mercredi 23 mai 2007 par Le Patriote

() Il n'y a pas de gouverneur en Côte d'Ivoire. Il y a un chef d'Etat élu par le peuple ivoirien () L'époque des gouverneurs est terminée . Ces propos sont du chef de l'Etat Laurent Gbagbo. Il les a tenus, lundi après midi, devant le groupe des diplomates africains accrédités en Côte d'Ivoire. Le disant, il voulait dénoncer l'implication de la communauté internationale dans la résolution de la crise ivoirienne. Une implication qu'il assimile, du reste, à une ingérence des fonctionnaires de l'ONU, en l'occurrence Pierre Schori et Gérard Stoudman, dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire. Seulement voilà ! Gbagbo a remis au goût du jour un vieux débat qui a défrayé la chronique ici à l'approche de l'échéance d'octobre 2005 : le débat sur la légitimité et la légalité d'un chef d'Etat dont le mandat est arrivé à expiration depuis deux années consécutives et qui se maintient au pouvoir contre vents et marées. En effet, s'il est vrai qu' il n' y a pas de gouverneur en Côte d'Ivoire , il est moins vrai d'affirmer qu' il y a un chef d'Etat élu par le peuple ivoirien . Ce qui est vrai, c'est qu'il y a un Chef d'Etat qui a été élu dans des conditions calamiteuses en octobre 2000 pour un mandat de cinq ans. Et ce mandat, rappelons-le, a pris fin depuis le 31 octobre 2005, date à laquelle des élections présidentielles devaient se tenir pour permettre de choisir le nouveau Président de la République et Chef d'Etat de Côte d'Ivoire. Ces élections n'ont pu être organisées pour les raisons que nous savons tous : la crise militaro-politique enclenchée en septembre 2002 a occasionné une partition de fait du territoire national, rendant impossible l'organisation des élections. Là-dessus, on est tous d'accord. Mais, là où on est moins d'accord avec Laurent Gbagbo, c'est quand il affirme en s'enorgueillissant qu' il y a un chef d'Etat élu par le peuple ivoirien . Non, il n' y a plus un chef d'Etat élu à la tête de la Côte d'Ivoire. Et le nouveau président français Nicolas Sarkozy l'a si bien fait remarquer dans une allusion claire à Laurent Gbagbo en affirmant qu'il ne rend pas visite aux chefs d'Etats qui se prolongent au pouvoir. C'était peu avant le premier tour de scrutin présidentiel français. Et il répondait ainsi à une question d'un journaliste lors d'un débat sur TV5. Le disant, Sarkozy n'avait pas tort. Il a même raison sur toute la ligne. Parce qu'à la vérité il y
a, à la tête de la Côte d'Ivoire, un chef d'Etat qui a vu son mandat prorogé depuis deux ans sans aucune élection. Cela, non pas par la volonté du peuple ivoirien qui ne s'exerce et s'exprime qu'à travers le suffrage universel direct. Mais, par la volonté des acteurs de la crise ivoirienne et les représentants de la médiation et de la communauté internationale. Il y a à la tête de la Côte d'Ivoire un chef d'Etat maintenu à son poste d'accord partie et par résolution onusienne . Et cela, il faut le dire. Il n'y aura à la tête de la Côte d'Ivoire un chef d'Etat élu par le peuple ivoirien qu'à l'issue des prochaines élections qui devront nécessairement être transparentes, justes, crédibles et démocratiques. Ce qui est révoltant, c'est qu'il faut être en Côte d'Ivoire pour voir un chef d'Etat maintenu au pouvoir par prolongation tacite de mandat se vanter d'une telle situation qui ne lui confère ni légitimité ni légalité. Ces deux qualités, Laurent Gbagbo les a perdues depuis la fin de son mandat en octobre 2005. Jusqu'à cette date, il avait encore le manteau de la légalité. Parce qu'il a tout de même été élu face à des adversaires. Même si les plus coriaces que sont Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont été éliminés de la course. Mais, il n'a jamais eu la légitimité que seul le peuple dans sa grande majorité confère à l'élu. Or, il est de notoriété publique que seulement 18 % des électeurs ivoiriens ont pris part au scrutin présidentiel d'octobre 2000. En toute évidence, un tel taux de participation ne peut conférer de légitimité à aucun élu, encore moins à un chef d'Etat qui, par essence même, doit être l'émanation du peuple. On le sait, le peuple ivoirien, dans sa majorité, a choisi de s'abstenir de prendre part aux élections d'octobre 2000 qui ont porté Gbagbo au pouvoir. Il est clair dans ces conditions, que deux ans après la fin officielle de son quinquennat, Gbagbo n'est plus un chef d'Etat légitime. Il est, certes, un chef d'Etat par souci de maintien de la cohésion sociale et de la stabilité dans le pays et pour les raisons évoquées plus haut, mais il n'est plus un chef d'Etat élu par le peuple de Côte d'Ivoire. Et il n' y a pas de fierté particulière à avoir d'être chef d'Etat en dehors de toute élection présidentielle. Laurent Gbagbo est d'autant plus conscient de la crise de légitimité et de légalité que vit son régime qu'il n'a de cesse de réaffirmer sa volonté d'aller aux élections, seule gage d'une sortie de crise définitive : Il nous faut aller aux élections afin que le vainqueur puisse gouverner de façon libre et éviter ainsi le mélange des genres , a-t-il fait remarquer aux diplomates africains accrédités en Côte d'Ivoire. Gbagbo aura plus de fierté à réclamer le statut de chef d'Etat élu par le peuple ivoirien , s'il venait à remporter à la loyale la prochaine présidentielle. Et il éviterait, ainsi, le mélange des genres qu'il dénonce. Mais, tant que ce n'est pas le cas, il est et demeure un chef d'Etat maintenu au pouvoir par prolongation annuelle de mandat. Déjà, nous en sommes à deux prolongations depuis octobre 2005. Et si cette situation illégale et anticonstitutionnelle continue durant dix ans encore, cela veut dire que Gbagbo sera au pouvoir pendant tout ce temps. Y a t il une fierté à être au pouvoir dans ces conditions anormales ? Que non ! Parce que même l'article 38 de la constitution qui autorise le chef de l'Etat à demeurer en fonction en cas de troubles graves ou d'interruption du processus électoral ne donne pas droit à Gbagbo de se maintenir au palais ad vitam æternam. Et cela, les diplomates africains qui n'ont point cédé à la mystification le savent.
Khristian Kara

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