La signature de l'accord de Ouaga continue de susciter des réactions. Dans une interview, le président du PPS, Mathias Kacou indique clairement son soutien à cet accord et invite par la même occasion les membres du Rhdp à taire leurs divergences afin de s'inscrire dans cette nouvelle donne. Il leur recommande plutôt d'aider le Premier ministre à réussir la délicate mission à lui confiée. Ces derniers temps, il a été beaucoup question de dissension au sein du G7. Quel est votre regard sur ces incompréhensions ?
Je vous remercie de l'opportunité que vous m'offrez de me prononcer sur cette question. Je pense qu'officiellement, il n'y a pas de dissension au sein du Rhdp. C'est vrai que l'accord de Ouaga n'est pas bien accueilli au sein de certains partis politiques. Mais nous estimons au PPS que si l'opposition que nous constituons tous, avait été réaliste en s'organisant, en ayant une stratégie claire et nette, il n'y aurait jamais eu l'accord de Ouaga.
A un moment donné de notre lutte, il a été question de la suspension de la constitution et de la révocation de Laurent Gbagbo après 2005. Pourtant, certains partis politiques du G7 ont fait campagne pour que la constitution soit maintenue. Or, le maintien de la constitution supposait le maintien de Laurent Gbagbo. C'est l'ensemble de ces attitudes qui a fait que nous nous sommes retrouvés affaiblis face à Laurent Gbagbo. Personne n'a donc intérêt à combattre l'accord de Ouaga. Car, il peut nous ramener la paix, la réconciliation nationale. Au PPS, nous estimons que si les deux ex-belligérants (que sont d'un côté Laurent Gbagbo pour le Sud et Guillaume Soro pour le Nord) ont accepté de signer un accord pour le retour de la paix, il faut les encourager et les applaudir. L'opposition doit de son côté jouer son rôle d'arbitre en veillant à l'application effective des différents points de l'accord de Ouaga, et travailler aussi pour le retour de la paix en vue d'aboutir à l'organisation d'élections justes, transparentes et crédibles. Nous soutenons donc l'accord de Ouaga, nous soutenons le Premier ministre Guillaume Soro. Nous souhaitons qu'il réussisse sa mission qui est aussi la nôtre. L'accession de Guillaume Soro à la primature constitue, pour nous militants du PPS, la réalisation d'un rêve. Notre préoccupation actuelle est de l'aider à mener à bien la mission qui lui a été assignée. A ce propos, comment le PPS compte-t-il accompagner le Premier ministre dans sa mission ?
Je voudrais d'abord dire que le PPS l'a toujours accompagné au moment où d'autres formations politiques se cachaient. Nous avons pris sur nous la responsabilité de le soutenir au moment où certains se cachaient ou affirmaient qu'ils ne le connaissent pas, au moment où d'autres encore le traitaient de rebelle, au moment où il était renié. Nous sommes prêts à jouer le rôle qu'il nous confiera dans ce processus de sortie de crise. C'est pour cela que nous sommes en train de nous organiser pour être un parti incontournable dans le paysage politique ivoirien. A partir de ce moment-là, Guillaume Soro n'aura plus besoin du Pdci-Rda , du Rdr, etc. pour être fort. Donc pour nous, il est question d'occuper le terrain, de mobiliser afin de constituer une force crédible qui puisse appuyer le processus de paix. Car, nous aspirons aussi avoir des députés. Pour soutenir le Premier ministre et ses actions du gouvernement. Nous venons de créer le Fop qui est une plate-forme de partis politiques, d'Ong, de certaines structures de la société civile, de syndicats de transporteurs, etc afin de constituer une force vive pour soutenir les actions du gouvernement et aider Guillaume Soro à réussir sa mission.
Où en est le PPS en matière de mobilisation et d'implantation ?
D'abord, nous avons réussi notre premier pari qui était de nous implanter dans le sud Bandama, étant donné que le leader du parti est originaire de cette région du pays. Nous avons fait des tournées à Lakota, Zikisso, etc. Nous nous sommes rendus à Gagnoa et dans bien d'autres localités. Bientôt nous irons à San-Pedro et à Sassandra. Dans le courant du mois de juin, nous organiserons une rencontre politique dans une grande ville de Côte d'Ivoire, dont nous taisons pour l'heure le nom pour une question de sécurité. Nous savons que pour l'heure, nous n'avons pas encore atteint notre objectif. Il le sera le jour où nos militants rempliront le palais des sports. Le PPS est donc en train de tisser sa toile, afin de devenir un parti incontournable. Peut-on avoir une idée de votre programme d'activités pour l'année 2007 ?
Ce programme accorde une place de choix dans l'implantation de notre parti politique dans le nord du pays. Puisque l'accord de Ouaga vient mettre un terme à la partition du pays, avec la suppression de la zone de confiance. Partant de ce fait, les habitants du pays pourront se déplacer sur toute l'étendue du territoire sans crainte. Pour nous, ce sera l'occasion d'implanter notre parti politique dans la partie nord. Notre parti est implanté, un peu partout, dans le pays, sauf au sud-est et dans les ex-zones assiégées. Par conséquent, nous nous rendrons à l'ouest, notamment à Duékoué, Man et Danané dans les prochains jours. Pour le nord, nous avons un programme particulier dans la mesure où c'est la première fois que nous y allons. Pour en revenir à la situation socio-politique, dites-nous, comment vous entrevoyez la suite des évènements après la signature de l'accord de Ouaga ?
Nous connaissons toutes les causes de la guerre en Côte d'Ivoire. On peut mentionner parmi celles-ci l'exclusion de certains candidats à participer aux élections, l'interdiction du droit de vote, les répressions, des assassinats ciblés, l'impunité, la chasse à l'homme, la prévarication à outrance, etc Toutes ces actions ont été à la base de frustration qui ont entraîné par la suite la rébellion, avec l'avènement des Forces nouvelles. De 2002 à 2004, Gbagbo a montré à travers ses discours qu'il en découdrait avec Guillaume Soro s'il avait eu les moyens. Mais le génie politique, la détermination, la confiance, la politique de proximité de celui-ci ont eu raison de tout ce qui se tramait contre sa personne. Mieux, il a été légitimé. Guillaume Soro est donc incontournable dans le processus de paix en Côte d'Ivoire. Gbagbo se rend compte aujourd'hui qu'il ne peut pas ne pas composer avec lui. N'entendez pas par composer un deal mais plutôt une prise de conscience pour reconnaître la valeur de l'autre. Laurent Gbagbo a donc reconnu la valeur de Guillaume Soro. Nous devons le féliciter pour cela. Aujourd'hui, des gens sont frileux à cause du rapprochement des belligérants, qui laisse profiler un retour à la paix. Au PPS, nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un rapprochement en tant que tel mais une conséquence logique de ce qui s'est passé auparavant. Aujourd'hui, la guerre n'est plus possible. L'armée française s'est interposée depuis 2003. Les belligérants ont compris qu'il fallait mettre un terme aux souffrances des populations ; d'où la signature de l'accord de Ouaga qui consacre le partage du pouvoir entre les belligérants. Mais, Guillaume Soro dans sa magnanimité a souhaité que le partage prenne en compte le G7, d'où la présence de ministres issus du Pdci-Rda, du Rdr, du Mfa, de l'Udpci, au sein du gouvernement. Tout le monde a un représentant au sein du gouvernement, sauf nous. Par conséquent, c'est nous qui devrions être frustrés. Mais au nom de la paix, nous soutenons le Premier ministre. Il faudrait aussi que les gens comprennent que M.Soro n'est pas une chair à canon. Que pensez-vous de ceux qui semblent mener des actions de dénigrement pour affaiblir le Premier ministre ?
Ceux qui pensent affaiblir Guillaume Soro en le dénigrant se trompent. Car en agissant de la sorte, ces personnes ne font que le fortifier. Il faut que les gens comprennent qu'on ne peut rien contre quelqu'un qui mène un combat juste, qui lutte pour une cause noble. En clair, ceux qui torpillent Guillaume Soro, ceux qui veulent soulever des populations de sa zone contre lui, perdent leur temps. Car pendant cinq (5) ans, Soro a montré sa capacité à gérer un peuple. C'est quelqu'un qui sait mener les combats. C'est un homme de valeur. A ce niveau, nous sommes rassurés. Mais c'est malheureux pour des gens qui se considèrent comme de grands politiciens d'agir de la sorte. Je voudrais pour ma part rassurer le Premier ministre pour lui dire que le peuple ivoirien dans sa majorité le soutient. Tant pis pour ceux qui veulent protéger leurs intérêts égoïstes. Il lui revient de mériter la confiance placée en lui par les Ivoiriens. Je sais qu'il peut être à la hauteur. La présence de Guillaume Soro dans le même gouvernement que Gbagbo ne signifie pas de facto qu'il a viré. Je suis en colère contre ceux qui l'entourent car ce sont eux qui soutiennent qu'il a viré. Alors que ce sont les mêmes qui profitent de lui. Ce sont eux qu'ils responsabilisent Vous voulez dire que les membres de son entourage ont mis la quête de la paix de côté pour ne penser qu'à leurs intérêts ?
Mais oui, la quête de la paix a été mise de côté. En principe, les représentants des partis politiques non représentés au gouvernement devraient être frustrés. Pourtant c'est nous qui le soutenons tandis que certains partis politiques présents avec lui au gouvernement, sabotent son travail, ils le combattent à la limite. Si les Forces nouvelles n'avaient pas été là, nous subirions tous les diktats de Laurent Gbagbo. Nous devons tous admettre que les Forces nouvelles ont joué un rôle important dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Elles ont pris leurs responsabilités. On a coutume de dire que c'est quand la dictature atteint son paroxysme que l'insurrection survient. C'est parce que Gbagbo a fait preuve de dictature que les Forces nouvelles ont réagi. A son arrivée au pouvoir, l'opposition était muselée. C'était donc la dictature. Ceux qui étaient financièrement nantis se sont exilés tandis que nous, nous sommes restés sur place. Grâce à la réaction des Forces nouvelles, nous avons été épargnés de certains malheurs. Aujourd'hui encore, grâce à ces personnes nous sommes engagés sur la voie de la paix et nous allons aboutir à l'organisation d'élections qui n'excluront plus personne. Quand Alassane Dramane Ouattara avait été exclu des élections présidentielles, les gens ont personnalisé le débat en pensant que la mesure ne se limiterait qu'à lui seul, mais le Fpi était prêt à considérer tout le monde comme étranger. C'est vrai que le cas Ouattara paraissait plausible, mais à travers lui le Fpi visait d'autres personnes. En somme, nous devons remercier les Forces nouvelles et singulièrement Guillaume Soro pour le combat qu'ils ont mené. Les Forces nouvelles ont permis d'obtenir des avancées notables pour la démocratie en Côte d'Ivoire. Au Pps, nous nous mettons à la disposition du Premier ministre Guillaume Soro en vue d'assumer notre rôle pour le retour définitif de la paix.
Interview réalisée par KKM Coll : AJ