lundi 21 mai 2007 par Autre presse

La partie de poker menteur entamée sur les bords de la lagune Ebrié depuis décembre 1999 continue. Certes, le contexte a évolué et certains acteurs ont disparu. Mais la toile de fond reste la même, le bal des ombres n'a pas fini de livrer ses secrets. Un profond mouvement de transhumance favorisé par la faim, l'indignité et la misère accentue la misère morale et tous les effets pervers d'une crise annoncée que personne, même ceux qui l'ont déclenchée et qui en tirent profit, n'a vu venir. La Côte d'Ivoire souffre de plusieurs maux dont les plus graves sont endogènes, liés à sa nature profonde. Le vrai problème qui rend aléatoires toutes les tentatives de solution, c'est le diagnostic. Ils sont nombreux ceux qui prennent les conséquences pour la cause. Les analyses manquent de profondeur tout comme les solutions préconisées souffrent d'une absence d'audace. En vérité, les antagonismes suscités par la recherche effrénée du pouvoir n'ont pas suffisamment pris en compte des paramètres aussi déterminants que la sédimentation de fortes rancoeurs découlant d'un certain nombre d'événements, ceux de 1963 notamment, catalysés par des sectarismes ethnocentriques et religieux d'un certain point de vue même si tout le monde s'en défend, par hypocrisie, par malhonnêteté et par peur. Le véritable mal de la Côte d'Ivoire réside dans l'incapacité des élites à s'élever au-dessus des contingences immédiates, pour réfléchir en profondeur sur une gouvernance vertueuse adaptée à l'architecture politique particulière de ce pays qui est un émiettement d'ethnies dont les plus importantes, si elles n'ont pas leurs origines dans des pays voisins, ne constituent qu'une infime partie du grand groupe logé dans ces dits pays. La Côte d'Ivoire, qui souffre plus que la plupart des Etats coloniaux de ce qu'on pourrait nommer le syndrome de la conférence de Berlin ou du découpage de l'Afrique au décamètre, a besoin de dirigeants intelligents, ayant une forte culture du pouvoir et des traditions. Ce fut le cas du Président Houphouët qui a assis son long règne tranquille ? tout est relatif ? sur le jeu des alliances, notamment patrimoniales et un pacte solide entre les deux grandes composantes ethniques du territoire. Le successeur constitutionnel a commis l'erreur fatale de croire qu'il pouvait inverser cette alliance pour des raisons faussement tactiques, face à un protagoniste qui lui disputait l'héritage. Ce concurrent a quant à lui commis l'erreur de croire en sa légitimité alors qu'il arrivait sur le tard dans l'arène. La faille dans le mur a permis l'intrusion de l'araignée dont les tours calamiteux ont plongé le pays dans la catastrophe avec la complicité d'une communauté internationale frappée de cécité et victime d'un complexe d'incapacité découlant de sa nature composite et de ses intérêts antagonistes dans la logique d'une recherche sans vergogne de profits. En ce sens, la communauté internationale c'est le remède qui tue. Dans la mesure où elle est loin du théâtre des opérations, elle peut impunément se livrer à toutes les expérimentations.
Mais les bégaiements de l'histoire récente de la Côte d'Ivoire sont surtout le fait du chef de l'Etat que les Ivoiriens se sont donnés par défaut en 2000 et dont le mandat illégitime a été prolongé avec la complicité de leaders d'une opposition factice et folklorique animée par des leaders velléitaires qui attendent qu'on leur offre le pouvoir sur un plateau d'or. Ces leaders qui sont nés avec une cuillère en argent à la bouche sont à la tête de groupes d'opportunistes, tous venus au monde avec trente deux dents longues à n'en plus finir, prêts à se vendre à l'encan. Toute la Côte d'Ivoire se souvient des propos du président Fologo qui disait que l'on aurait pu laisser le pouvoir à l'opposition radicale de l'époque incarnée par le Fpi, s'il ne s'agissait pas d'une affaire aussi grave que le destin d'une nation. Aujourd'hui, pour les mêmes raisons, évidemment, il a soutenu les animateurs de cette même opposition radicale, après le braquage du pouvoir dont ils se sont rendus coupables. Mais pire, les raisons évoquées pour défendre ce pouvoir calamiteux, face à des rebelles infréquentables continuent à servir, avec le prétexte de la recherche d'une paix hypothétique, parce que reposant sur une philosophie d'exclusion. Les gens ne changent pas, c'est le vent qui tourne disait Edgar Faure. Et c'est là aussi un des maux de ce pays factice qui a besoin d'être reconstruit. On pourrait sur la base d'un regroupement ethnique, consacré déjà par les partis politiques significatifs (sic), découper le pays en vue de constituer une confédération sur le modèle suisse. Une autre solution est d'achever l'?uvre d'Houphouët en créant une fédération avec le Burkina Faso par un Conseil de l'Entente renforcé. On pourrait ainsi redonner une certaine homogénéité à ces deux Etats que l'histoire et un destin commun condamnent à l'union et que des peurs injustifiées ont toujours tenues séparées. J'entends déjà les cris d'orfraie, les injures et les imprécations que cette initiative audacieuse justifiée par la mondialisation et fortement imposée par des impératifs de survie, va provoquer. Déjà que j'ai été traité de voltaïque dans le passé. Non seulement ce n'est pas vrai parce que malheureusement je viens de l'extrême sud du pays, mais et si c'était vrai, où est le mal face aux pauvres idiots qui s'en émeuvent ou pourraient s'en émouvoir. Ils feraient mieux d'y réfléchir dès maintenant pour ne pas être surpris et pour ne pas arriver à ce rendez-vous sans projets sérieux. Il est temps de sortir des stratégies de survie, de l'hypocrisie et du folklore de ceux que la misère a émasculé et qui avancent à l'aveuglette derrière des petits dictateurs sans dessein, ni vision qui se contentent de jouissances médiocres. Ce pays et la majorité des populations, tous les jours au labeur, méritent mieux.
La révolution qui doit nous sortir de l'ornière doit commencer par le renouveau des générations de politiciens. Chirac a donné à 74ans l'exemple et Sarkozy le cinquantenaire flamboyant a donné le ton. A méditer, même si l'âge des artères, dans un pays frappé de médiocratite aiguë n'est pas un critère décisif, dirimant.
Foin des folklores des partis qui ont perdu leur virginité à l'épreuve du pouvoir ou les vertus de l'ardeur dans le manque de stratégie et de discernement. Il est temps de tourner les pages du passé pour faire vivre le pays et surtout offrir des perspectives à la jeunesse qui n'a été que trop sacrifiée.

Guy Pierre Nouama

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