lundi 21 mai 2007 par Fraternité Matin

Le légat du Saint-Père a officié la messe, hier, à la cathédrale Saint Paul du Plateau en présence du Chef de l'État et du Premier ministre. Devant l'autel de la cathédrale Saint-Paul, devant Dieu et les croyants et en présence du cardinal Renato Raffaele Martino, président du conseil pontifical justice et paix, Gbagbo et Soro se sont donné le baiser de paix. Mgr Jean Pierre Kutwa, l'archevêque d'Abidjan et l'envoyé du Saint-Père ont, à tour de rôle pris, dans leurs bras, les deux belligérants d'hier. L'émotion était à son comble. Dans son homélie, le cardinal Renato a dit sans détour à ses hôtes ivoiriens. Aussi bien aux autorités politiques qu'aux simples citoyens: la paix est entre vos mains et elle dépend d'abord de vous!?. Mais à une condition: il faudrait que les Ivoiriens soient prêts à préserver les questions ouvertes et à les affronter, y compris pour ce qui est du désarmement. Des recettes toutes faites, le cardinal n'en a pas. Il a cependant une voie à suggérer: celle d'analyser avec courage, la situation passée et présente du pays, à la lumière des principes de convivialité civile qu'offre la doctrine sociale de l'Eglise et qui sont exposés dans le compendium, afin d'élaborer sur cette base des projets qui aient des chances d'aboutir. Pour cela, Mgr Renato indique qu'il faudra tout mettre en ?uvre pour favoriser la participation de toutes les forces vives du pays au dialogue, et à la concertation en évitant de nouvelles divisions qui risquent de provoquer de nouvelles violences. Or, a-t-il dit en se référant à l'évangile de Mathieu, tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine; et nulle ville, nulle maison divisée contre elle-même, ne saurait se maintenir?. La division venant des convoitises, et la Côte d'Ivoire étant un pays riche et convoité, les Ivoiriens ont été invités à demeurer vigilants; tout en cultivant le sens de la solidarité entre les différentes composantes nationales conscients que les biens de la terre ont une destination universelle et que les richesses d'un pays doivent servir à tous. L'envoyé du Pape a dit à ce propos: recherchez la fraternité et rejetez l'idolâtrie de l'ethnie qui est un facteur de division et d'exclusion?. Il a cependant fait savoir que l'ethnie véhicule une identité qui, si elle est bien comprise, dans le respect des différences, peut constituer une véritable richesse pour tous. Concernant l'exclusion, il a soutenu que les droits et devoirs des minorités nationales doivent être reconnus. Selon le cardinal Renato, le fait que l'Accord de paix de Ouagadougou ait été conclu avec le concours de personnalités étrangères montre combien il est important, à l'heure de la mondialisation, de sortir de son enfermement pour élargir ses horizons. Ce qui a frappé le cardinal partout où il est passé, c'est l'aspiration profonde des Ivoiriens à la paix. Paix qui induit le retour du pays à la normalité à la faveur de l'Accord de Ouagadougou. Le prélat a laissé échapper sa joie: C'est une grande victoire pour le peuple ivoirien tout entier dont l'unique perdante semble être la culture de la mort qui avait élu droit de cité dans le pays?. Faisant allusion à l'avenir du pays, le prélat a exhorté les adultes à ne pas exploiter l'innocence des jeunes. Il s'est insurgé contre le travail des enfants dans les plantations et leur enrôlement dans les groupes armés au mépris des dispositions internationales en la matière. Il est inconcevable qu'au moment où la communauté mondiale est engagée dans la Décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence, et de la paix au profit des enfants du monde (2001- 2010)?, l'on puisse embarquer la jeunesse dans une culture de la violence, l'entraîner au mépris de la dignité de la personne, et à la destruction de la vie?. Pour tout ce qui touche à la défense de la vie, à la promotion de la justice et de la paix, le cardinal a invité les catholiques à collaborer avec d'autres chrétiens et les fidèles d'autres religions, en particulier les musulmans. Car dans la situation actuelle du pays, le défi majeur que la Côte d'Ivoire aura à affronter est celui de la reconstruction aussi bien physique que morale du pays?. Partout où il est passé en Côte d'Ivoire, aussi bien à Abidjan, à Yamoussoukro, qu'à Bouaké, le cardinal dit avoir été frappé par la grande souffrance des personnes qu'il a rencontrées. Notamment les orphelins, les malades, les déplacés de guerre désireux de retourner dans leurs zones de provenance, les sans-emploi; les prisonniers. Et enfin celle plus spirituelle que matérielle des couples qui, au milieu de grandes difficultés, s'efforcent de demeurer fidèles à leurs engagements matrimoniaux et d'être ainsi un signe de l'amour inlassable de Dieu pour chaque homme. Le cardinal a par ailleurs manifesté un sentiment de reconnaissance pour les efforts faits par l'Eglise catholique de Côte d'Ivoire pour la promotion de la paix et de la défense de la dignité de la personne. Citant le Pape Benoît XVI dans sa première encyclique, il a dit ceci: l'Eglise ne peut ni ne doit prendre en main, la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l'Etat. Mais, elle ne peut ni ne doit non plus rester à l'écart dans la lutte pour la justice?. Mgr Renato qui a quitté hier le pays a remercié Mgr Marie Daniel Dadiet, président de la commission épiscopale justice et paix, qui, avec son comité, a élaboré un programme riche et varié qui lui a permis de toucher du doigt les réalités de la Côte d'Ivoire. Le nonce apostolique, Mgr Mario Roberto Cassari, a pris part à cette célébration eucharistique, ainsi que l'archevêque d'Abidjan, Mgr Jean-Pierre Kutwa, le président de la conférence épiscopale, Mgr Laurent Mandjo, et l'archevêque de Bouaké, Mgr Paul Siméon Ahouanan.
Focus : Les prisonniers veulent une amnistie générale
La Maca a été transformée samedi après-midi en une sorte de temple à ciel ouvert qui a accueilli le Cardinal Renato Raffaele Martino président de la commission pontificale justice et paix venue s'imprégner des réalités de l'univers carcéral. Le légat du Pape Benoît XVI était aussi venu administrer le sacrément de la confirmation à 12 prisonniers. Leur porte-parole Florentin Yao a dit à l'illustre hôte qu'il vient de prouver au monde que les prisonniers ont du prix aux yeux de Dieu. Profitant de cette valorisation nouvelle que le cardinal Renato leur a donné et au nom de la dynamique de paix dans laquelle le pays est lancé ; mais aussi à cause de la surpopulation carcérale (4360 détenus), Florentin a, au nom de ses pairs, demandé à l'envoyé du Saint-Père de plaider auprès du Président Gbagbo, afin qu'il puisse accorder une amnistie générale à tous les pensionnaires de la MACA. Pour leur permettre d'être resocialisés. Les études sociologiques ont, selon lui, démontré que le taux de recrudescence du banditisme émane du vagabondage et de la déscolarisation. Il souhaite que l'intervention du prélat auprès du Chef de l'Etat puisse permettre la prise en compte des détenus dans le service civique national. Les détenus ont aussi plaidé pour l'obtention d'une subvention alimentaire et demandé au cardinal Renato d'intervenir auprès du ministre de la Justice pour le traitement des dossiers des prisonniers en souffrance. Car plusieurs détenus sont en instruction préventive depuis plusieurs années sans que la justice ne se soit prononcée sur leur cas. Le cardinal Renato a fait savoir à ses hôtes, qu'il est venu leur rendre visite par conviction personnelle. Parce qu'il est l'ami de plusieurs prisonniers à travers le monde et a à c?ur la situation de détresse dans laquelle ceux-ci se trouvent. Vous avez du prix aux yeux de Dieu quelle que soit la faute que vous avez commise aux yeux de la justice humaine. Tous nous naissons égaux et avons une dignité. La dignité de la personne humaine doit être respectée. Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut pas prétendre aimer Dieu?, a déclaré le cardinal. Il a également dit aux prisonniers qu'il espère que la prochaine fois qu'il viendra en Côte d'Ivoire, il ne trouvera plus personne en prison. Le régisseur de la maison d'arrêt, M.Touah Ouattara, a profité de la visite du cardinal pour demander une ambulance équipée afin de transporter les femmes enceintes et les détenus gravement malades. L'aumônier catholique de la prison, le père Raoul Mambo, a lui émis le souhait d'obtenir un véhicule pour sa mission. Marie-Adèle Djidjé
Repères. OFFRANDES. Lors de la cérémonie d'offrandes, les quatre provinces ecclésiastiques: Korhogo, Bouaké, Gagnoa et Abidjan ont fait des dons à Dieu en tenant compte des produits de leur région. TOURNEE. Mgr Marie-Daniel Dadiet, président de la commission épiscopale justice et paix, a annoncé pour très bientôt une tournée de son organisation à travers le pays pour prêcher la paix et présenter le compendium de la doctrine sociale de l'Eglise.
SIGNE DES TEMPS. La venue en Côte d'Ivoire du cardinal Renato est perçue par Mgr Jean Pierre Kutwa comme un signe des temps, une providence divine qui permettra aux Ivoiriens de prendre conscience de la valeur chrétienne et de la charité humaine. Option : Week-end de paix
Véritable week-end de paix que celui que viennent de passer les Ivoiriens et tous ceux vivant en Côte d'Ivoire. Démantèlement ou (pour être plus précis) auto-démantèlement des forces d'auto-défense à l'ouest samedi, en présence du Chef de l'Etat, Laurent Gbagbo. Grand-messe pour la paix hier en la Cathédrale St Paul d'Abidjan-Plateau cette fois en présence du Chef de l'Etat et de son Premier ministre. Et célébrée par le président du Conseil pontifical Justice et Paix, Cardinal Renato Raffaele Martino qu'entourait toute la hiérarchie ecclésiastique ivoirienne conduite par l'archevêque d'Abidjan, Mgr Jean-Pierre Kutwa.

Dans son homélie d'une rare densité, le légat du Pape Benoît XVI s'est longuement adressé aux Ivoiriens dans toutes leurs composantes pour les inviter à aller sans réserve à la paix, ayant lui-même constaté depuis son arrivée en Côte d'Ivoire que tous veulent effectivement de la paix. Ce qui m'a (aussi) frappé partout où je me suis rendu, c'est la volonté de paix?, a-t-il fait remarquer hier. Chers frères et s?urs, la paix est entre vos mains?, a ajouté l'homme de Dieu mettant les Ivoiriens en garde contre le fait que si vous ne voulez pas la paix, personne ne viendra vous l'imposer?. Selon lui, l'heure est venue de reconstruire l'harmonie brisée? en se gardant d'oublier les souffrants de la société? et Dieu seul sait combien il y en a eus avec cette crise. Le président du Conseil pontifical Justice et Paix ne pouvait trouver mieux que cet appel à la justice et à la paix entre les hommes, entre les Ivoiriens. C'est pourquoi, dans la même veine, il a invité les Ivoiriens à ne pas rejeter les étrangers. De même, les étrangers ont été interpellés sur leur devoir de se conformer aux lois des pays hôtes et de se garder de déstabiliser ces pays sous quelque forme que ce soit?. Chers jeunes, si quelqu'un vous incite à la violence, à la vengeance et à la haine, ne le suivez pas. Sachez qu'il ne veut pas de votre bien?, a lancé le légat de Benoît XVI aux jeunes avant d'inviter la Côte d'Ivoire à se lever comme un seul homme pour crier haut et fort:Jamais, plus de guerre!?. Bref, les propos et l'acte du Cardinal Renato Raffaele Martino interviennent comme un couronnement, celui de tous les efforts de paix faits depuis 5 ans. C'est aussi le couronnement de la volonté commune et forte des Ivoiriens du sud, du nord, du centre, de l'ouest et de l'est, d'enterrer définitivement la hache de guerre. Volonté commune et inexorable exprimée depuis l'Accord de Ouagadougou depuis le 4 mars 2007 dont le cardinal dira qu'il est une grande victoire?. Et face à laquelle les quelques velléités de réticence et de résistance ne sauraient prospérer. Car en amenant le Président de la République et le Premier ministre à s'embrasser devant l'autel de Dieu, Son Eminence Renato Raffaele Cardinal Martino prend à témoin les paroles bibliques qui demandent que nul ne sépare ce que Dieu a uni. La main de Dieu est donc là, qui veille jalousement sur la Côte d'Ivoire. Pays béni de Dieu. Et nul ne saurait désormais douter de cela.

Par Abel Doualy

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