lundi 21 mai 2007 par Le Temps

Dans le cadre de l'application de l'accord politique de Ouagadougou, les groupes d'autodéfense ont déposé les armes, ce samedi, à Guiglo, en présence du chef de l'Etat Laurent Gbagbo. Comme si vous y étiez.

Guiglo, 19 mai 2007. C'est comme le souffle d'un bonheur particulier. Depuis quelques jours, et particulièrement la veille, la ville est aux couleurs de treillis. Que de militaires ! Mais, il s'agit plutôt des soldats de la paix. C'est bien pour cela que, le boucan des tam-tams et le trémoussement des danseurs et des danseuses, ne craignent pas de côtoyer crânement les dispositifs de feu du type sol-air et même sol-sol, et autres kalachs en bandoulière, bien visibles un peu partout à Guiglo. D'ailleurs, certains porteurs de ces armes républicaines viennent de terminer un bon foutou matinal, pour une résistance pacifique. Capitale de la résistance de l'Ouest, la ville du " Général " Mao Glofiéi, président des Forces de Résistance du Grand-Ouest (FRGO), grouille de Résistants à fière allure, venus volontairement déposer les armes, après avoir repoussé l'ennemi au fort de l'agression contre la Côte d'Ivoire.

l A 10 h 25, le monde qui déferle à la place Félix Houphouët-Boigny est indescriptible. " On dit Gbagbo arrive, allons, ma copine ! ", dit une jeune femme auprès de qui passe notre véhicule. De longs cars et autres moyens de transport, déversent, sans cesse, Toulépleu, Blolequin, Duékoué, Bangolo, Biankouma, etc., sur cette place. La tournée de sensibilisation du ministre Bertin Kadet et le travail de fond de ses collaborateurs et cadres de la région, produisent un résultat spectaculaire. Qui crée des problèmes au comité d'organisation dirigé par le président du Conseil général, le Dr Guy Tihéi. C'est la crise des chaises et des bâches. Les militaires se sentent interpellés et bandent un peu. Ça va aller ! Si l'Ouest a vaincu l'ennemi, ce n'est pas cette petite crise qui l'embarrasserait ! Les voilà qui passent avec un ravitaillement rapide en chaises et en bâches.

Les Résistants à l'honneur

Les forces à célébrer ce jour sont nombreuses : FLGO, UPRGO, AP-WE, MILOCI, FS-LIMA. Toutes ces forces ont, pour la plupart, plusieurs unités. Et il y a de grands noms de résistants comme Paul Nonzi, Colombo, Yahi Octave, Pasteur Gammy, Oulaï Taco dit Tarzan, Banao Gabriel et leur chef d'Etat-major, l'audacieux Oulaï Delafosse. Des cris de guerre, la foule d'ex-combattants se signale de temps en temps par des cris de paix. La communauté religieuse est de la partie. Grand jour, communauté de destin, la plupart des présidents de Conseils généraux de l'Ouest sont là. Dont Blesson Goué Emile de Bangolo. Il y a trop de Oulaï dans la place : Eloi Oulaï (Directeur de Radio Côte d'Ivoire) ; Hubert Oulaye (ministre de la Fonction publique et de l'Emploi), etc. On se rend également compte que l'événement ne pouvait se tenir en l'absence du Secrétaire général du Gouvernement Tyeoulou Dyela, Félix, du Conseiller spécial du PR Alphonse Voho Sahi, de l'inévitable Déhé Gnahou (Député) et des ministres Alphonse Douaty (Production animale et Ressources halieutiques), Bleu Lainé Gilbert (Education nationale), Sébastien Dano Djédjé (Réconciliation nationale et Relations avec les Institutions). Les voilà solidement assis, imperturbables.

Les armes sont étalées, nombreuses

Si M. Nahi Doh (PCA AGEF) conduit la délégation de Duékoué et l'honorable Zéréhoué Edouard est à la tête de celle de Bangolo ayant bravé la panne du car, le député Yoro N'Zi David dirige la délégation Dan. Diabaté Bê (Conseiller économique et social), surnommé par les Wê " Ban-youzan " ou petit Dioula, n'arrête pas d'être occupé. Le PNDDR se voit par le visage du Gal Gaston Ouassénan. Le Général Lorougnon (patron de l'ANSI) est serein, non loin de son co-équipier, la cheville ouvrière de cette opération dont c'est l'apothéose : Bertin Kadet, véritablement " sapé ". Le Gouverneur militaire du Moyen- Cavally, le Colonel-major Guié Globo, le préfet de région le Col. Danon Djédjé, les préfets et sous-préfets de Toulépleu, Blolequin ici présents, ont joué un rôle important dans cette opération. Les forces impartiales de l'ONU et la Licorne sont présentes. Abou Moussa, le représentant du Secrétaire général des Nations unies, qui attend les armes des résistants, ne pouvait trouver meilleur instant de sa vie. La première curiosité qui remue la meute de journalistes, cameramen et photographes, vient de l'étalage des armes : dans des caisses, des charrettes et un camion. Des kalach, des RPG, des fusils de chasse, etc. L'entrée de Mao Glofiéi sur la place publique a failli créer l'émeute, le grand chef de guerre et 4e adjoint au maire est vêtu de tenue traditionnelle.

l Quand Laurent Gbagbo fait son entrée sur la main courante, à 14 h 35, précédé des ministres Amani N'Guessan Michel (Défense), Désiré Asségnini Tagro (Intérieur) et du Général Mangou (chef d'Etat-major des FDS), la fête est totale. " Mais, où est Soro ! Il n'est pas venu ! ", dit un homme, un peu déçu. " Oh, tu sais, ce n'est pas toujours facile d'affronter son passé ", lui répond calmement la voisine plutôt affairée à rendre tout son sourire à Gbagbo. Alors, Pol Dokui donne le top départ : la cérémonie peut commencer, surtout avec cet accueil si chaleureux du soleil de Guiglo. Le tour d'honneur du chef de l'Etat, fait de chaleureuses poignées de main, de " gbô " et de baisers à distance, semble avoir donné plus de tonus à la foule.

Gbagbo désarme Mao Glofiéi

C'est d'abord le chef du village de Guiglo, M. Salupé Gilbert, qui ouvre les interventions par la libation : reconnaissance, bénédiction et voeux pour la paix. Il passe le micro au maire de la commune, Gah Barnabé. Qui demande que les FDS basées dans le Moyen Cavally, soient dotées de grands moyens modernes pour y assurer efficacement la sécurité. L'honorable Emile Guiérou (Député, pdt de la Commission des Affaires institutionnelles à l'Assemblée nationale) parle - bien - au nom de toute la population du Moyen-Cavally et de la région des Montagnes. Ensuite, Mao Glofiéi s'incline d'abord devant le chef de l'Etat, présente après ses lieutenants et autres figures de la résistance à l'Ouest, et prononce un discours d'une extrême densité et d'un engagement sans nuance. Véritable déclaration de fin de guerre. Il remet ensuite, de façon symbolique, une arme de guerre (kalach) et un fusil de chasse au Président de la République. Qui, à son tour, les remet à Abou Moussa de l'ONU. L'émotion est grande. Après les mots d'Abou Moussa et d'Amani N'Guessan Michel, le Président Gbagbo reçoit du Dr Guy Tihéi (pdt du Conseil général de Guiglo), un présent tout aussi symbolique, représentants de nombreux autres cadeaux : un boubou blanc : pureté.

l Enfin dans son discours soft, le chef de l'Etat entretient l'espoir dans cette population sinistrée par cinq années d'atrocité : " Je vous salue, parce que la guerre est finie ; ce n'est pas la peine de la faire traîner pour rien Je ne vous oublierai pas Je reviendrai pour faire la fête Je serai là pour installer des centres du Service civique Je compte sur vous pour la paix" Ce sont 1027 armes, au total, qu'il a reçues et aussitôt transférées à Abou Moussa. C'est, à présent, la visite de l'étalage des armes dont certaines sont recouvertes d'un linceul blanc: leurs dépouilles. Entouré du Général Mangou, d'Abou Moussa et de la crème des autorités présentes, le Président Gbagbo prend une arme, la manipule, et la dépose, en se faisant expliquer par Mao, les types d'armes. A 16 h 15, en sa présence, c'est le bûcher. L'on met le feu à un tas d'armes placées dans une grande fosse. C'est la fin de la manifestation. Aussitôt, il est demandé aux haut- parleurs, aux journalistes venus avec l'avion, de rejoindre l'aéroport dans les 20 mn. Et l'animateur, le confrère Mondouo de la radio locale, d'ajouter, en substance : " Allez-y, laissez-nous nos morceaux de mouton et nos champagnes ". Belle cérémonie que ce désarmement des groupes d'autodéfense devenu réalité !
Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr
Envoyé spécial au Moyen-Cavally

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