samedi 12 mai 2007 par Fraternité Matin

En célébrant le 26 avril dernier, la Journée mondiale de la Propriété intellectuelle, il s'agissait sans nul doute pour la Côte d'Ivoire de rendre hommage à la communauté des chercheurs, inventeurs et créateurs en tous genres, mais il s'agissait surtout de faire le point et d'évaluer la question de la propriété intellectuelle, selon Mme Téhoua Amah Marie, ministre de l'Industrie et de la Promotion du secteur privé. Quelle est la situation des inventions et des innovations en Côte d'Ivoire? La créativité représente-t-elle une source de richesse? Avant d'apporter quelques éléments de réponses à ces interrogations, il convient de noter que la propriété intellectuelle se présente sous deux aspects: la propriété industrielle (inventions, marques, dessins et modèles industriels) et le droit d'auteur (?uvres littéraires et artistiques).
Pour connaître la situation de la propriété industrielle, il suffit de s'en tenir au nombre de brevets délivrés car ceux-ci, dit-on, reflète le dynamisme de l'économie d'un pays. Tout en offrant une protection au créateur ou à l'inventeur, ils constituent de nouvelles technologies pouvant déboucher sur de nouveaux procédés ou peuvent être à l'origine de la création de nouvelles entreprises industrielles. A partir de l'exemple ci-après, l'on peut aisément deviner la place qu'occupent l'invention et l'innovation dans notre pays. Dans les années 1960, la Corée du Sud qui était au même niveau de développement que la Côte d'Ivoire, se retrouve aujourd'hui avec plus de 100 mille brevets contre seulement 20 pour la Côte d'Ivoire. L'on s'aperçoit que malgré les efforts entrepris par les inventeurs ivoiriens qui font preuve de beaucoup d'imagination et de bonne volonté, l'activité inventive demeure faible et insignifiante. Quoiqu'elle soit variée et de qualité, comme le témoignent notamment les résultats des présélections pour le 5e Salon africain de l'Invention et de l'Innovation technologique prévu en octobre prochain, en Guinée-Bissau (Lire Focus).
Les causes de ce faible engouement se situent à plusieurs niveaux. Notamment l'absence d'un fonds national de soutien à l'activité inventive, en dehors de la subvention à hauteur de 80% accordée par l'Etat sur le coût de la délivrance des brevets (22.500 FCFA au lieu de 590 mille francs CFA); et de l'existence du Fonds africain pour la propriété intellectuelle (FAPI) que les inventeurs jugent insuffisant et difficilement accessible. L'on note en outre le manque de promotion et de valorisation qui devrait pouvoir inculquer d'une part, l'esprit de créativité au citoyen ivoirien, notamment les plus jeunes, et d'autre part, offrir des moyens aux inventeurs afin qu'ils puissent transformer leurs inventions en produits économiques et vivre du fruit de leurs efforts. A cela s'ajoute le coût des annuités des brevets que les inventeurs jugent trop élevé et dont le non-paiement entraîne la déchéance de ceux-ci. Le dernier handicap et non des moindres, est le fléau de la contrefaçon qui s'est dangereusement accru du fait de la crise et met à mal l'économie nationale. La situation, en ce qui concerne le domaine des droits d'auteur pour les créations artistiques et littéraires, n'est pas plus reluisante. Au demeurant, si l'on peut se féliciter de la très grande richesse des productions, signe d'une certaine vitalité, il faut par contre noter que ce secteur (aussi bien celui de la musique, du livre que du cinéma) reste dramatiquement sinistré. Surtout du fait de la piraterie qui a fini par être considérée comme une pratique normale, légale. Tant elle a pris ces dernières années, des ramifications dangereuses.
Focus : Ayika Net Box pour réduire la fracture numérique
Comment aborder la problématique du fossé de la fracture numérique et de la connaissance qui s'agrandit de jour en jour entre pays pauvres et pays développés? Comment résoudre cette problématique dans le contexte africain? En réponse à ces réflexions, deux jeunes Ivoiriens, MM. Marcellin Ayé et Diomandé Abou Bakari, ont mis au point une découverte révolutionnaire: un cybercafé ambulant (incorporé entre autres d'un téléphone national et international, d'Internet et d'une vidéoconférence), alimenté à l'énergie solaire. Ayika Net Box, c'est son nom, est un outil qui peut être utilisé partout où il est possible d'avoir une connexion Internet par WIFI, WIMAX ou par Satellite du fait de son autonomie en énergie. Cette invention a été retenue en même temps que 4 autres pour représenter la Côte d'Ivoire au 5ème Salon africain de l'invention technologique qui se tiendra en octobre prochain, en Guinée-Bissau. Pour ses auteurs, c'est un outil de développement intérieur mais aussi d'acquisition de devises à l'extérieur. Au niveau interne, il permettra la création d'emplois pour les jeunes à travers l'installation de cybercafés ambulants et l'équipement des établissements d'enseignement pour le renforcement des capacités en NTIC. Aussi souhaitent-ils qu'elle soit vulgarisée dans les écoles primaires, les collèges, les lycées et même implantée dans les villages. Ils souhaitent également que la Côte d'Ivoire, ses gouvernants s'approprient véritablement cette invention.
Option : Mine d'or à exploiter. Loin d'être une donnée abstraite, comme l'a noté Mme le ministre de l'Industrie et de la Promotion du secteur privé dans le message qu'elle a lu au nom du gouvernement, la veille de la Journée commémorative qui lui est consacrée, la propriété intellectuelle est un véritable outil de développement économique et social. Cela, parce que toute création de l'esprit est une mine d'or qui peut être source de richesse pour l'inventeur, l'artiste et la communauté entière. Le thème retenu au plan national pour la célébration de la 7ème édition de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle La créativité comme nouvelle source de richesse le confirme bien. D'où cette assertion de Mme Téhoua Amah Marie: Innover, créer de nouveaux produits ou de nouvelles technologies, c'est prendre des risques. Mais c'est aussi et surtout créer une nouvelle source de richesse dans une économie de plus en plus basée sur la connaissance. Les pays les plus nantis de nos jours ne sont pas forcément ceux dont le sous-sol regorge de matières premières abondantes. Les inventions, les innovations, les logiciels sont devenus un facteur déterminant de développement dont il faut absolument tenir compte dans les politiques économiques. La Côte d'Ivoire ses gouvernants, au-delà des v?ux pieux et des vagues professions de foi qui très souvent, n'ont pour limite que les cérémonies commémoratives a-t-elle réellement conscience de cet enjeu? Si oui, que fait-elle concrètement pour encourager la jeunesse (surtout), à la créativité et à l'innovation afin d'espérer en des lendemains meilleurs? Que fait-elle encore pour promouvoir et redynamiser l'activité inventive? Que fait-elle enfin, pour protéger les inventions et les entreprises dont la survie est très fortement menacée par ces deux fléaux: la contrefaçon et la piraterie? Il est temps, grand temps que la Côte d'Ivoire s'approprie cet outil de développement que représente la propriété intellectuelle, si elle désire, entre autres, accroître son tissu industriel, mettre sur le marché international des produits concurrentiels issus de la transformation de ses matières premières et créer davantage de richesses.
Ce ne sont pas les potentialités qui manquent!
Repères. Création. L'Office ivoirien de la propriété intellectuelle (OIPI) est un établissement public national. Il a été créé par le décret N° 2005 112 du 24/02/2005. Il assure en outre la représentation du siège de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) et de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Siège. Le siège de l'OAPI se trouve à Yaoundé, au Cameroun. Pays membres de l'OAPI. Côte d'Ivoire, Bénin, Guinée Bissau, Burkina Faso, Guinée Equatoriale, Cameroun, Mali, Centrafrique, Mauritanie, Congo, Niger, Sénégal, Gabon, Tchad, Guinée, Togo.

Mayane Yapo

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