mercredi 23 mai 2007 par Fraternité Matin

En prélude à la tournée d'explication et de sensibilisation qu'entreprendra le SG des Fn, Soro Guillaume, dans la zone sous contrôle de son mouvement, Cissé Sindou, qui l'a précédé sur le terrain, fait le point.

A la tête d'une délégation du cabinet du secrétaire général, vous êtes assez présent ces jours-ci dans bien des localités. A quelle urgence ou nécessité cela répond-il?

Merci de l'opportunité que vous offrez au cabinet de faire le point partiel de cette tournée d'explication et sensibilisation à l'Accord de Ouagadougou. Notre tournée précède et prépare une plus grande que le Premier ministre, Soro Kigbafori Guillaume, secrétaire général des Forces nouvelles, entreprendra dans les toutes prochaines semaines. L'objectif visé, c'est de donner aux populations la bonne information, l'information juste. Afin de les amener à mieux s'approprier l'Accord politique de Ouagadougou que le secrétaire général a signé en leur nom et après les avoir consultées. Une démarche que stipulent du reste les dispositions finales dudit accord et à laquelle elles invitent chacune des deux parties signataires.
Ainsi, partout où nous sommes passés, nous nous sommes attelés à leur donner la lettre et surtout l'esprit de cet accord.

Que leur dites-vous exactement ?

Avant tout, nous leur apportons le salut, la gratitude et la reconnaissance du secrétaire général des Forces nouvelles pour leur confiance, leur soutien et leurs bénédictions qui ont été d'un grand apport au mouvement. Nous leur exprimons également notre compassion et celle de notre mandant pour les cinq années d'épreuves et de difficultés en tous genres engendrées par la crise.
Ensuite, nous leur rappelons que l'Accord de Ouagadougou est un compromis politique que les Forces nouvelles ont librement signé en leur nom et sur leurs recommandations. En insistant sur le fait que cet accord contient tous les ingrédients pour une sortie de crise heureuse et pacifique. Qu'il prend en compte l'essentiel de nos revendications depuis le 19 septembre 2002. Nous leur avons donc fait remarquer que si cet accord était correctement appliqué, nous aurions ainsi obtenu par la négociation et le dialogue ce que les armes n'ont pu nous apporter.

Cela n'a pas dû être facile, je suppose. Dans quelles dispositions d'esprit étaient les populations visitées?

Je vous concède que cela n'a pas été toujours facile. Certains de nos interlocuteurs nous ont dit leurs réticences ou plutôt leur méfiance et leur manque de confiance dans le camp présidentiel. Il nous ont invité à la vigilance car pour eux, les autres d'en face sont capables de tout et à tout moment. Des réactions qui, il faut le dire, ne nous ont pas surpris car, plus ou moins, nous nous y attendions. Dès lors, vous comprenez que notre devoir ne pouvait être que de rassurer les uns et les autres.
Nous leur avons donc dit que la guerre est bel et bien finie et que l'heure est désormais au pardon et à la réconciliation. Et c'est justement là l'esprit de l'Accord de Ouagadougou. C'est vrai que les positions des deux parties signataires étaient diamétralement opposées au départ, leur ai-je dit, mais aussi bien nous-mêmes que le camp présidentiel, chaque partie a dû faire des concessions finalement. Par exemple nous, Forces nouvelles, nous avons été amenées à renoncer à l'idée du départ de M. Laurent Gbagbo du pouvoir ainsi qu'à celle de la suspension et de la révision de la Constitution comme préalable à toute discussion. De l'autre côté, le camp présidentiel a dû, lui aussi, renoncer à la fixation qu'il faisait sur le désarmement. C'est cela le compromis.

Avez-vous le sentiment que les populations vous ont compris et qu'elles ont adhéré à votre message?

Nous le croyons. Ce d'autant plus que nous avons également touché du doigt les problèmes qui les concernent au plus haut point, du moins sous l'angle administratif et politique. Il s'agit de l'identification, de la révision des listings électoraux et des élections. Nous leur avons dit combien l'Accord de Ouagadougou tenait à ce que chaque citoyen ait sa pièce d'identité nationale et qu'il puisse librement choisir, le moment venu, le leader de son choix. Cependant, comme nous l'a recommandé le secrétaire général, nous avons évité de verser dans le triomphalisme. En insistant sur le fait que l'Accord de Ouagadougou ne consacrait ni vainqueur ni vaincu et que seul le souci majeur de réunification du pays, de sa reconstruction et de la paix avait guidé et animé les signataires.
Nous leur avons surtout fait observer ici et là que cet accord pourrait mettre un terme à leurs souffrances. Ce d'autant plus que partout ailleurs, les populations nous ont dit qu'elles sont fatiguées de cette crise et qu'il fallait trouver une solution de sortie.

Pour sûr M. le directeur de cabinet adjoint, vos interlocuteurs vous ont parlé de leurs préoccupations existentielles quotidiennes. Quelles sont-elles?

Les populations ont évoqué, ici et là, des soucis sécuritaires. D'abord à leur propre niveau, suite au démantèlement de la zone de confiance. Elles redoutent des attaques surprises des FDS et ont dit se souvenir encore du bombardement des Sukhoï précédé et suivi de coupures d'eau, d'électricité et de téléphone sur plusieurs jours. Nous avons déploré tout cela et indiqué que l'Accord de Ouagadougou est venu corriger ce triste passé en déclarant que la guerre est bel et bien finie et que la priorité était désormais au dialogue et à la négociation.
Ensuite, il s'est agi de la sécurité du Premier ministre et des ministres issus des Forces nouvelles. Là, tout en leur rappelant qu'il n'y a pas de sécurité à 100% et donc pas de risque zéro en la matière, nous leur avons expliqué tout l'effort que le camp présidentiel a fait et continue de faire en acceptant que Soro Guillaume soit gardé par ses propres éléments. Des éléments armés, je précise. Ce qui, il faut bien l'admettre, aurait pu faire également peur au camp présidentiel et susciter méfiance et réserves. Mais, pour la paix et au nom de la paix, il n'en a rien été.

Les préoccupations d'ordre existentiel auraient-elles été occultées pour autant?

Non, pas du tout et j'allais en venir. Dans l'ensemble, disons que nos interlocuteurs ont aussi évoqué la commercialisation laborieuse des produits agricoles que sont le coton, l'anacarde, la mangue, etc. Ils ont particulièrement insisté sur la chute vertigineuse des prix, les arriérés de paiement ainsi que les tracasseries policières. A cela, ils ont ajouté la dégradation totale du réseau routier, le manque d'équipement et de personnel pour les formations sanitaires et les établissements scolaires, le manque de médicaments ainsi que le non paiement des primes dues aux enseignants volontaires. De même, les enseignants titulaires réclament leurs primes d'installation.
Nous avons pris bonne note et avons promis de rendre compte à qui de droit. Cependant, ici et là, nous leur avons demandé de faire confiance au gouvernement que dirige leur fils Soro Guillaume.
Dans tous les cas, nous avons aussi relevé qu'à cette phase du processus de paix, il y avait nécessité de privilégier les solutions concertées plutôt que les solutions unilatérales dans le règlement des problèmes. Qu'il ne fallait donc rien entreprendre qui aille à l'encontre de la paix. En soulignant que sans paix, il n'y a pas de développement. Sans paix, il n'y a ni argent ni infrastructures routières. Sans paix, il n'y aura pas de juste rémunération du prix des produits agricoles ni d'amélioration du cadre de vie. Ici et là, nous avons donc prôné la paix, le pardon et la réconciliation vraie et avons indiqué que c'était justement là la mission confiée au Premier ministre Soro et à son gouvernement d'union.

Que pensent les populations de la visite annoncée du Président Gbagbo dans la zone ex-assiégée?

Disons qu'à l'heure de la décrispation et du dialogue direct, ce déplacement du Président Gbagbo aura valeur de symbole. Tout comme la présence de Soro Guillaume à la Primature et à Abidjan au sud. Nous avons donc démontré aux populations qu'à partir du moment où elles aspirent à une Côte d'Ivoire une et indivisible et qu'elles continuent d'exprimer cette aspiration, la libre circulation des personnes et des biens devenait un impératif. Et elles l'ont non seulement compris mais mieux, elles s'engagent à ne point faire obstacle à cette visite présidentielle.
Nous leur avons dit que l'Ivoirien doit se sentir partout chez lui sur tout le territoire national. Ainsi pourra-t-il véhiculer le message de paix, de fraternité et de pardon.Ainsi pourra-t-il briser le mur de méfiance, d'intolérance et d'hostilité qui s'est érigé depuis quelques années. Ainsi les Forces nouvelles pourront-elles aller, par exemple, à Gagnoa et à Mama pour communier avec leurs frères et s?urs de là-bas en toute quiétude. C'est cela aussi l'esprit de l'Accord de Ouaga. En tout cas, le sud a donné le ton en acceptant le secrétaire général des Forces nouvelles. La réconciliation est à ce prix. Par ailleurs, dans une telle ambiance de décrispation, ne voyez-vous pas que les partis politiques en sont les plus grands bénéficiaires ? Ils auront ainsi la latitude de mener leurs activités partout en Côte d'Ivoire. Librement. Nous pensons là par exemple au G7 qui assurerait ainsi son redéploiement.

Vous pensez au G7 alors qu'il se dit que le torchon brûle en ce moment entre les Forces
nouvelles et les autres membres de ce collectif dont on a même annoncé la mort?

Permettez qu'on ne s'installe pas dans la polémique ou dans la politique politicienne. Je n'en ai ni la volonté ni le mandat. Il n'empêche, laissez-moi quand même vous dire qu'aujourd'hui, aucune formation ne peut, à elle toute seule, remporter la présidentielle en Côte d'Ivoire. Le G7, à notre humble avis, gagnerait donc à maintenir son unité et sa cohésion. Si le collectif veut garder la majorité dont il se réclame, ses membres gagneraient à taire les querelles de clocher et autres frustrations qui ont pu découler de la formation du nouveau gouvernement ou peut-être même de certaines dispositions du dialogue direct. Nous comprenons certaines réactions, mais nous disons que l'essentiel est ailleurs. C'est dans le processus d'identification par exemple avec les audiences foraines qui vont reprendre bientôt, c'est la vigilance à opérer pour la mise à jour d'un fichier électoral fiable, c'est l'organisation d'élections libres et crédibles, bref, c'est la paix tout court. Dans tous les cas, l'Accord de Ouagadougou prévoit le recourts au facilitateur au cas où quelqu'un se sentirait lésé dans son application. Tel n'est pas le cas encore, fort heureusement. Cela dit, il convient tout de même de rappeler que le G7 doit son nom aux Forces nouvelles qui lui apportent ses trois composants que sont le MPCI, le MPIGO et le MJP. C'est dire qu'elles ont très vite compris la nécessité du regroupement et qu'elles n'ont aucun intérêt particulier à détruire ce qu'elles ont contribué à bâtir. L'heure est donc à l'union et à la remobilisation des militants.

Reste que bien souvent, les Forces nouvelles qui soutiennent n'être candidat à aucune élection, revendiquent le rôle d'arbitre dans le jeu politique ivoirien, alors que d'aucuns les soupçonnent de se muer en parti politique. Qu'en est-il?

Les Forces nouvelles constituent un mouvement organisé et cohérent dans sa démarche. Nous avons toujours dit ce que nous pensons et ce que nous comptons faire. Souffrez donc que pour le moment, en tout cas à l'heure où nous réalisons cette interview, que nous vous affirmions qu'aucune instruction ou recommandation n'a été donnée dans ce sens par son organe dirigeant qui est le secrétariat général. C'est donc vous qui me donnez l'information. Recentrons donc le débat pour nous permettre de souligner que notre mission dans le cadre de notre tournée, c'est d'apporter aux populations les apaisements nécessaires ; et ce, en prélude à la grande campagne d'explication que se propose d'animer le secrétaire général des Forces nouvelles.

Pour revenir aux activités des partis politiques sur le terrain, doit-on comprendre qu'ils sont libres d'exercer dans les zones ex-assiégés?

Bien sûr que oui. Pour vous en donner une petite idée, lors des audiences foraines, tous les partis politiques qui l'ont souhaité, étaient sur les lieux pour encadrer leurs militants. Même le FPI. C'est dire qu'il n'y a jamais eu d'interdiction ou de restriction au niveau de leurs activités. Peut-être, certains ont eu peur ou ont émis des réserves particulières. Cela dit, le Premier ministre qui veut avoir une dimension nationale, vient de donner des instructions fermes pour que tous les partis politiques puissent exercer encore plus librement. Il y tient particulièrement. Aussi, lançons-nous un appel solennel à tous pour s'approprier cette disposition démocratique et veiller à son application. Sans exclusive. Mais dans le respect des règles de bienséance qui excluent l'appel à la haine, à la violence et au tribalisme.

Interview réalisée à Bouaké par Youssouf Sylla

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