mardi 8 mai 2007 par Fraternité Matin

Le Franco-ivoirien qui donna à la France son 1er titre de ligue des champions avec Marseille a décidé d'exercer son devoir de citoyen en entrant en politique. Basile Boli, définitivement réinstallé en France, alors qu'on vous croyait de retour au pays à la fin de votre carrière de footballeur?
Après ma carrière sportive, je suis parti en Côte d'Ivoire pour créer mon entreprise. J'ai vu la réalité de l'Afrique, j'ai vu la réalité de mon pays. J'ai vu pourquoi il y a eu les problèmes en Côte d'Ivoire. J'étais proche du ministère des Sports même si je n'étais pas un fonctionnaire. J'étais conseiller du ministre des Sports à l'époque. Je voulais apporter à la Côte d'Ivoire mon expertise, la faire profiter de tout ce que j'avais appris en Europe. Nul n'est prophète chez soi, mais ce n'est pas cela qui m'a fait revenir en France. C'est plutôt les conditions de vie. Il y a eu ensuite la guerre. Je suis revenu ici où il y a des possibilités, où il y a des aides. C'est vrai, il y a la souffrance aussi. Du sport à la politique, peut-on dire que le pas est franchi?
Du sport de haut niveau à la citoyenneté, le pas est franchi. Je me sens citoyen. Je n'ai pas de compte à rendre à une équipe de football, ni à un président de club. Je suis un chef d'entreprise. Je suis un citoyen, je paie mes impôts. J'ai donc le droit d'avoir une conviction en tant que citoyen. Je n'ai pas la carte de l'UMP, je suis juste proche de M. Sarkozy. C'est vrai, j'étais naturellement du PS (Parti socialiste), mais il m'a vraiment convaincu dans ses actes, dans sa manière de penser. Votre choix est à l'opposé de celui de bon nombre de Français originaires d'Afrique. Bon nombre d'Africains sont avec Madame Ségolène Royal, mais moi je ne vais pas suivre le troupeau comme ça. Je ne voyais rien venir de la gauche. Fabius, Strauss Kahn, Ségolène et Hollande, n'ont pas de politique concrète sur l'Afrique. On a été emmerdé? pendant cinq ans dans notre pays et la politique française a sa part de responsabilité dans la crise ivoirienne. Je n'ai pas peur de le dire. Je me suis donc dit que je soutiendrai la personne qui viendra me convaincre sur la politique africaine de la France. Je ne soutiens pas le fait que tout le monde aille dans le même sens en diabolisant M. Nicolas Sarkozy. C'est un fils d'immigré qui dit qu'il faut qu'il y ait des lois pour que la France arrive à la hauteur des pays européens, économiquement. La France a dégringolé de la 3e place à la 5e place des pays les plus riches. Il dit donc qu'il faut des partenariats, en mettant de côté les réseaux Foccart, les réseaux Pasqua, les réseaux Mitterrand. Aujourd'hui, il y a au moins 450 millions de jeunes en Afrique qui ne sont plus comme dans les années 60. Ils sont plus agressifs, ils ont Internet, ils sont plus informés. Il faut donc un autre genre de partenariat. Il faut encourager les entreprises en Afrique à créer beaucoup plus d'emplois et qu'ici, le gouvernement français les aide dans tous les domaines. Concrètement, bien des fils d'immigrés pensent que M. Sarkozy ?uvre plutôt à chasser les immigrés. Non, il n'?uvre pas à chasser les immigrés. Voyez-vous, quand M. Bédié a parlé d'ivoirité, tout le monde a crié au scandale. Mais ce concept c'est pour dire qu'il faut être fier de son pays M. Sarkozy dit: Moi je veux une politique d'immigration, pour qu'on se fasse respecter vis-à-vis des Africains?. Il ne dit pas: Je veux l'immigration zéro?. C'est impossible. Depuis la nuit des temps, l'immigration existe. Il est impossible que M. Sarkozy l'arrête. Il le sait lui-même. Mais c'est le monsieur qui est dans la réalité économique et sociale de son pays. On l'a diabolisé. Tu crois qu'aujourd'hui si tu arrives en Côte d'Ivoire sans papier, on va te dire bienvenue monsieur? et on te trouve une maison? Non! Ne craignez-vous pas que M. Sarkozy avec sa politique d'immigration choisie? puisse faire fuir les cerveaux d'Afrique vers la France?
Je ne le pense pas. Dans la mesure où il s'agit de normaliser l'immigration. Tous ne viendront pas ici. En Afrique, quand tu dis bonjour à un jeune, son rêve, c'est de venir en Europe. Vous pensez que si tout ce monde vient ici, il y aura la sécurité, une bonne politique sociale. C'est comme si je t'invite chez moi et tu viens avec tes frères et s?urs parce qu'on doit manger un bon plat de poulet. Mais c'est seulement toi que j'ai invité. La normalisation, ce n'est pas de refuser toute ta famille mais c'est de dire que le poulet est pour quatre ou cinq personnes. Si tu veux venir avec ta famille Regardons un peu chez nous aussi avant de dire, ceux-là, qu'est-ce qu'ils font. Nous sommes des partenaires. Donc vous pensez que sur le sujet de l'immigration, les socialistes ont un projet moins bon que celui de M. Sarkozy.
Je le pense. Qu'est-ce que Madame Ségolène Royal apportait de plus? C'est le cas par cas, identique au projet de M. Sarkozy, qu'elle voulait faire. Aucun pays européen ne peut régulariser la situation de tous les sans-papiers?. L'Espagne l'a fait, c'est la catastrophe. Madame Ségolène Royal a donné les mêmes réponses que M. Nicolas Sarkozy, sur la régularisation des sans papiers? lors du débat entre les deux candidats. Ça ne veut pas dire qu'elle est raciste. Elle sait qu'économiquement, la France ne peut plus tout faire seule. Il faut donc amener le partenaire à ce qu'on appelle le co-développement. C'est ce qui m'incite Le racisme ce n'est pas cela. Le racisme existe en France, ça existe chez nous, ça existe dans tous les pays du monde.
Que pensez-vous du combat de Lilian Thuram contre les idées M. Sarkozy?
Ce n'est pas parce que Lilian Thuram n'aime pas Nicolas Sarkozy que moi je dois le suivre. Il a ses raisons. J'ai d'autres convictions. Je suis sorti du foot, je suis chef d'entreprise. On n'a pas les mêmes visions des choses. Il dit que M. Sarkozy a récupéré les voix du Front national, qu'il a menti sur ce qui s'est passé à Clichy. C'est un problème personnel entre Thuram et Sarkozy. J'aime beaucoup Lilian Thuram, mais il y a la politique du réel. A Marseille, j'ai payé les cartes de séjour pour vingt à trente jeunes ivoiriens. A Paris, je fais pareil. Donc je suis plus dans le quotidien africain que Lilian Thuram. Je suis parti tout seul à Saint-Denis et dans d'autres quartiers discuter avec la communauté africaine en disant aux jeunes les raisons pour lesquelles je soutiens M. Sarkozy. Je ne demande pas qu'ils me suivent absolument, mais je veux leur dire pourquoi je suis avec lui. Ce n'est pas un raciste. C'est un homme d'Etat. Vous qui êtes un proche de M. Sarkozy, quel est son projet concernant la sortie de crise
en Côte d'Ivoire, en tant que président de la France?
Sur ce sujet, je ne manque pas de lui demander toutes les fois que je fais le footing avec lui ce qu'il va faire pour la Côte d'Ivoire. Il sait qu'il y a une crise qui dure depuis cinq ans. Il connaît mon pays, il sait d'où je viens. Il est actuellement heureux qu'il y ait le dialogue direct. Il a trouvé que c'était super. Maintenant, il souhaite qu'on arrive aux élections et que la situation se normalise.
Que fait-on de la Licorne? Les militaires français retournent en France ou restent-ils en
Côte d'Ivoire? M. Sarkozy se prononce-t-il sur cette question?
On a eu une discussion là-dessus. Je vais vous donner un petit exemple. Il vient d'avoir un crash d'avion au Cameroun. En principe, les premiers secours, ça doit être les soldats camerounais. D'où sont finalement partis les soldats? C'est du Gabon, et ce sont des soldats français. On peut être prêt politiquement, mais on a encore besoin d'experts. Il y a eu du feu en zone 4 chez Orca déco, qui est venu l'éteindre, c'est la Licorne. Ce n'est pas pour dire que les soldats français doivent rester. Je ne suis pas politiquement à l'aise pour vous le dire. Je lui parle tout le temps de la Côte d'Ivoire. Je lui pose des questions comme vous le faites. Il y a plein de choses qu'on veut faire mais pour lesquelles on n'a pas encore les moyens pour l'instant. Nous avons besoin d'un partenariat. Nous avons besoin d'expertises, comme la France en a besoin.
Est-ce qu'il a de bons rapports avec le Président Gbagbo?
Pour l'instant, je crois que les deux sont très attentifs.
M. Sarkozy est de droite,
M. Gbagbo est socialiste
M. Gbagbo est socialiste mais vous savez ce que le premier secrétaire du Parti socialiste dans l'entourage de Madame Royale, a dit de lui. M. Sarkozy n'a rien dit sur le Président Gbagbo. Les autres ont dit qu'il est infréquentable.
Est-ce qu'il en parle en privé?
Oui, il en parle. Son sentiment c'est qu'il est heureux que la paix soit revenue en ce moment.
Parlant de la Côte d'Ivoire,
M. Sarkozy a dit qu'il ne discute pas avec les gens qui ne sont pas élus. Qu'en pensez-vous?
Ce qu'il a dit, c'est de respecter les lois des pays. C'est-à-dire que quand il y a un président qui est élu, il discute avec lui. Mais il ne s'agit pas de dire que je ne discute pas avec M. Gbagbo parce qu'il n'est pas élu. On sait que la Côte d'Ivoire traverse une crise depuis cinq ans. Pour que les rapports entre la France et la Côte d'Ivoire se normalisent, il faut qu'il y ait des élections en Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, M. Sarkozy est content qu'il y ait une lueur d'espoir avec le dialogue direct. Est-ce qu'il peut utiliser la Licorne pour imposer la paix, si le dialogue direct ne marche pas?
Nicolas Sarkozy, ce n'est pas Dieu. Je n'y pense même pas. Il y a une lueur de paix qui pointe dans notre pays. Et les gens en France, que ce soit François Fillon ou Philippe Douste Blazy, sont contents. Ils ne cessent de m'appeler pour s'en réjouir.
Après l'élection de M. Sarkozy, aurez-vous des responsabilités politiques?
Oui! Je suis obligé, parce que mon c?ur se trouve en Côte d'Ivoire. Tout ce qui se passera avec la Côte d'Ivoire, j'y serai impliqué. Mais je ne veux pas être ministre. J'ai mon business qui marche bien. Ce sera une responsabilité vis-à-vis de l'Afrique, parce qu'on n'est pas beaucoup d'Africains apolitiques qui peuvent l'éclairer sur l'Afrique. Il m'a donné une mission sur l'Afrique francophone, il y a trois mois, j'ai rendu mes conclusions. Il est satisfait. On sait que vous avez travaillé quelque temps étroitement avec la Fédération ivoirienne de football (FIF). Il se racontait même que vous vouliez briguer le poste de président de la FIF. Qu'en est-il aujourd'hui?
C'est moi qui ai poussé Anouma à être président de la FIF. On a échoué quand on a fait un duo face à Dieng. Je ne dormais pas. J'ai été envoyé en mission pour trouver un entraîneur. Nous avons travaillé pendant un mois ici Je suis un privilégié d'Anouma. Je me bats actuellement pour ce qui lui arrive au niveau de l'UFOA. Il peut être critiqué mais il a permis au football ivoirien de faire un bond avant de vingt ans.

Votre nom a été associé à un moment donné à une association caritative, Qu'en est-il?

Je sortais de l'argent de ma poche. Nous étions à une vingtaine de gamins et nous sommes passés à 65. Tous les jeunes du Plateau sont venus à la Fondation. Financiè-rement, je n'avais aucun appui de l'Etat. Je ne maîtrisais plus rien. Mais on a une dizaine de personnes qui travaillent aujourd'hui, qui ont été réinsérées. On a essayé de caser des gamins dans d'autres ONG. D'autres sont repartis dans leurs familles.


Interview réalisée par
Barthélemy Kouame
en collaboration avec
Kigbafory Inza
(Le Patriote)
Djédjé Augustin (macotedivoire.info)
Envoyés spéciaux à
Neuilly-Sur-Seine (France)

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