samedi 12 mai 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Catherine Nay est éditorialiste à Europe I. Elle a déjà publié plusieurs livres. Elle a écrit une biographie autorisée de Nicolas Sarkozy. Nous publions l'épilogue de "Un pouvoir nommé désir", écrit et publié plusieurs mois après la campagne et la victoire. Au terme de ce long voyage en terre sarkoziste, bien des questions ont été tranchées ; quelques-unes demeurent en suspens.
Les certitudes ?
Politiques d'abord. Le logiciel du candidat de l'UMP porte une étiquette : le bonapartisme. Son hymne pour les valeurs fortes : travail, mérite, discipline, équité, famille ; son goût de l'autorité, son culte pour le volontarisme, la personnalité assumée de la bataille l'inscrivent dans cette branche de la droite classique- dont le gaulisme était une illustration- enracinée dans l'inconscient national depuis deux cents ans. Il s'agit d'un " bonapartisme" revisité, rajeuni, mis au goût de l'époque et que d'aucuns qualifient de "libéral". Ferme sur les principes mais pragmatique, il organise un compromis entre un Etat très présent avec une forte option dirigiste et l'acceptation des lois du marché et de la mondialisation dans les limites de ce qui lui paraît supportable pour la société française. Culturelles ensuite. Né en 1955, Nicolas Sarkozy est bien de sa génération, celle de l'après-toutes les guerres et de la fin des Trente Glorieuses. Elle a grandi sans crainte de l'avenir, sans complexe vis-à-vis des aînées pétris de culture classique. Nés avant la révolution informatique, ces hommes et ces femmes-là sont des enfants de la télé- "Thierry la Fronde" leur tenait lieu de Stendhal et "Au théâtre ce soir" de Comédie-Française. Nicolas Sarkozy, Françoise Sagan, Louis, Ferdinad Céline, Albert Cohen et tous les biographes des héros politiques de l'Histoire de France (Napoléon, Mazarin, Talleyrand, Clemenceau, de Gaulle). Il a fait des grands orateurs de la IIIe et la Ive République ses maîtres de tribune. Il a écrit (lui-même !) des livres, des scenarii
Ce jeune quinquagénaire n'a pas fait sienne "les utopies relâchées et dangereuses" de mai 68. Il en a mesuré certains méfaits sur la société française. Quand on l'interroge sur son ambition, Nicolas Sarkozy répond en citant Corneille (le chanteur) : "Parce que je viens de loin". Fils et petit-fils d'immigrés, ses origines sont multiculturelles et multiculturelles. Plus qu'aucun autre candidat à la présidentielle, il incarne la France du melting-pot. Celle d'aujourd'hui. Il est le symbole d'une assimilation réussie. Mais pour y parvenir, les siens et lui-même auront beaucoup trimé. Il a été élevé- nous l'avons vu - dans le culte du drapeau. Alain Marleix, chargé des fédération au RPR, rapporte cette anecdote : "C'était en 1997, nous avons fait un voyage en Nouvelle-Calédonie. Nous étions tous les deux, il n'y avait ni journaliste, ni photographe. Nicolas a écrit durant tout le vol. A peine arrivés, nous nous sommes retrouvés devant un parterre de deux mille personnes. Nicolas a pris la parole et pendant une heure il a parlé - sans note- de la France, de l'amour qu'on lui devait, avec un talent et une émotion incroyable pour un type de son âge. Les gens en avaient les larmes aux yeux. C'est là que j'ai eu le déclic. C'est comme cela qu'il m'a embarqué.
C'est dans son caractère que réside son plus grand mystère. Toute sa vie, Nicolas Sarkozy l'a consacrée à la politique avec l'ambition de reformer le pays. Il est fait pour commander, impulser, décider. Mais, son hyper-réactivité, son impulsivité, ses émotions qu'il n'a jamais verrouillées, l'entraînent à être parfois trop hâtif dans ses jugements, à tenir des propos qui surprennent, à faire des promesses dont il n'a pas toujours mesuré la portée. Il lui arrive d'avouer en souriant : "Je suis mon meilleur ennemi". Ceux qui ne l'aiment pas ou le craignent s'interrogent sur sa capacité à gérer les fatalités de sa nature : ne serait-il pas un nouveau Chirac ? Sur le théâtre florentin de la politique, où les dagues et les poisons sont enrobés de rubans et d'hypocrisie, il détonne. Lui, il avance sans masque. Il n'est pas byzantin, il montre son jeu, annonce toujours la couleur. Il ne fait pas seulement ce qu'il dit, il ne dit seulement ce qu'il fait, il dit le pourquoi et le comment de ce qu'il fait et dit. Avec lui, il n'y a jamais tromperie sur la marchandise. Il ne séduit pas par ses insinuations et ses arrière-mondes. Il plaît, toujours à vif, à nu, sans chichi. Cela suffira-t-il pour l'emporter le jour venu ? Ceux qui le côtoient croient dur comme fer qu'il est le seul, dans son camp, capable de rénover la France.

In Un pouvoir nommé Désir?, biographie par Cathérine Nay, édition Grasset février 2007

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