vendredi 11 mai 2007 par Nord-Sud

La Côte d'Ivoire dédommagerait les familles des militaires français tués lors du bombardement. Alors que Jacques Chirac, l'ennemi juré du président Laurent Gbagbo, s'apprête à quitter l'Elysée, une délégation de trois magistrats de Côte d'Ivoire s'est rendue discrètement à Paris entre les deux tours de la présidentielle, pour renouveler sa proposition d' accord à l'amiable. Il s'agit, au moment où un nouveau pouvoir s'installe en France, de solder les comptes entre les deux pays.

Officiellement, Abidjan déclare toujours vouloir faire la lumière sur le bombardement par un Sukhoï ivoirien d'un camp militaire à Bouaké, qui, le 6 novembre 2004, avait fait neuf morts parmi les soldats de la force Licorne. Celle-ci avait riposté en détruisant la quasi-totalité de l'aviation militaire ivoirienne, déclenchant de graves émeutes à travers tout le pays contre les Français et provoquant le départ de 8 000 d'entre eux de Côte d'Ivoire.

Le 31 janvier 2007, la justice ivoirienne a remis une commission rogatoire aux autorités françaises pour demander l'exhumation à des fins d'autopsie des corps des soldats français tués à Bouaké.

Nous l'avons transmise par voie diplomatique, mais nous n'avons toujours pas obtenu de réponse, confie le procureur Raymond Tchimou. Contrairement à l'usage en matière criminelle, aucune autopsie n'a été pratiquée côté français après le raid de Bouaké.

Tant que nous n'aurons pas ce rapport, nous ne pourrons pas affirmer avec certitude que les militaires de Licorne ont été tués par l'un de nos avions, assure le procureur ivoirien. L'avocat des parties civiles, Me Jean Balan, accuse les autorités françaises de cacher la vérité sur ce raid pour d'inavouables raisons. Mais l'attitude d'Abidjan est, elle aussi, lourde d'ambiguïtés.

La justice ivoirienne alterne les déclarations contradictoires sur la présence ou non de copilotes ivoiriens dans les avions qui ont bombardé Bouaké. Et pourquoi les autorités d'Abidjan, qui dénoncent une manipulation (sous-entendu de la France) , n'ont-elles pas appréhendé les mercenaires biélorusses aux commandes des avions?

Les magistrats ivoiriens cherchent une porte de sortie honorable pour les deux parties. Début 2007, ils avaient déjà soumis une proposition d'accord à l'amiable à Paris, prévoyant des dédommagements croisés.

La France rembourserait les avions détruits par Licorne et dédommagerait les familles des patriotes tués lors des émeutes. De son côté, Abidjan verserait des compensations aux familles des soldats tués à Bouaké et aux Français qui ont dû fuir la Côte-d'Ivoire.

Raymond Tchimou évoque la mise en place d'une commission bilatérale franco-ivoirienne chargée d'évaluer les montants à verser de part et d'autre. Mais le magistrat affirme n'avoir reçu à ce jour aucune réponse des autorités françaises. Sans doute parce que l'acceptation d'un tel règlement reviendrait pour l'ancienne puissance coloniale à reconnaître de facto ses torts, elle qui a toujours affirmé avoir agi en état de légitime défense en novembre 2004.





Source: Libération (10/05/07)

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