jeudi 10 mai 2007 par Le Patriote

Au stade actuel de la situation sociopolitique délétère de la Côte d'Ivoire, un conflit ouvert entre les Forces Nouvelles de Guillaume Soro et le RDR d'Alassane Dramane Ouattara est-il, simplement, envisageable comme certains tentent de le faire croire ? Le Patriote ouvre le débat ?

Qui a intérêt à ce que Guillaume Soro et Alassane Dramane Ouattara se brouillent? Quelles seraient les conséquences d'une telle éventualité sur la suite de la lutte démocratique que mènent ces deux acteurs clés de la scène nationale ? Incalculables, c'est sûr. Le seul qui en profiterait n'est autre que Laurent Gbagbo qui s'est juré depuis longtemps de tout mettre en ?uvre pour un désapparentement des Forces Nouvelles d'avec le RDR. C'est pourquoi, il convient de rappeler aux extrémistes et amuseurs publics proches des deux leaders qui militent pour la déchirure entre les F.N et le RDR que nul ne gagne, en réalité, à diviser Ouattara et Soro.

Les récriminations
des F.N contre le RDR

Entre les Forces Nouvelles et le RDR, on peut le dire, c'est un dépit amoureux sur fond de récriminations. Chacun a des griefs contre l'autre. Mais, ils n'osent pas encore poser le débat dans un cadre formel et responsable, prenant, ainsi, le risque d'alimenter la rumeur, la suspicion. Les Forces Nouvelles estiment, en effet, que le temps est venu pour le RDR de rompre son alliance avec le PDCI et de compter sur ses propres forces dans sa stratégie de conquête du pouvoir. De son côté, le RDR estime qu'il doit aller le plus loin possible dans son alliance avec le vieux parti même s'il sait que tôt ou tard la rupture peut intervenir. Cette option prise par le RDR n'est évidemment pas du goût des Forces Nouvelles qui ont aujourd'hui le sentiment d'avoir été utilisées comme des fusibles avant d'être lâchées au profit de l'alliance avec le PDCI. Pour les Forces Nouvelles, le RDR, ou du moins son président, Alassane Ouattara s'est retrouvé, à plusieurs reprises, très proche du pouvoir, d'abord en 1995, ensuite en 2000. Mais, à chaque fois, il s'est laissé griller, à la dernière minute, par l'adversaire. Pour les hommes de Guillaume Soro, c'est là un mauvais sort qu'il faut absolument conjurer. En décidant donc de remuer fortement, ces jours ci, le cocotier du G 7, et par ricochet celui du RHDP, les Forces Nouvelles n'ont pour autre souci que de faire prendre conscience à Ouattara et ses lieutenants sur la nécessité de réadapter la stratégie de conquête, d'exercice et de conservation du pouvoir au contexte nouveau créé par Ouaga : Ce n'est pas avec le PDCI que le RDR pourra prendre le pouvoir. Parce que si Ouattara lui-même entend les confidences désobligeantes qui se disent sur son compte dans les milieux de ce parti, il mettra fin immédiatement à son alliance avec le PDCI pour faire cavalier solitaire , révèle un proche de Soro bien introduit dans l'entourage de Bédié. L'autre grief que les orces nouvelles font au RDR a été exprimé récemment dans un article publié sur leur site Internet intitulé : Les dangers qui guettent le RDR. L'auteur de cet article non signé accuse, en effet, certains cadres du RDR, qu'il ne prend pas soin de nommer, de s'adonner à des menées subversives auprès de certains soldats et des populations des zones F.N. Seulement voilà ! L'auteur de l'article ne donne pas de preuves susceptibles d'étayer son argumentation. Mais, passonsEn plus, les Forces Nouvelles pensent que le RDR est complice du PDCI dans ce qu'elles appellent l'hypocrisie au sein du G 7 . Pour eux, Ouattara doit jouer à fond la carte de Guillaume Soro, l'actuel premier ministre et le soutenir ouvertement et sans tabou dans sa mission. Le camp Soro soupçonne, également, le RDR de vouloir fétichiser les dates indicatives figurant dans le chronogramme de l'accord de Ouaga. Parce qu' estiment des proches de Soro, le RDR et son président seraient pressés d'aller aux élections en février 2008 alors même que les conditions objectives d' élections crédibles sont loin d'être réunies avant cette date. Ah, le fétichisme des dates ! De son côté, le RDR se défend et réfute ces accusations jugées fantaisistes et émotives formulées sur la seule base de la subjectivité . Et pour cause

Les arguments
du RDR contre les F.N

Pour le RDR, les choses doivent être claires et situées dans leur contexte. Même si les Forces Nouvelles peuvent avoir des récriminations contre le RDR, elles ne peuvent l'accuser de quoi que soit. Pour la simple raison, estiment les hommes de Ouattara que le RDR est le seul parti qui a accepté d'assumer ouvertement son amitié avec les Forces Nouvelles. Cela, disent-ils, pour plusieurs raisons objectives. D'abord, les zones sous contrôle des Forces Nouvelles constituent, en partie la carte électorale, pour ne pas dire le bastion du RDR. Ensuite, les 90% du personnel et des soldats de l'ex rébellion, selon une étude menée récemment par la Licorne, se recruteraient au RDR et parmi ceux des partisans de Ouattara qui, à un moment de la lutte, étaient pressés de le voir arriver au pouvoir. Ceux là se sont sentis dans l'obligation d'aller prendre les armes, espérant, par la lutte armée, régler l'injustice qui a été faite à leur président en octobre 2000 : le rejet de sa candidature à la dernière présidentielle. Enfin, argumentent les idéologues du RDR, Guillaume Soro, le leader des Forces Nouvelles, bien que de l'idéologie socialiste, a toujours estimé que la frange la plus éclairée de la droite ivoirienne, se trouve au RDR. C'est pourquoi après avoir dirigé de décembre 1999 à octobre 2000, le Forum des Organisations de Jeunesse (FUJ), une structure proche du RDR, à l'époque, il n'a pas hésité à être le colistier de la numéro 2 dudit parti, Henriette Diabaté, aux législatives du 10 décembre 2000. Un scrutin qui sera boycotté, par la suite, par le RDR pour raison d'invalidation de la candidature de son leader à Kong. Depuis lors, Soro et Ouattara se vouent tous les deux un profond respect.
Pour en revenir au contexte, il faut retenir qu'en plus de Guei Robert et Téhé Emile, deux leaders de parti victimes de l'extrême préjudice dès le début de la guerre, Alassane Ouattara est le seul leader d'un grand parti qui a été menacé, ici, dans son intégrité physique par les escadrons de la mort proches du pouvoir FPI. Ils l'ont accusé, sans preuve, d'être le principal financier de la rébellion. Sa résidence a été incendiée, pillée, son petit personnel passé de vie à trépas, son standardiste, Abou Coulibaly a été tué. Inutile ici d'énumérer les préjudices causés au leader des Républicains ivoiriens à cause, justement, de sa trop grande amitié avec les ex rebelles.
En plus, le RDR estime que les Forces Nouvelles ont bénéficié dans leur lutte, du soutien inconditionnel des partis politiques: Le RHDP a soutenu les F.N pour prendre la présidence de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH), la vice présidence de la Commission Electorale Indépendante (CEI) et de la Commission Nationale de Supervision de l'Identification (CNSI). Et jusqu'à preuve du contraire, aucun des partis du RHDP, estime notre interlocuteur, ne s'est attaqué à la personne de Guillaume Soro . L'un dans l'autre, les Forces Nouvelles et le RDR sont liés par l'histoire et l'idéologie fondées sur le combat pour les libertés. Autant les Forces Nouvelles ont raison de croire que le RDR n'en fait pas assez pour les soutenir maintenant que leur leader Guillaume Soro est à la primature, autant le RDR pense que les Forces Nouvelles en font un peu trop : Pour dénoncer les divergences idéologiques qui les opposent au PDCI avec lequel le RDR est en alliance dans le cadre du RHDP, il n'est pas besoin de trop tirer sur la corde. Même si, comme le dit l'adage, l'amitié se nourrit de vérité et de franchise, il importe tout de même d'y mettre la manière. Il est vrai également qu'en politique, tous les coups sont permis. Mais il est encore plus vrai que tous les combats ne valent pas la peine d'être menés au risque de paraître ridicule aux yeux de l'opinion , analyse, sous couvert d'anonymat, un carde influent du RDR. Pour lui, il existe entre le RDR et les F.N des relations d'interdépendance et de cohabitation intelligente que nul n'a intérêt à remettre en cause. Si tant est que l'objectif demeure le même : la démocratisation, la pacification et de la côte d'ivoire, la défense des libertés individuelles et collectives, la conduite des audiences foraines, de l'identification générale, du recensement électoral et l'organisation d'élections crédibles et incontestablesAlors, balle à terre donc pour une opposition forte contre l'adversaire commun. C'est le seul combat, à notre sens, qui vaut la peine d'être mené.

Khristian Kara

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