lundi 21 mai 2007 par Le Matin d'Abidjan

Une autre phase active et concrète de l'application de l'Accord de Ouaga aura été le dépôt effectif des armes par les résistants du Moyen-Cavally, le samedi 19 mai dernier à Guiglo.

Chose promise, chose faite. Les forces de résistance du Grand-Ouest (FRGO) réunissant le FLGO, l'APWE, l'UPLGO, le MILOCI et les FS Lima ont rendu leurs armes au chef de l'Etat comme l'avait annoncé Mao Glofiéhi, président dudit mouvement. " Nous invitons le chef de l'Etat à venir à Guiglo le 19 mai. Parce qu'à cette date-là, nous avons décidé unanimement et volontairement de démanteler nos troupes et de brûler nos armes ", avait lancé Mao lors de la cérémonie hommage à sa personnalité de ''Grand résistant à la rébellion''. C'était au début du mois de mai, à l'occasion de la journée hommage organisée par l'UNOPACI (Union des orateurs des parlements et agoras de Côte d'Ivoire). C'est donc fait, l'homme a tenu parole en rendant au total 1027 armes de type calibre 12 ( 782), des fusils d'assaut (241), 3 RPG et 1 mortier de 82 mm. La place Félix Houphouet-Boigny de Guiglo a été le lieu du témoignage officiel et solennel de la remise symbolique de l'arsenal au chef de l'Etat. Par ce geste qu'il veut de bonne foi, " le FRGO veut respecter la promesse qu'il a faite au Président de la République de désarmer ses troupes le 19 mai 2007 ". Ainsi Mao Glofiéi a pris à témoin la communauté internationale à laquelle il dit vouloir donner un " signal fort " du désarmement et du bon fonctionnement du processus de paix en Côte d'Ivoire. La remise des armes consacre à son sens un retour sans condition de ses hommes à la vie civile et normale. Et " à partir du 19 mai 2007 tous et toutes celles qui détiendront illégalement des armes à feu dans notre région devront répondre devant la loi de la République de Côte d'Ivoire. Car, le FLGO ne sera plus tenu pour responsable de leurs agissements ", a-t-il prévenu.

Aucune exigence des ex-combattants mais
Dans une situation où les fils et filles du Moyen-Cavally se sont volontairement dressés contre la rébellion, ils estiment que l'Etat ne leur doit rien. C'est pourquoi le président du FRGO a été clair avec le Président de la République en lui disant : " En vous remettant ces armes, nous ne vous exigeons rien. Cependant nous demandons que le PNDDR achève ce qu'il a commencé vis-à-vis de nos combattants, c'est-à-dire leur prise en compte effective ". En effet, le PNDDR avait commencé à dédommager les ex-combattants en échange des armes déposées. L'insertion de ces derniers était également envisagée par ledit programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR), pilotée par le général Ouassénan Koné, présent à la cérémonie. Outre donc la promesse du PNDDR, le FRGO veut compter sur le chef de l'Etat pour voir ses ex-combattants rééduqués par le service civique national. " Nous voulons, M. le Président de la République, que dans le cadre du service civique national, vous donniez la place qui convient aux jeunes de cette région et que des centres soient installés dans chacun des quatre départements, à savoir Guiglo, Bangolo, Toulepleu, Bloléquin... "

7 chariots, 1 camion de fusils et 3 caisses de grenades
Pour la remise symbolique, le ''Général'' Mao a remis un fusil calibre 12 et une kalachnikov au chef de l'Etat. C'est un échantillon qu'il a pris sur un lot, constituant une partie de l'arsenal de guerre du FRGO. Cette puissance de feu et de frappe fait au moins 7 chariots, 1 camion militaire de fusils kalachnikov calibre 12 et 3 caisses de grenades. Les armes remises au chef de l'Etat ont été confiées au représentant spécial par intérim du secrétaire général de l'ONU, M. Abou Moussa. Car, c'est l'ONUCI qu'il dirige qui est chargée de réceptionner les armes déposées. Cela, conformément à l'accord de Ouaga, comme l'a si bien signifié le Président Laurent Gbagbo. S'en est suivie l'incinération d'un échantillon de ces armes par M. Abou Moussa lui-même, sous les yeux du chef de l'Etat, des diplomates accrédités en Côte d'Ivoire, des officiers de la Licorne et de l'ONUCI et bien entendu des leaders du FRGO : Mao Glofiéhi, le ''lieutenant'' Colombo, Yahi Octave, Pasteur Gammi, Paul Nonzi. La destruction des armes par le feu a provoqué des cris de joie et de tristesse. Au moment où certains (plus nombreux) criaient à la fin de la guerre, d'autres étaient en pleurs. Ils ont, à l'idée d'avoir été les premiers à déposer les armes alors qu'ils ont été les premiers à être attaqués.

L'absence de Soro suscite des interprétations
"On avait prévenu le Premier ministre, Soro Guillaume". Cette phrase du ''général Mao'' à elle seule suffit pour traduire la grosse déception du FRGO. Effectivement, on n'a eu de cesse depuis le début du mois de mai de multiplier les invitations au Premier ministre Soro Guillaume, secrétaire général de la rébellion, à venir à Guiglo afin d'y assister au désarmement et au démantèlement des troupes du FRGO. Hélas, Soro n'est pas venu alors que le comité d'organisation dirigé par Gyu Tiéhi Jean-Claude s'est échiné à sensibiliser tout le Moyen-Cavally afin qu'elle reçoive Soro Guillaume à bras ouverts. Le chef de l'Etat est venu sans son chef du gouvernement dont les partisans en l'occurrence Konaté Sidiki, clament sans cesse son engagement total dans le processus de paix. On peut le dire sans risque de se tromper, certains fils et filles de l'Ouest qui s'étaient apprêtés à recevoir Soro ont été déçus par son absence. La cérémonie a somme toute eu lieu même si des voix isolées l'ont réclamée. " Que Guillaume Soro soit venu ou pas, l'essentiel est que nous (FRGO) avons désarmé. Plus personne ne peut nous reprocher quoi que ce soit ", confiait pour sa part le Pasteur Gammi (Miloci). " Nous avons le devoir de faire le premier pas qui consiste à déposer les armes pour donner une leçon à tous ceux qui détiennent des armes ", précise M. Dissehoué Denis, président de l'Apwê (Association des patriotes Wê). Il estime que Soro n'est pas venu " compte tenu de son programme ".


Voix Express

Les mouvements d'auto-défense ont déposé les armes. Qu'en pensez-vous vous ?

Gbagbo aux FRGO : " Je vous suis très reconnaissant ".

Chers amis, chers frères, du Moyen-Cavally et du grand Ouest, vous dire que je suis heureux aujourd'hui est un pléonasme. Une tautologie. Mais je reviendrai une autre fois pour faire la paix. Aujourd'hui, je suis venu parce que Mao Glofiéi et ses amis m'ont fait dire : " Dites au Président Gbagbo de venir parce que nous voulons lui remettre les armes ". Je ne pouvais pas ne pas venir parce que c'est moi qui ai signé les Accords de Ouagadougou pour qu'il y ait la paix. Si sur une partie du territoire national, on veut, pour avancer que je sois présent : je viendrai. Mao, toi et tes amis, tes frères, je vous salue. Je salue le Flgo, l'Apwê, l'Uplgo, le Miloci, les forces spéciales Lima. Je vous salue parce que vous avez déposé les armes, parce que la guerre est finie. Et ce n'est pas la peine de la faire traîner pour rien. Donc je suis venu pour cela. Avec le Premier ministre Soro, nous irons à Bouaké pour ramasser aussi les armes. Mais je voudrais vous dire ceci : dans les Accords de Ouagadougou, c'est l'Onuci qui doit recevoir les armes. C'est pourquoi, j'ai remis symboliquement la kalachnikov et le fusil calibre 12 à Abou Moussa (représentant spécial par intérim du secrétaire général de l'Onu). Nous avons aujourd'hui un total de 1027 armes, 782 fusils de calibre 12, 241 fusils d'assaut, 3 RPG et 1 mortier de 82mm. Je remets toutes ces armes entre les mains d'Abou Moussa. Et c'est à lui de décider du sort de ces armes. Je crois savoir que nous allons faire ébûcher ces quelques armes. Je m'en vais mais je reviendrai pour faire la paix. Je voudrais dire aux jeunes gens qui sont en face de moi que je compte sur vous pour faire la paix. Mais moi, je ne vous oublierai pas. Bientôt, très bientôt, nous viendrons implanter ici même des centres de service civique. Je suis avec vous, soyez avec moi. Croyez à ce que je dis, moi je crois à ce que vous dîtes () je suis venu et effectivement vous avez déposé les armes. Je vous suis très reconnaissant.

SG par intérim de l'Onuci Abou Moussa : " C'est une action courageuse ".br>
Cette action courageuse qui intervient un mois après la suppression de la zone de confiance et le transfert de sa gestion aux autorités ivoiriennes, constitue une étape importante dans la mise en ?uvre de l'Accord politique de Ouagadougou. En effet, l'Onuci perçoit le lancement des opérations des groupes d'auto-défense comme une volonté manifeste de l'application de l'accord politique de Ouagadougou. Qui s'analyse comme l'espoir du peuple ivoirien et même de la communauté internationale. Mais au-delà de la satisfaction que suscite le démarrage de cette opération, je voudrais souligner, M. le Président, la valeur symbolique que recèle votre présence ici pour honorer le départ d'un processus si longtemps souhaité. Cet acte patriotique mérite d'être salué par tous car sur la route de la paix, la guerre ne peut être qu'inutile. Qu'il me soit permis de saisir cette heureuse occasion pour réaffirmer l'engagement et la disponibilité de l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire à poursuivre des démarches en application des modalités prévues par l'accord de Ouagadougou. En effet, les forces impartiales (Onuci et Licorne) joueront pleinement leur rôle de supervision, conformément à l'accord de Ouagadougou. Je puis vous confirmer, M. le Président, que les équipes sont prêtes. L'Onuci et le système des Nations unies ne ménageront aucun effort pour accompagner le centre de commandement intégré, le programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion. A cet égard, permettez-moi de saluer les efforts de l'Unicef avec le financement du Canada pour la réhabilitation de huit écoles à Guiglo. Excellence, M. le Président de la République, soyez rassuré que les Nations unies veulent une Côte d'Ivoire réconciliée avec elle-même au moyen d'un dialogue rétabli, continu et sincère entre tous ses fils naguère co-acteurs du miracle ivoirien. Je voudrais ici réitérer l'esprit de la communauté internationale de voir la dynamique amorcée se poursuivre. Et de ne plus jamais s'arrêter pour le bonheur du peuple ivoirien.

Amani N'Guessan aux rebelles : "Accomplissez votre part du sacrifice".
Aujourd'hui est un grand jour pour la Côte d'Ivoire. Oui, le 19 mai 2007, la paix entre véritablement dans sa phase concrète car le désarmement devient une réalité sur le terrain après plusieurs tentatives avortées depuis les évènements du 19 septembre 2002. Et pourtant que d'accords internationaux, de la résolution 1584 de l'année 2004 à la 1721 de 2006 en passant par la 1633 de 2005, toutes sont restées lettres mortes. Et pourtant que d'efforts inlassables au plan national et international déployés par vous-mêmes (M. le Président de la République) qui ont été malheureusement confrontés à des obstacles. Au total, malgré tout, le désarmement n'a pas pu franchir le seuil des belles déclarations d'intention pendant quatre longues années jalonnées de souffrances et d'atrocités, en particulier pour les populations de l'Ouest. C'est dans cette grisaille généralisée que survient l'accord politique de Ouagadougou du 4 mars 2007. Cet accord est le fait du génie politique du Président Laurent Gbagbo. Mais c'est également la preuve de l'amour pour la patrie du Premier ministre Guillaume Soro. Il est donc heureux que les résistants longtemps engagés dans le noble combat de la défense de la République et de ses institutions décident de conforter ce climat de confiance retrouvé en déposant les armes. C'est pourquoi, je voudrais à présent lancer une invitation aux différents acteurs à s'inscrire pleinement dans le processus de paix. Aux acteurs politiques d'abord. Dans la recherche de nos intérêts partisans, nous devons toujours demeurer conscients de la primauté de la patrie. Aux forces de résistance du grand Ouest, en acceptant de déposer les armes ce jour, vous donnez en cela un signal fort pour la sortie de crise. Vous méritez donc la reconnaissance de la nation. Aux forces armées des Forces nouvelles, pour vous qui avez toujours conditionné le désarmement de vos hommes au démantèlement préalable des milices, des résistants et autres groupes de résistance, l'acte de ce jour constitue un gage de confiance et par conséquent une exhortation à accomplir entièrement votre part de sacrifice.

Bidi Ignace
(Envoyé spécial à Guiglo)

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