche pour m'interroger sur ce qu'il me reproche. Peut-être qu'il comprendrait qu'il me fait un mauvais procès. Mais la chose ne date pas d'aujourd'hui. Qu'il tienne ses promesses vis-à-vis des populations et ait une conduite correcte avant d'accuser Ahoussou. Il va de parti en parti et il accuse les autres. Il dit jouir de sa liberté d'action et d'opinion.
Bien entendu. Mais qu'il assume. Je vous ai dit que Gbagbo Kouakou, un militant très engagé du FPI, va régulièrement à Raviart sans problème. Gloris vous accuse de corrompre ce dernier en lui faisant don de motos et autres biens. Heureusement que je suis l'exemple du Président Gbagbo qui demande aux Ivoiriens de partager. Si c'est cela corrompre, alors cela n'engage que Gloris. Il voit l'argent partout. La politique ne doit pas nous faire oublier le sens du partage et de la solidarité. Mais vous le faites avec des arrière-pensées. Sans aucune arrière-pensée. Ont-ils les preuves que j'ai offert des motos, de l'argent à des jeunes gens ? Je respecte Gbagbo Kouakou et tous les autres fils de Didiévi, militants du FPI, qui se sont engagés dans ce parti au moment où le PDCI était au pouvoir. Je ne partage pas leur choix politique mais je les respecte. Il ne faut pas qu'on salisse leur combat. Ceux qui se laissent corrompre, ce sont les nouveaux convertis. Si Gbagbo Kouakou voulait se laisser corrompre, ç'aurait été au moment où le PDCI était tout rayonnant. Informez-vous auprès des populations de Didiévi et particulièrement auprès des militants des partis autres que le PDCI. Ils vous diront que j'ai de très bons rapports avec eux tous. Les extrémistes n'ont pas leur place en politique. Rien n'interdit que demain, il y ait entre M. Bédié et le Président Gbagbo un rapprochement pour une gestion apaisée de la Côte d'Ivoire. Il faut tout prévoir dans un esprit d'ouverture et de tolérance. Au nom de la tolérance et de l'ouverture que vous prônez, ne pouvez-vous pas lancer un appel à l'apaisement pour que tout le monde, y compris Gloris, puisse circuler partout à Didiévi?
Je ne délivre pas de laissez ?passer pour circuler à Didiévi. Cela dit, je suis prêt à lancer cet appel. C'est même un devoir pour moi en tant député et cadre de la région, de veiller à l'union entre ses fils et filles. Peut-être que je suis un épouvantail pour Gloris. Je pense qu'au-dessus de nos partis politiques, doit régner la fraternité entre nous. On n'a pas besoin d'un appel particulier pour que Gloris circule à Didiévi. Qu'il vide les contentieux qu'il a avec certaines personnes. C'est le conseil fraternel que je peux lui prodiguer.

Interview réalisée par
Abel Doualy et Pascal Soro

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