mercredi 23 mai 2007 par Fraternité Matin

Loin de leurs parents, les élèves sont obligés de se prendre en charge. Dans le dénuement total, tous les moyens sont bons pour subvenir à leurs besoins. Filles ou garçons, élèves du premier ou du second cycle, ils partagent une commune expérience: celle d'élèves sans tuteur. Les jeunes lycéens et collégiens d'ici vivent diversement, mais avec la même intensité, les privations qu'engendre cette autonomie forcée. Pour des raisons diverses qu'ils évoquent la gorge nouée, nombre d'entre eux n'ont eu d'autre alternative que de se loger à leurs propres frais. Ils louent une chambre ou alors vivent dans des structures privées d'accueil, bien souvent au péril de leurs intérêts psychologiques et moraux. Loin de l'autorité parentale et privée de l'encadrement de ses géniteurs, Mlle Anne-Edith N. a été contrainte d'interrompre pour une année sa scolarité pour cause de grossesse indésirée. Pétrie de sagesse aujourd'hui, elle jure qu'on ne l'y reprendra plus. Anne-Edith, en classe de première A dans un collège de la place, confie qu'elle a été victime de l'irresponsabilité d'un monsieur? mais aussi de sa naïveté d'adolescente. Avec le recul, Edith reconnaît que le quasi-dénuement matériel dans lequel elle vivait a été un facteur favorisant dans ce qu'elle considère comme sa plus grosse erreur?. Il arrivait des fois où, confie-t-elle, je me demandais comment j'allais trouver à manger à midi ou le soir?. Les interpellations et menaces intempestives de la propriétaire de l'entrer-coucher? où elle logeait pour cause de loyer en retard n'étaient pas non plus faites pour arranger les choses. C'est alors qu'elle va saisir l'offre providentielle? du sieur I.K., le père de son fils. Question pour A. Edith de se mettre à l'abri du besoin. L'histoire d'Edith, à quelques particularités près, ressemble à celle de nombreuses autres lycéennes ou collégiennes de la ville.
Dans la quasi-totalité des cas, les conditions de vie de ces élèves dans un environnement de privation et de tentation ne sont pas sans effet sur les résultats scolaires voire sur leur vie. Depuis qu'elles sont livrées à elles-mêmes et ce depuis la classe de 6e, Louise et Rosine Badjo respectivement en classes de terminale et de quatrième, ont élaboré toutes les stratégies d'adaptation à toute sorte de nuisances pour mener à bien leurs études. Les deux s?urs qui louent pour 10.000F un entrer-coucher? au quartier Château, ont pour voisins très bruyants et très assidus, les fidèles d'une cellule de prière. De pieux voisins qui, dès 18h, chaque jour, inondent l'alentour de sons de tam-tam, grelots, castagnettes et autres instruments sonores de louange. Les séances de délivrance, déplorent Rosine, sont encore plus stressantes et bruyantes?. Ajouté à cela l'effort de respect d'un code de location? des plus contraignants élaboré par la propriétaire des lieux. Nous n'avons pas droit au ventilateur, au poste radio?. En outre, la propriétaire reste très regardante sur l'approvisionnement en eau des filles. Le nombre de seaux d'eau auquel les deux lycéennes ont droit chaque jour fait partie des clauses du contrat. Le père de Kossia Reine a, quant à lui, fait le choix d'un foyer d'accueil à proximité du lycée que fréquente sa fille pour pallier le problème de tuteur pour ses trois enfants. Ici aussi, l'effort financier consenti est à la dimension des problèmes d'hébergement dans la ville. Pour Reine Armande, sa grande s?ur et son petit frère, le père a dû débourser la somme de 210.000F, soit 70.000F par pensionnaire. Mais à l'arrivée, constate Armande, les services fournis sont bien en deçà des énormes sacrifices consentis par son père. A preuve, révèle-t-elle, depuis un moment, le courant est coupé pour facture impayée, les W.C. sont remplis et les eaux usées débordent et inondent la douche chaque fois que la chasse d'eau est tirée. Les vitres de certaines fenêtres ont volé en éclats, les clés ont disparu des serrures?. Toutes choses qui favorisent les nombreux vols qu'ont eus à déplorer les pensionnaires. Ces expériences ne sont pas pires que celles que vit Porgo Inoussa, élève en classe de seconde C au lycée moderne. Dans le quartier de Begnery où il vit dans un entrer-coucher? avec ses quatre frères, la promiscuité le dispute à la précarité des conditions de vie. En l'absence d'électricité qu'ils ne peuvent s'offrir en raison du coût, nos jeunes lycéens étudient à la lampe-tempête et sous les lampadaires. Des soucis bien mineurs, concède Inoussa, au regard de ceux engendrés par la faim, leur fidèle compagne de midi. Avec une ration de 1500F par semaine, soit 200F par jour, Inoussa et ses frères ont eu la sagesse d'opter pour la satisfaction de leurs besoins alimentaires avant tout autre chose. Les midis, confie le lycéen, chacun se débrouille, ce n'est que pour les repas du soir que nous avons conçu un programme de cuisine. Un programme qui dans bien des cas ne peut être respecté faute de provisions. Ces difficultés, reconnaît le potache, ont des incidences négatives sur le travail. Puisque, justifie-t-il, des fois, en plein cours, j'en suis à penser à comment arriver à me mettre quelque chose sous la dent?. C'est d'ailleurs pour se mettre à l'abri de tant de soucis que l'élève Edjettie Neuba, lui, a fait le choix de la consommation régulière du garba?. Après les cours, Neuba descend? chez son vendeur attitré, prendre sa ration quotidienne d'attiéké au poisson salé. Avec 125F, dit-il, c'est-à-dire attiéké 50F, poisson 75F, j'en ai pour mon argent?. Même lorsqu'ils émettent sans grande conviction le v?u d'un retour au système d'internat dans les lycées, les jeunes élèves espèrent tout au moins que les différents acteurs du système éducatif se penchent sur le problème de l'hébergement d'une frange de la population scolaire. Tout au plus, souhaitent-ils la construction progressive de centres d'hébergement pour élèves dans le besoin dans les villes qui accueillent de fortes populations scolaires. Des établissements à gestion privée, avec l'encadrement adéquat, afin de permettre aux adolescents de poursuivre plus aisément leurs études. Parce qu'en fin de compte, la suppression du régime d'internat et aujourd'hui le refus ou la réticence des populations à recevoir chez elles les élèves est un problème majeur dans le système éducatif. Le rôle de socialisation, de creuset de brassage des cultures et de partage des valeurs sociales n'étant pas le moindre des atouts des internats.
Arsène Kanga
Correspondant régional
Entre nous : Déplorable !
Que c'est triste! Des élèves qui, par la force du destin, se retrouvent dans une ville où ils n'ont pas de famille, pas de tuteur. Contraints de se prendre en charge. Payer le loyer et se nourrir deviennent leurs soucis majeurs. A telle enseigne que les filles deviennent la proie de ces gentils messieurs?, prêts à payer le loyer, à offrir la pitance quotidienne. Parfois même à offrir à la bien-aimée vêtements, bijoux et de nombreux cadeaux. Cela, en échange bien sûr de sa jeunesse et de sa beauté?. C'est scandaleux de profiter de ces personnes en difficulté. Surtout que ces chers messieurs? ayant l'âge des parents de ces jeunes filles, se fondent dans la nature dès qu'un héritier pointe son nez. Comment des élèves qui vivent dans de telles conditions peuvent-ils produire de bons résultats scolaires? Les parents doivent songer à prendre leurs responsabilités en mettant les moyens nécessaires à la disposition de leurs enfants qui poursuivent leurs études dans des villes où ils n'ont ni parent, ni tuteur.

Par NimatoUlaye Ba

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