vendredi 11 mai 2007 par Le Temps

Quels sont les objectifs de votre ONG Egalité Justice Pour Tous ?
Il faut d'abord entendre par "Egalité Justice Pour Tous" le partage équitable des richesses du pays. C'est pourquoi nous voulons lutter pour l'amélioration du pouvoir d'achat des plus pauvres, lutter pour rendre obligatoire la scolarisation des enfants, lutter contre les injustices subies par les plus faibles (le racket, chantage, pression, arrestation arbitraires de citoyens etc.), demander que les pouvoirs publics commettent des avocats d'office pour les plus pauvres dès le début d'une éventuelle procédure judiciaire, créer des centres sociaux pour les enfants en situation difficile, lutter contre la violence conjugale, lutter pour que tous les villages disposent d'adduction d'eau potable, lutter pour l'amélioration des conditions de vie des prisonniers, lutter pour le bien-être de tous, vivant sur le territoire national sans discrimination, etc. Comment peut-on définir votre combat à la lumière de vos objectifs ?
Tout simplement la lutte contre les injustices et les inégalités dans la quête du développement. Nous disons qu'il est temps de réduire le clivage social entre ceux qui en ont et ceux qui n'en ont pas. Il faut une juste répartition des richesses du pays. Tout projet politique doit et devrait être par essence-bénéfique à toutes les composantes sociales. Malheureusement, depuis l'accession de notre pays à l'indépendance, nous constatons, que les projets de développement conçus par le politique maintiennent la majeure partie de nos populations dans la grande pauvreté. Il faut donc rappeler à l'ordre tous ces politiques par une action concrète sur le terrain. Nous devons nous mobiliser pour redéfinir notre concept du développement. L'homme n'est pas un moyen mais une fin, il doit être celui pour qui on conçoit ces projets. Notre lutte, comme vous le voyez, doit briser les barrières de la pauvreté, de l'inégalité et de l'injustice. Il ne faudrait pas qu'on redonne un pouvoir vide de toute substance au peuple, mais un pouvoir illuminé par les rayons du développement. Selon vous, qu'est-ce qu'il faut faire pour sortir la Côte d'Ivoire du sous-développement ?
Les grands chantiers pour le développement ont été conçus par le Président Laurent Gbagbo. Mais le "microbe" se trouve dans leur gestion. Prenons d'abord la décentralisation qui est une politique de développement de proximité, et cela, à la lumière des pays du Nord. Cette politique tient compte des aspirations réelles de développement des populations. Elle permet de penser développement localement. Malgré la guerre, des budgets ont été octroyés, des efforts ont été consentis par le gouvernement pour amoindrir la souffrance de nos populations. Mais les gens ont préféré s'offrir le luxe. Les Conseils généraux se sont spécialisés dans les surfacturations au mépris des cris de détresses de nos parents. Notre tournée dans le but de nous imprégner des réalités quotidiennes du terrain, nous a conduits dans un village où nous avons vu un appatam construit sur fonds du Conseil général pour un coût de dix (10) millions qui ne ressemble pratiquement à rien. C'est alarmant et révoltant de voir de telles pratiques. L'autre aspect, c'est la libéralisation de la filière café-cacao. Le Président Gbagbo a pensé logiquement donner le pouvoir aux paysans, ceux-là mêmes qui sont les socles du développement et de la notoriété de notre pays à l'extérieur. Mais regardons de plus près la gestion de cette filière. Nous constatons d'une façon effarante la misère réelle des paysans. Des gens placés à la tête de cette filière roulent dans des voitures rutilantes avec une véritable insolence financière. Que deviennent les pauvres paysans ? Ils n'ont que leurs yeux pour pleurer parce que le bout du tunnel n'est pas pour demain. C'est pour cela, nous ferons bientôt des propositions concrètes sur ces deux (2) entités. Et nous comptons publier dans un bref délais, des rapports sur leurs gestions. Parlant de vos objectifs, on retient la commission d'un avocat d'office. Est-ce que cet objectif met en lumière le disfonctionnement de l'appareil judiciaire ?
Le constat est malheureusement triste dans notre société. La justice est au service d'une catégorie de justiciables c'est-à-dire les riches. Franchement, nous avons la conviction que tous ceux qui sont en prison ne sont pas tous des délinquants. Beaucoup d'indigents croupissent dans les geôles par ignorance de leurs droits ou par la mauvaise foi de ceux qui sont censés appliquer la loi. Nombreux sont les cas où les personnes sont détenues dans les postes de police ou de gendarmerie sur la base des rapports entre créanciers et débiteurs. On contraint par la violation de ses droits le débiteur insolvable à payer. Est-ce normal de priver un citoyen de sa liberté sans aucune preuve ? Est-ce normal de faire arrêter par la police ou la gendarmerie quelqu'un qui vous doit ? Est-ce que la police ou la gendarmerie est la voie de recours pour contraindre un débiteur à payer ce qu'il doit ? Cet exemple est un maillon de la grande chaîne d'injustice que nous voulons combattre.
Très concrètement, que comptez-vous faire ?
Nous avons déjà constitué un collectif d'avocats qui nous aidera dans cette tâche. Avec ces juristes, nous allons faire un travail en amont. Il n'est plus question d'arrestation sans preuves. Et il faudrait déjà au niveau des commissariats et de la gendarmerie que l'accusé ait la possibilité d'être assisté par un avocat, car cela fera obstacle au principe de privilège. Avec la caution du ministre de l'Intérieur qui est lui-même juriste, nous allons porter la sensibilisation au niveau des commissariats de police et de la gendarmerie. En aval, le problème de l'appareil judiciaire se traduit par le nombre insuffisant des magistrats et cela complique véritablement les procédures judiciaires. Le gouvernement doit effectivement s'impliquer pour éviter que ce disfonctionnement n'engendre encore beaucoup d'autres frustrations. Parce que la guerre qu'a connue notre pays, s'explique aussi par la somme de toutes les frustrations. Notre rôle est de faire en sorte que de telles pratiques ne nous fassent revivre d'autres situations regrettables. Il faut éloigner de notre pays, le spectre de la guerre par un véritable changement de mentalité.
Entretien réalisé par
Germain Séhoué

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