samedi 26 mai 2007 par Fraternité Matin

Avant la crise que traverse la Côte d'Ivoire, le commerce de graviers marchait très bien. Par mois, je pouvais écouler 5 à 6 chargements de 10 tonnes à raison de 150.000 francs le chargement. Cette activité m'a permis de faire des réalisations. J'ai construit ma maison dans la commune de Biankouma, j'ai scolarisé mes enfants et j'ai pu financièrement soutenir mon fils qui aujourd'hui est professeur de lettres dans un lycée au sud de la Côte d'Ivoire. Confidence de M. Lancié Bamba, l'un des pionniers dans l'exploitation des les pierres granitiques dans la commune de Biankouma.A l'image de M. Bamba, de nombreux paysans, menuisiers, maçons, tailleurs, électriciens, chauffeurs et mécaniciens se sont reconvertis en concasseurs. Activité qui consiste à réduire en menus morceaux des blocs de pierre. Singulièrement des blocs de pierre granitique pour obtenir du gravier. Peu avant la crise, le chargement d'une benne de 5 tonnes de gravier était vendu à 75.000 F CFA. Et certains concasseurs, les plus courageux, en écoulaient par mois 6 à 7 chargements. Soit un revenu mensuel moyen estimé à plus de 500.000F CFA. A Biankoum a, la commercialisation du granite est en passe de devenir une source importante de revenus.
Du coup, c'est la ruée vers les roches granitiques dans les carrières. Ici les rochers ne sont plus vulgaires. Ils sont devenus des pierres précieuses et par extension une matière première à exporter . Dans une carrière d'exploitation artisanale, un vieil homme au torse nu, ruisselant de sueur traîne derrière une vieille brouette chargée de blocs de pierre. A l'horizon, des rochers et chaînes de rochers. A Biankouma, cette essence reste très peu connue et encore sous exploitée. La production du gravier dans la commune est encore du type artisanal. Les différents exploitants utilisent des barres de fer pour déterrer les blocs de rocher, divisé au moyen d'un feu nourri de paille et de fagot. Des marteaux pesant 5 à 10kg permettent de briser en menus morceaux les fragments de rocher obtenus.
Brouettes et chariots sont destinés au ramassage des pierres à travers la carrière. Enfin les paires de lunettes, de gants et de bottes sont destinées à protéger les yeux, les mains et les pieds des travailleurs surtout pendant l'opération de concassage.
Voilà les principaux outils utilisés par les casseurs de pierre sur les différents sites à Biankouma. L'exploitation du granite remonte à 1985 et s'est développée à partir de 1995 à la faveur des travaux de construction du grand marché de Biankouma initié par l'USAID. Aujourd'hui, cette activité est en plein essor.
La plupart des producteurs de gravier granitique sont des hommes dont l'âge varie entre 50 et 60 ans, très souvent aidés dans leur tâche par leur épouse. Notamment pendant la phase de ramassage des cailloux dans les carrières. Pour produire en moyenne 5 à 6 t de gravillon, les concasseurs de Biankouma consacrent 3h par jour (8h-11h) pendant trois jours à cette activité annexe. Le quartier Koko est le centre par excellence de production du gravier. Le gravier obtenu à partir des pierres granitiques de l'ouest montagneux est de très bonne qualité, soutient M. Zoh Dosso Lambert, l'un des acteurs de la filière. Le gravier obtenu mélangé avec du ciment est utilisé pour réaliser le béton de propreté dans la construction d'une maison, de ponceau, d'un dalot, d'un caniveau ou d'une route.
Par endroits les quartiers de roche granitique polis servent à paver des ruelles ou à construire des maisons d'habitation entières. De plus en plus, des entrepreneurs en bâtiment de Man, Touba et Odienné viennent s'approvisionner à Biankouma. Où le gravier est dit-on de très bonne qualité et abondant.
Aujourd'hui, à cause de la guerre qu'il y a eue dans l'ouest, la prise unitaire de chargement du gravier concassé est en nette réduction, faute de travaux de construction d'envergure. Il est de 35 à 45 000 F CFA selon l'importance de la demande.
Malgré la chute drastique du prix, les concasseurs de Biankouma ne baissent pas les bras. Bien au contraire, ils croient en un futur radieux avec le processus de paix et de réunification de la Côte d'Ivoire en cours. Avec l'avènement de la reconstruction du pays, nous aurons notre carte à jouer, s'encouragent-ils.
Pour réussir ce nouveau challenge, les concasseurs de Biankouma se sont regroupés en coopérative : la coopérative des concasseurs de Biankouma (CO.C.B). Avec pour principal objectif : faire la promotion des roches granitiques de l'ouest et surtout favoriser la commercialisation du gravier à grande échelle. Produire du gravier n'est pas une activité facile, il demande du courage et de l'abnégation. M. Lanciné Bamba est maçon de profession. Il a appris à construire les maisons avec des pierres pendant la période coloniale auprès des Européens à Duékoué, Guiglo, Danané et Man. Aujourd'hui du fait de la vieillesse, il ne construit plus mais se consacre à la production du gravier granitique. M. Dosso Zo Lambert, plombier, électricien en bâtiment, exerce cette activité depuis 1985. Il est considéré comme l'un des premiers producteurs de gravier concassé à Biankouma. La première vente lui a rapporté 75.000 F en décembre 1986. Et depuis il s'est reconverti en casseur de pierres.
Il a bénéficié de gros contrats. Notamment pendant les travaux de construction du grand marché de Biankouma. Avec l'argent retiré de la commercialisation du gravier, j'ai construit ma maison de retraite et annuellement j'entretiens sans grande difficulté mes plantations de café et cacao au village , confie-t-il.
Loua Minga, lui, a 9 ans de métier. Il est maçon de profession. Selon ses collègues, Loua Minga est le champion des concasseurs de Biankouma . Sa rapidité et sa dextérité dans le maniement du marteau et des cailloux sont ses atouts.
Minga Loua, à leur dire, concasse avec art . Ce n'est donc pas par hasard qu'il est le président de la jeune coopérative des concasseurs. J'ai toujours en réserve plus de 8 tonnes de gravier prêtes à être livrées de nuit comme de jour. Avant la crise, une entreprise de construction de caniveaux, de ponceaux et de dalots m'a demandé de lui fournir du bon gravier pour une valeur de 10 millions de F CFA. En un temps record j'ai rempli mon contrat à la grande satisfaction du client. Par ailleurs, avec la création de cette coopérative, les concasseurs produiront davantage. A court terme, nous renouvellerons nos outils de productions: dabas, pioches marteaux, gants. Puis à long terme, nous achèterons une benne pour livrer du gravier dans les autres villes. Notre ambition est de bâtir une entreprise véritable capable de faire reculer le chômage à Biankouma , indique Loua Minga. Toux, douleur à la cage thoracique, maux d'yeux, douleur lombaire, parfois graves blessures des doigts, des pieds, pendant l'opération de dynamitage ou de ramassage des rochers sont en partie les risques auxquels sont exposés les exploitants des pierres granitiques. Honoré Droh
Correspondant régional . Entre nous : Véritable aubaine< /B>
Le gravier nourrit son homme. A Biankouma, ils sont de plus en plus nombreux ces hommes qui l'ont compris et qui se reconvertissent en casseurs de pierre. Les carrières pullulent dans cette ville de l'Ouest montagneux, véritable gisement de roches granitiques. Et depuis quelque deux décennies, cette activité ne cesse de prendre de l'ampleur, au grand bonheur des producteurs de gravier qui en retirent des revenus substantiels. Nombreux sont ceux qui ont pu se réaliser pleinement à travers cette activité. Utilisé habituellement dans la construction d'édifices divers, ce matériau est même exploité pour paver des ruelles et construire des maisons. L'exploitation de cette pierre précieuse reste toutefois encore à l'état artisanal avec tout ce que cela comporte de risques. Mais les casseurs, fidèles à l'adage : qui ne risque rien n'a rien, ne s'en laissent pas compter. Et la paix qui s'installe devra permettre à cette filière de prendre véritablement son envol puisque le gravier de Biankouma est apprécié dans les villes environnantes. Une aubaine que les autorités municipales en partenariat avec la coopérative des concasseurs se doivent de saisir afin que les retombées financières qui découlent de cette activité soient maximisées pour le bien de toute la population.

par Hervé Koutouan

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