lundi 21 mai 2007 par Le Matin d'Abidjan

Au rythme des tam-tams, la foule des militants du RDR (Rassemblement des républicains) chante et danse. Sur le podium, Mamadou Coulibaly Sangafowa, l'un des responsables de ce parti d'opposition ivoirien, lance au millier de spectateurs massés à Kassirimé, un quartier de Korhogo (630 km au nord d'Abidjan) : "Unis pour porter le Dr Alassane Dramane Ouattara au pouvoir !". Et, les militants enthousiastes de scander en ch?ur "ADO ! ADO ! (acronyme du nom de l'ex-Premier ministre, musulman originaire du Nord, NdIr)". En cet après-midi du 7 mai, le RDR tient meeting, le énième en deux mois dans cette région de la moitié nord du pays, occupée depuis le 19 septembre 2002 par les Forces nouvelles (FN, ex-rébellion). Avant le 4 mars, jour de la signature au Burkina-Faso de l'accord de paix entre Guillaume Soro, le leader des FN, et le président Laurent Gbagbo, le RDR ne pouvait publiquement mener aucune activité politique dans les localités septentrionales Tout comme le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ex-parti unique), le Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) et les autres formations. Ce qui n'était pas le cas au sud du pays, en zone dite loyaliste, où, après les accords de Marcoussis en janvier 2003, les partis ont commencé à jouir d'une certaine liberté d'action même si, à ce jour, ils ne peuvent toujours pas organiser de marches. Au Nord, un "régime d'exception", caractérisé entre autres par l'interdiction de toutes activités partisanes, régnait alors dans les ex-zones de guerre. "Il était même interdit de porter des habits à l'effigie de nos hommes politiques", sourit Kuonan Silué, de la section Jeunes du PDCI à Dikodougou, village situé au sud de Korhogo. Les soldats des FN et leurs partisans battaient au sang les contrevenants. Le regard malicieux, Ouagnonsienré Coulibaly, secrétaire d'une des sections locales du PDCI, confie non sans humour avoir été "copieusement tabassé à mort en 2006 en compagnie d'un autre camarade à cause de leur militantisme".

Fin des représailles politiques
Les FN et leurs partisans visaient alors surtout les militants du FPI de Laurent Gbagbo, chrétien originaire du Sud, qui serait, selon eux, à l'origine de la crise militaro-politique. Ils l'accusaient d'avoir divisé les Ivoiriens en utilisant à son profit l'idéologie xénophobe, prônée par "l'ivoirité". L'usage de ce terme, lancé en 1995 par l'ancien président Henri Konan Bédié puis repris dans la Constitution de 2000, avait permis de dénier la nationalité ivoirienne à Alassane Ouattara, du coup écarté de la course à l'élection présidentielle. Nagalourou Coulibaly, agriculteur, avait depuis 2002 caché son militantisme pro-FPI parce que, justifie-t-il, "j'ai été prié de fermer ma bouche si je voulais rester en vie". Mais, pour beaucoup d'Ivoiriens, tout cela relève maintenant du passé. La nomination, en mars dernier, de Soro au poste de Premier ministre, la formation du gouvernement de transition, la suppression de la zone de confiance entre le Nord et le Sud, etc. constituent autant d'événements qui suscitent un grand espoir de retour de la paix. Dans le nord du pays, les langues se délient, les exilés politiques rentrent au bercail. C'est le cas de Abou Mapiéchon, militant du FPI, qui s'était réfugié à Abidjan, la métropole économique au sud du pays, après avoir reçu des menaces de mort à Korhogo, sa terre natale. "À présent, je suis un homme très heureux, car j'ai retrouvé toute ma famille ", lâche-t-il d'une voix émue. Les partis politiques, qui pour la plupart ont leur siège national à Abidjan, se lancent à présent à la conquête de l'électorat du Nord où, avant la crise, vivaient 40 % des dix-huit millions d'Ivoiriens. Pour eux, l'enjeu reste la participation victorieuse aux élections générales, législatives et présidentielle, prévues selon l'accord de paix avant fin 2007 et devant couronner l'exécution des étapes du processus de sortie de crise (intégration des soldats des FN dans l'armée ivoirienne, identification des populations, établissement de nouvelles listes électorales...).

Mobilisation politique tous azimuts
Vêtus de chemises à l'effigie de leur leader, Henri Konan Bédié, les militants du PDCI ont marché dans les rues de Korhogo le 14 avril dernier et tenu un meeting, le premier depuis plus de quatre ans! "Korhogo, fief des ex-rebelles, demeure un bastion du PDCI", constate Ezaley Georges, membre du bureau politique du parti tandis que Ouagnonsienré Coulibaly clame partout "si je meurs, mettez-moi en guise de linceul un pagne aux couleurs vert-blanc du PDCI !". Pour Lassiné Koné, du RDR, la stratégie actuelle consiste à "accélérer la réorganisation des structures locales du parti, faire la sensibilisation de proximité pour amener nos militants à participer massivement aux audiences foraines et à se faire recenser sur les listes électorales, car bon nombre de nos concitoyens demeurent encore sans carte nationale d'identité".Même objectif au FPI qui, en attendant la tournée imminente, mais non encore programmée de Laurent Gbagbo, multiplie les contacts avec ses militants et installe ses structures partout dans le Nord. A sept mois des élections générales, la mobilisation politique bat déjà son plein.

Lu dans Sidwaya

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