jeudi 24 mai 2007 par Notre Voie

Le député Sécré Richard est président du conseil général de Bondoukou. Il décrit l'existence de ses populations dans la nouvelle ère de réconciliation et après le démantèlement de la zone de confiance. Notre Voie : La région de Bondoukou a été divisée en deux parties durant toute la guerre. Quelles sont, aujourd'hui, les réalités sur le terrain ?
Sécré Richard : Avant le démantèlement officiel de la zone de confiance, les populations étaient déjà en contact de part et d'autre. Le démantèlement nous épargne juste les tracasseries et les autorisations à demander, avant de se rendre chez soi. Le démantèlement est donc bien accueilli avec beaucoup de satisfaction. Du fait de l'ouverture de la route, la circulation est devenue normale entre Bondoukou et Bouna. Les gens vont et viennent, ils se déplacent librement. Au plan politique, il ne reste plus au FPI, mon parti, d'aller officiellement pour remobiliser ses militants. Le véritable problème aujourd'hui, c'est comment faire pour survivre devant la mévente de l'anacarde. Depuis l'année dernière, les gens en souffrent. N.V. : Que reste-t-il du FPI dans la zone ex-assiégée?
S.R. : Le parti est vivant. Mais, depuis cinq ans, les militants sont restés sans activité. Ils étaient menacés. Aujourd'hui, avec la réunification, ils attendent qu'on aille les rencontrer pour leur donner de nouveaux mots d'ordre. Ils attendent qu'on aille leur insuffler du sang nouveau, puisque tous les responsables étaient venus soit à Bondoukou, soit à Abidjan. Il faut les ramener officiellement et les aider à se réinstaller pour qu'ils remobilisent les bases afin que les militants se remettent au travail.
A ce sujet, le parti a organisé un séminaire et des résolutions ont été prises. Il reste que le parti envoie les camarades en mission.
Depuis longtemps, des missions sont faites pour rencontrer les responsables de base restés sur place. Mais, quant à notre capacité réelle de mobilisation, c'est en nous y rendant que nous allons vérifier cela. N.V. : La mévente de l'anacarde dont vous parliez tout à l'heure est-elle due à la guerre ?
S.R. : Non, pas du tout. C'est que depuis deux ans, l'anacarde se vend très mal ou pas du tout. La deuxième situation, c'est que les gens ont tendance à aller vendre leurs produits à côté, au Ghana, où la production est faible. Cela provoque une perte pour notre pays. Il faut que l'Etat trouve les voies et moyens pour que l'anacarde soit acheté dans de meilleures conditions, car il s'agit du seul produit qui apporte des revenus dans le Zanzan. Tant que ce problème n'est pas réglé, les gens resterons sourds à tout autre discours. N.V. : Pourquoi les Ivoiriens vendent-ils leur anacarde au Ghana ?
S.R. : C'est à cause du prix. Le kilo d'anacarde serait vendu au Ghana à 200 francs. En Côte d'Ivoire, il coûte 75 francs. L'Etat n'est pas très impliqué dans l'organisations de la filière. Les acheteurs font donc ce qu'ils veulent des associations de producteurs et les paysans sont livrés à eux-mêmes. Ils fixent les prix comme ils le veulent. En Côte d'Ivoire, il a été officiellement fixé à 130 francs. Mais ils achètent l'anacarde à moins que cela. Au Ghana, le prix est plus élevé. Je pense que l'Etat doit faire une étude sérieuse pour prendre la bonne décision. N.V. : Quelles sont les actions envisagées pour y remédier ?
S.R. : L'ARECA est la seule structure qui existe. Elle n'est pas habilitée à gérer toute la filière. Plusieurs structures, comme dans la filière du café et du cacao, devraient être mises en place. Le ministre de l'Agriculture devrait faire un effort pour achever la mise en place de toutes les structures de gestion de la filière anacarde. On ne sait plus à qui s'adresser. L'ARECA a une marge d'action très limitée, les autres structures n'existent pas et l'Etat ne prend pas d'initiative. Les producteurs sont donc laissés à la merci des acheteurs. C'est cela qui est mauvais.
L'impatience s'installe. Récemment, nous avons dû organiser une mission urgente pour faire une étude en vue d'adresser un courrier au président de la République qui doit prendre une décision rapidement. Avant même de parler de la politique, c'est une question de survie. Et les gens n'écoutent rien d'autre. Quel que soit le sujet de la rencontre, on finira toujours par le problème de l'anacarde. Depuis deux ans la population a sa production sur les bras. Cela commence à inquiéter et les gens ont tendance à forcer les barrages pour se rendre au Ghana. Et, comme les forces de l'ordre gardent la frontière, cela peut provoquer des heurts. Or, ces populations ont soutenu les FDS pendant toute la crise. Il serait malheureux qu'elles se retournent contre elles. Cela créerait une situation difficile à gérer. Il y a urgence.


Interview réalisée par Paul D. Tayoro

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023