vendredi 25 mai 2007 par Fraternité Matin

La vie est un combat. C'est pour cette raison que l'accord de paix intervenu entre les ex-belligérants débouche aujourd'hui sur des passes d'armes et des attaques en règle. Et alors qu'il était censé panser les plaies et ramener la paix, cet arrangement politique met le feu aux poudres des rivalités et risque de laisser de profondes séquelles dans le paysage politique ivoirien. Les engueulades, les récriminations et les déchirures entre les oiseaux de même plumage, qui volaient hier ensemble, prennent une telle allure qu'elles sont en mesure de constituer des grains de sable de nature à gripper le modus vivendi ivoiro-ivoirien. Le rapprochement entre le Chef de l'Etat et le secrétaire général des Forces nouvelles n'aura donc pas fait que des heureux. Il suscite même des grincements de dents qui ont fini par mettre à nu, d'une part, la vulnérabilité et la précarité des alliances politiques conclues souvent à la hussarde et, d'autre part, les graves conflits d'intérêts qui fragilisent le processus de sortie de crise. Ainsi, l'accord de Ouaga a sonné le glas de la parfaite (?) entente au sein du G7? et signé, irrémédiablement, l'arrêt de mort de la coalition politico-militaire. Cette crise domestique n'est pas encore jugulée que la lutte fratricide au sein du camp présidentiel resurgit de plus belle. Au sein de la galaxie patriotique, la guerre latente de leadership et de représentativité a, à nouveau, éclaté au grand jour. Paradoxe des paradoxes, c'est au moment où la paix s'établit entre les ex-belligérants que les défenseurs des institutions républicaines choisissent de s'entre-déchirer. Le maréchal? Djué Eugène, président de l'Union des patriotes, et ses partisans ont déterré la hache de guerre et sont déterminés à en découdre. Coûte que coûte. Ils se déclarent prêts à tout pour faire échouer toutes les initiatives de leurs rivaux. Ils ont empêché le meeting que Konaté Sidiki, porte-parole des Forces nouvelles, devait animer, lundi dernier, à la Sorbonne?, à Abidjan-Plateau où prêche? Richard Dacoury, un des lieutenants du général? Blé Goudé, président de l'Alliance des jeunes patriotes. Mais ils n'entendent pas s'arrêter en si bon chemin. Ils envisagent même, en usant de menaces, d'obtenir l'annulation du lancement de la caravane de la paix, le 9 juin prochain, dans l'ex-fief de la rébellion, s'ils ne sont pas partie prenante.
Dans ce pays où la guerre a exacerbé toutes les passions et tous les clivages, cette crise dans la galaxie patriotique est dangereuse. Elle pourrait accréditer les thèses défendues par les mécontents qui dénoncent le séfonisme? ou tribalisme. Sans compter qu'elle est aussi susceptible d'envenimer des tensions, toujours latentes, entre groupes ethniques. D'un côté, les principaux leaders que sont Blé Goudé, Richard Dakoury, Thierry Legré... seraient dans les bonnes grâces des autorités en place. Qui leur dérouleraient le tapis rouge. De l'autre, les têtes fortes. Ce sont Eugène K. Djué, Serge Koffi, Kouassi Ferdinand dit Watchard Kédjébo Ils se disent victimes de mépris et de la politique de deux poids deux mesures. Il faut donc se méfier de la récupération politicienne de cette guéguerre interne au camp présidentiel. Elle pourrait être exploitée par les pécheurs en eau trouble. En outre, le silence du Congrès national de résistance pour la démocratie (CNRD, mouvement de soutien à Laurent Gbagbo et aux institutions républicaines), en général, et du FPI, en particulier, face à ce bras de fer aussi vieux que la crise armée, est assourdissant. Ce manque de réaction est la preuve que des responsables politiques gagnent à tirer les ficelles. C'est un secret de Polichinelle. La rébellion armée et l'accord de Linas-Marcoussis ont catalysé les divisions non seulement au PDCI-RDA (où plusieurs barons sont en rupture de ban), mais aussi au FPI (où les différences d'approche et de gestion de la crise politique ont failli emporter Pascal Affi N'Guessan, son président). Mises en veilleuse pour ne pas gêner le Président de la République dans ses actions, ces divergences viennent de rebondir parce que, la paix étant proche, aucun camp ne veut sortir perdant de l'issue heureuse de la crise. Au-delà donc du général Charles Blé Goudé et du maréchal? Eugène Kouadio Djué, c'est toute la lutte de positionnement, mettant aux prises les ténors du parti au pouvoir (?) et du camp présidentiel, qui fait rage. C'est la même guerre à distance qui oppose deux partis politiques (le FPI et le RDR) dans le contrôle des populations du Nord. Cette partie du pays reste, certes, le bastion des Républicains, mais le travail de sape entrepris par Mamadou Koulibaly, 3ème vice-président du FPI chargé des questions gouvernementales, est en train de faire tache d'huile. Ce qui fait sérieusement douter le parti des Républicains. Car, il est d'autant plus gagné par la frilosité, synonyme de panique, qu'après la plupart des membres fondateurs qui ont tourné casaque, des militants influents, soit ruent dans les brancards, soit sont sur le départ. Et, last but not least, l'accord de Ouagadougou est venu perturber tout un système et remettre en cause bien des certitudes. D'une part, cet arrangement politique a assombri les relations entre Guillaume Soro et Alassane Ouattara. De peur que le leader de l'ex-rébellion ne devienne un concurrent, qui pourrait lui voler la vedette ou lui porter ombrage au Nord, le président du RDR s'est opposé à sa désignation au poste de chef du gouvernement. D'autre part, Ouaga représente le fil d'Ariane qui a conduit à une réconciliation sincère entre deux hommes qui, s'étant, par dépit amoureux, querellés sur des positions artificiellement irréconciliables, fument le calumet de la paix. Ainsi, après presque cinq ans de brouilles, les incompréhensions ont fondu comme beurre au soleil. C'est pourquoi les Forces nouvelles ne se sont nullement offusquées de l'obstruction des partisans de Djué Eugène au meeting de Sidiki Konaté à la Sorbonne. Elles ont même excusé ces actions qu'elles ont mises sur le compte de simples sautes d'humeur.
Ces retrouvailles chaleureuses et la nouvelle idylle Gbagbo-Soro constituent une menace que le président du RDR a décodée. Il s'est rendu urgemment à Ouaga d'où il est revenu mercredi et a organisé, samedi dernier, un copieux dîner en l'honneur du Premier ministre à sa résidence. Sur l'autel de ses ambitions électoralistes, Ouattara fait contre mauvaise fortune bon c?ur. Après l'étape des escarmouches, il a aussi choisi de faire la paix, lui seul, avec les Forces nouvelles et leur leader à l'effet de maintenir son emprise sur l'électorat du Nord. Mais, en plus de trahir implicitement l'alliance avec le RHDP, le président du RDR s'aventure sur un terrain devenu beaucoup plus glissant depuis la nouvelle donne politique et le pacte signé, dimanche dernier, devant Dieu, à la cathédrale Saint Paul d'Abidjan-Plateau. Entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro.

Par
Ferro M. Bally

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023