jeudi 10 mai 2007 par Nord-Sud

Le divorce n'est pas encore consommé. Mais tout laisse croire que si rien n'est fait pour arrêter les récriminations et les attaques, ce serait la rupture entre les FN et le Rhdp. Pourtant Alhassane Salif N'Diaye, le secrétaire général de l'Udpci, voit les choses autrement. Entretien.


Qu'est-ce qui oppose aujourd'hui le RHDP et les Forces nouvelles, son allié au sein du G7?

A la vérité et au moment où je vous parle, il n'existe pas de dissension entre les Forces nouvelles et le Rhdp. C'est vrai que depuis quelques temps, la presse se meuble de commentaires sur des déclarations qui ont été faites par un membre influent des Forces nouvelles. En l'occurrence, le ministre de l'Artisanat et du Tourisme (Konaté Sidiki, Ndlr) qui a eu à émettre certaines idées. Je ne pense pas que celles-ci vont dans le sens de ce que devraient être les rapports entre les Forces nouvelles et le Rhdp. Nous sommes au sein du G7. Si l'on fait le tour de toutes les déclarations depuis la mise en place du nouveau gouvernement de la République jusque-là, vous constaterez que le Premier ministre lui-même a eu à dire qu'il faisait partie de la famille du G7. Et à la date d'aujourd'hui, à aucun moment nous n'avons eu quelques réserves, encore moins pris une décision de voir cette famille éclater. Dans la pratique qui est celle du G7, nous nous rencontrons de façon hebdomadaire. Nous attendons des Forces nouvelles qu'elles nous disent exactement ce qui ne va pas dans le fonctionnement de notre association. A ce moment-là, nous serons en mesure de leur dire: vous avez raison ou vous avez tort. Comme nous en avons l'habitude, nous ne saurons nous taire. Donc, laissez les commentaires avoir libre cours. Les faits jusqu'aujourd'hui, n'indiquent vraiment pas qu'il y ait quelque problème que ce soit entre le Rhdp et les Forces nouvelles.




Au sein du Rhdp, des sons de cloche discordants au sujet de la primature de Soro Guillaume ont été entendus. Le Pdci, membre influent de votre mouvement, n'était pas favorable à cette nomination et penchait pour le maintien de Banny. Les médias proches de ce parti accréditent chaque jour cette thèse. Cela ne serait-il pas en partie à l'origine des crispations constatées?

Vous qui m'interviewez, est-ce que vous êtes proche de l'Udpci ? Après ce que vous allez écrire et les commentaires que vous allez en faire, doit-on vous taxer de quelque dérive que ce soit ? Je ne le pense pas. Laissons les journalistes, avec le respect que nous leur devons, avec leurs commentaires et attachons-nous aux faits. Vous dites que le Pdci ne s'en accommode pas. Vous serez bien gêné si je vous demandais : Mais par quel acte ? Par quel discours ? Par quel commentaire ? Par quelle déclaration? Où le Pdci a-t-il eu à dire ceci ou cela. Le Pdci n'a encore rien dit. Si vous allez dans les villas et dans les salons feutrés et qu'on dit que le Pdci a dit Vous comprenez que ce n'est pas par ces voies-là qu'un parti fonctionne. Le Pdci a des responsables : le président, le porte-parole, le secrétaire généralqui à la date d'aujourd'hui, en tout cas à ma connaissance, n'ont rien dit. Alors, supputer, dire que le Pdci est hostile, ce serait à mon avis, beaucoup de prétentions. Parce que, penser à la place des autres, c'est plus que de la prétention.




Des personnalités influentes du PDCI et proches de Bédié expriment leurs oppositions dans ces médias, notamment dans un quotidien. Lequel quotidien affiche clairement ses positions anti-Soro. cela ne peut que conforter dans les suspicions

Voici un journal qui défend un certain nombre d'idées et qui comme tous les autres journaux, fait des commentaires. Alors, s'attaquer à un journal en disant : ?'Vous avez dit ceci, c'est parce que vous avez des commanditaires'', c'est grave. Parce qu'aujourd'hui, nous avons les journaux de toutes les teintes. () On doit être honnête et ne pas attaquer des responsables d'un parti politique parce que des journaux censés être proches d'eux, ont eu à faire des commentaires.




Le Rhdp qui célèbre bientôt ses deux ans, va-t-il enfin rendre publique sa plate-forme de gouvernement qui dort dans les tiroirs. Bientôt, ce sont les élections.

La plate-forme n'est pas dans les tiroirs. Elle comprend deux volets. Le premier était le volet politique pour indiquer que tous les partis ivoiriens qui adhéraient à l'idéologie houphouétiste, devaient se rencontrer, s'organiser afin d'accéder au pouvoir. Par la voie des urnes. Je pense que depuis deux ans, c'est ce que nous faisons. Mais, ce que le grand public ne sait pas, c'est qu' à côté des textes que vous connaissez aujourd'hui, la plate-forme en elle-même, nous avons pensé à ce que nous appelons les Annexes. Elles devaient essentiellement se consacrer à la manière dont nous allons nous organiser pour les différentes élections, les présidentielles A l'heure qu'il est, chaque parti dans son autonomie peut présenter un candidat. Ensuite, nous veillons au niveau des annexes de la plate-forme ce qui doit être les élections législatives, locales, les départementales, les mairies, etc. Depuis deux semaines, la commission chargée des annexes de la plate-forme est à pied d'?uvre et toutes nos réunions hebdomadaires sont consacrées à cela jusqu'à l'actualité qui nous a bousculés. Nous les avons mis un tout petit peu de côté en attendant d'échanger avec les FN. Après la plate-forme qui définit les grands principes, nous avons pensé à tout ce qu'il faudrait mettre en place pour que les houphouétistes, le Rhdp puisse gagner sans bavure les élections à venir.




Qu'en est-il de la candidature unique à la présidentielle proposée par M. Anaky Kobenan du Mfa ?

Nous en étions au premier volet de la plate-forme lorsque l'idée du président Anaky est survenue. () Depuis deux à trois semaines, nous nous attelons aux annexes de la plate-forme qui sont uniquement consacrées à toute la stratégie pour les élections, la présidentielle, les législatives, les régionales et les locales. Le monde politique est mouvant et en fonction de cela, nous déterminerons la stratégie qui doit nous amener à atteindre l'objectif premier : accéder au pouvoir d'Etat et reconstruire la Côte d'Ivoire qui est dans l'état de délabrement que chacun connaît.




Certains pensent que multiplier les candidatures, c'est prendre le risque d'une victoire de Gbagbo au premier tour. Les exemples sénégalais et maliens sont encore présents dans les esprits.

Ce dont nous parlions tantôt, c'est ce qui avait été décidé au sortir de la rencontre de Paris en mai 2005. Aujourd'hui, beaucoup de choses se sont passées. A nous de bâtir des stratégies pour, justement, ne pas connaître les déconvenues que nous voyons partout. En France, il y a eu une multiplicité de candidatures. Est-ce ce qui a fait perdre la gauche socialiste ? Il y a eu le Nigeria, le Mali qui viennent de nous donner des exemples. Le deuxième volet de la plate-forme qui consistait à bâtir la stratégie pour gagner les élections est actuellement en cours. Mais nos réflexions sont alimentées par le vécu. Parce que nous venons de voir les élections au Sénégal, au Mali, au Nigeria et en France. Ne soyez pas étonné. Peut-être que de nos réflexions sortira l'idée, cette fois-ci irrémédiable, que nous allons à la bataille avec un seul candidat. Ce n'est pas quelque chose d'exclu. Mais, je parle de l'existant. Aujourd'hui, parce que le directoire du Rhdp n'en a pas encore décidé autrement, l'autonomie est laissée à chacun des partis pour préparer sa campagne.




Disposez-vous suffisamment de temps pour convaincre vos militants sur le choix que vous allez faire ?

Nous sommes partis d'un constat. C'est que pour que le Rhdp s'en sorte, il faut qu'il soit constitué de partis forts. Nous avons estimé qu'il fallait laisser à chaque parti l'initiative de s'organiser afin que nous rassemblions le maximum de personnes au niveau de chacun des partis pour pouvoir aller à la bataille. Les choses évoluant, et avec ce qui a déjà été fait, je peux vous affirmer que par rapport à mai 2005, le Rdr est plus fort aujourd'hui qu'hier ; l'Udpci dont je suis le secrétaire général, est nettement plus fort qu'en 2005. Il en est de même du Mfa et du Pdci-Rda. Si nous rencontrons nos militants demain, cela ne va pas nous demander énormément de temps. Nous allons leur rappeler l'objectif de notre bataille qui est d'accéder au pouvoir d'Etat par les urnes. Nous allons également leur dire ceci : ?'Nous nous rendons compte que le contexte ayant changé, acceptez que nous rassemblions toutes nos forces pour aller à cette bataille-là.'' La sensibilisation dans tous les partis est telle qu'aujourd'hui des mots d'ordre peuvent en l'espace de quelques semaines rassembler tout notre monde. Ce serait en ce moment-là que nous analyserons la situation telle qu'elle prévaut et que nous allons donner le mot d'ordre.




Cela ressemble fort à de la théorie. Estimez-vous aujourd'hui être en phase avec vos militants sur le terrain ? Des informations persistantes font état de ce qu'ils n'arrivent pas à décrypter clairement votre stratégie, qu'ils sont déboussolés par le manque de visibilité et les querelles au sommet

Ce sont des commentaires que vous faites. A l'Udpci, je suis au fait de ma base. Je ne vois pas en quoi la base, franchement, est en déphasage avec la direction Regardez ce que nous voyons aujourd'hui avec les investitures des secrétaires départementaux du Rdr. Est-ce que la base est en déphasage avec la direction ? Je ne le pense pas Mais dans toute association, dans toute gestion des hommes, il y a, de temps en temps, de l'ivraie. Donc, ne prenez pas l'arbre pour cacher la forêt. Aujourd'hui, nous avons des problèmes avec quelques individus. Mais sur les 120 coordinations que compte l'Udpci, il n'y a que 2 ou 3 avec qui nous avons des incompréhensions, que nous sommes en train de résoudre.




Le Rhdp semble se réjouir de l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de la France. Comptez-vous sur lui pour vous aider à remporter les élections ici ?

Certains journaux, c'est ce que je vous reproche, ont écrit que le Rhdp, l'opposition, veut faire sa bataille par procuration. Ce n'est pas tout à fait juste. Le monde d'aujourd'hui se gère non point en autarcie ni en vase clos. Aujourd'hui, c'est ridicule de dire que Thabo MBeki, l'Afrique du Sud, soutient le régime en Côte d'Ivoire. Dans ce cas, on ne parle pas de souveraineté. On parle de souveraineté alors que nous sommes obligés chaque jour d'aller nous en référer au Burkina Faso pour résoudre nos problèmes. En politique, il faut une morale, une éthique. Cela ne doit pas nous distraire de la défense des intérêts de notre pays. Pourquoi, ne manifesterions-nous pas notre joie de voir quelqu'un arriver au pouvoir qui comprendra notre problème? On nous a rabâché les oreilles de : que fait Chirac, que fait la Droite ici ? Aujourd'hui, on félicite quelqu'un qui n'a pas encore pris fonction. () Non, on ne confiera pas le sort de la Côte d'Ivoire à Sarkozy qui arrive au pouvoir. On est tous d'accord aujourd'hui pour dire que les relations entre la France et l'Afrique doivent être d'une toute autre nature. Mais, enfin, qu'on n'empêche pas un chef d'Etat africain d'avoir pour ami le président de la France! Ce n'est pas de la compromission, ce n'est pas être vassal de qui que ce soit que de recevoir l'avis du président de la République de France. Vous n'avez pas constaté qu'Albert Bourgi est trop fréquent en Côte d'Ivoire pour parler de nous. Vous n'avez pas constaté que l'ancien ministre de la Coopération, Charles Josselin du Parti socialiste, avec son manteau de président des maires francophones, curieusement a fait un tour ici, quelques semaines avant l'élection présidentielle en France. Tout cela, à mon avis, est de la malhonnêteté. La France est bel et bien notre alliée. Certains ont des amis en France et veulent empêcher les autres d'en avoir. Dès qu'ils ont des ennuis, c'est la France qui est accusée d'être néocolonialiste, de vouloir nous asservir, etc. Je pense que ce jeu-là est terminé. Sarkozy est d'un Parti libéral, le Pdci est un parti de droite, ami de l'Ump dont le président s'appelle Sarkozy. Le Rdr a pour président Alassane Ouattara qui est un ami intime de Sarkozy. L'Udpci était au dernier congrès de l'Ump parce que nous sommes un parti centriste. Mais pour un libéralisme social. Qu'on nous laisse exprimer notre joie. Cela ne voudra pas dire que nous allons vendre la Côte d'Ivoire. Et, c'est une boutade un peu sévère, si d'aventure nous devrions vendre la Côte d'Ivoire, nous préférerons la vendre à nos amis qui construiront la Côte d'Ivoire plutôt qu'à ceux qui la découvre comme par hasard, comme des vautours, du fait de la crise. Parce qu'eux, ils sont venus dépouiller la Côte d'Ivoire. Ce que nous ne voulons plus.




On pourrait vous reprocher de vous complaire dans un optimisme béat alors que les enjeux ne sont pas aussi simples et s'avèrent même ardus

On est optimiste, parce qu'on croit en la Côte d'Ivoire, à la philosophie d'Houphouët-Boigny, qui est essentiellement basée sur le dialogue. C'est une force pour nous, ce que nous croyons. Pour beaucoup, c'est une faiblesse. Si nous en sommes aujourd'hui à l'accord de Ouagadougou, c'est parce qu'il a existé cette fameuse opposition inerte, de salon. Qui n'était pas à Lomé en 2003. () L'opposition, c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde. Dans cette analyse, il faut garder la tête froide. On en a tellement fait qu'on nous demande d'en faire trop. C'est peut-être vrai. Mais les méthodes qu'on nous demande ne sont pas les nôtres. Voilà la différence. On peut casser, brûler et aller même jusqu'à tuer. Est-ce cela la solution ? Ce sont là des choses que nous avons connues d'une certaine opposition à une époque où lorsque vous vous opposiez, on vous encadrait. Si ça débordait, vous alliez prendre quelques coups de chicotte à Akouédo, mais vous retourniez chez vous à la maison. Aujourd'hui on dit à l'opposition, que vous ne faites rien, sortez, allez-vous faire tuer. () Non ! Le sang ne sera pas versé par le Rhdp et par les partis qui le composent. Nous pensons qu'il existe d'autres voies pour cela. Houphouët a dit que la seule école qui existe, c'est l'école de la patience. Nous sommes patients.




Réalisé par Kossou Jean-Marc

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023