lundi 7 mai 2007 par Nord-Sud

La prise en charge scolaire des sourds-muets et leur préparation à la vie active, sont grippées. Yopougon Siporex. Derrière les immeubles de la Sicogi, non loin du marché de viande de porc, Gabriel gare, l'Ecole Ivoirienne pour les sourds (Ecis) fait face à l'Epp Sogefia gare 1. Le portail franchi, le visiteur est d'abord frappé par la propreté des murs. Ne soyez pas impressionné. Nous venons de refaire la peinture grâce à un club service de la place. Autrement, nos difficultés sont réelles et nos besoins énormes, prévient le directeur de l'établissement en nous accueillant. Le centre comprend un atelier de menuiserie et une école primaire. Face à l'administration, il y a le réfectoire et les dortoirs des 153 pensionnaires actuels. Ces bâtiments ont été réalisés par le pasteur Afro Américain Andrew Foster pour la formation des enfants sourds. Il a créé des établissements du même type dans d'autres pays de la sous région : en Guinée, au Liberia, en Sierra Leone et même plus loin au Kenya. Jusqu'en 1984, l'Ecis était une école confessionnelle privée, rappelle le directeur Kouamé Alphonse. A la mort de l'homme de Dieu au Kenya en 1974, l'école s'est retrouvée abandonnée. Elle sera alors reprise en main par le ministère des Affaires sociales. Au plan pédagogique, les élèves de l'Ecis suivent les mêmes programmes scolaires que leurs congénères de l'enseignement général, sauf qu'ici les cours sont dispensés dans un langage gestuel. Ils utilisent le même alphabet et les mêmes manuels ; cahiers, livres scolaires, ardoises et portent les mêmes uniformes que les écoliers du public. Les enseignants dépendent du ministère des Affaires sociales. Mais, souvent, des instituteurs des écoles primaires y sont affectés. C'est le cas de celui qui est actuellement en charge de la 2ème année du cours moyen. Si tout se passe relativement bien pour les petits, les difficultés apparaissent quand les sourds-muets atteignent le second cycle, c'est-à-dire après l'admission à l'entrée en 6ème. Ils éprouvent des difficultés à suivre les enseignements des professeurs. L'enseignant du secondaire ne connaît pas le langage gestuel. Il fait son cours sans tenir compte de l'handicap de nos pensionnaires. Une ?uvre humanitaire qui Après avoir suivi les cours en classe, nos élèves sont obligés de revenir vers nous pour se faire expliquer ce qu'ils ont copié. Une situation difficile que nous réussissons tant bien que mal à gérer. Mais les résultats sont en déça de nos espérances, déplore M. Kouamé. Pour palier cette situation, le ministère de l'Education nationale et celui des Affaires sociales envisagent de créer une école intégrée où les sourds-muets pourront construire leur savoir avec moins de difficultés. Les enseignants qui seront formés pour enseigner dans cette école, dispenseront leur savoir à partir de la méthode gestuelle, révèle-t-il. En attendant l'avènement d'une telle école, les sourds muets poursuivent leur cursus scolaire dans les cabinets professionnels spécialisés qui acceptent de les former dans différents métiers. Nous avons signé un partenariat avec un cabinet de couture. A la fin de la formation, ce cabinet et le Fdfp (Ndlr : Fonds de développement de la formation professionnelle) vont assurer leur installation. Nous avons aussi en projet une formation en informatique, en pâtisserie et dans la fabrication de savon artisanal pour 30 jeunes. La plus grande difficulté du centre est cependant d'ordre matériel et financier, explique le directeur. L'Etat octroie à l'Ecis une subvention annuelle de 30 millions de francs pour 110 enfants. Cette subvention sert à payer les salaires de 10 encadreurs journaliers, soit une enveloppe totale de 405.000francs chaque mois et environ 15 millions Fcfa l'année. Avec le reste de la subvention, il faut entretenir l'établissement, améliorer les conditions de vie et d'hébergement des pensionnaires. Un vrai casse-tête à en croire le directeur. Faites le calcul et vous vous rendrez compte de la misère dans laquelle nous sommes plongés, déplore-t-il. Selon lui, l'école survit grâce aux dons des clubs services, des associations religieuses, des mouvements de jeunesse et des personnes de bonne volonté. Cette année par exemple, de février à avril, poursuit le directeur, les pensionnaires ont bénéficié d'un don de l'Ong Handicap alliance international (Hia). L'inscription dans cette école se fait avant la fin de l'année scolaire auprès du ministère des Affaires sociales. La liste des enfants retenus est acheminée à l'Ecis et ne peut être modifiée ni complétée, selon le directeur. Mais certains parents, par ignorance peut-être, envoient directement leurs enfants dans l'établissement. attend des aides de bénévoles et d'institutions. C'est souvent la mort dans l'âme que nous sommes obligés de ne pas accepter ces enfants malades. Les capacités de l'école sont limitées et nous ne pouvons faire autrement, déplore-t-il. Les locaux conçus pour 110 personnes accueillent aujourd'hui 153 enfants. La vie à l'internat y est pénible. Les pensionnaires internes occupent des lits superposés dans des dortoirs exigus. L'école dispose de 2 latrines et de 6 colonnes de douches pour 75 garçons. Les 36 filles disposent de 2 latrines et 5 colonnes de douche. Les cours débutent à 7h30mn. Imaginez la gymnastique qui est la nôtre tous les matins. La situation est parfois intenable. Il faut veiller à l'entretien de tous ces locaux exigus, que nous avons créés parfois de toutes pièces, pour éviter les maladies. Nous nous organisons de notre mieux pour faire face quotidiennement à tous ces défis, assure le directeur, l'air soucieux. A midi, après s'être restaurés, les pensionnaires externes se reposent dans le hall de l'administration attenant au bureau du directeur sur des nattes à même le sol. La précarité de la situation a amené le directeur et le personnel administratif à solliciter des aides auprès de certaines stars du football ivoirien qui évoluent dans les Championnats étrangers. Une initiative à vite oublier. Nous n'avons pas atteint nos objectifs, relève le directeur. Le cas qui l'a le plus marqué est celui de Didier Drogba, le buteur de Chelsea (club anglais). Le directeur se souvient avec amertume d'une démarche infructueuse qu'il a entreprise pour rencontrer le footballeur. Au sortir d'un séminaire à Lomé (Togo) auquel nous avons pris part grâce à la Fédération ivoirienne de football (Fif), nous avons sollicité une rencontre avec Didier Drogba par l'intermédiaire de Kaba Koné. Nous n'avons pas pu le rencontrer parce que Kaba Koné avait un calendrier chargé. Nous ne demandons pas des billets de banque, mais une aide pour subvenir aux besoins de notre école. Ils peuvent faire des dons en nature et en surveiller eux-mêmes le cheminement et l'utilisation. Nous avons besoin de matériels scolaires, d'ustensiles de cuisine, de portes, de fenêtres et bien d'autres choses qui permettent à cette école d'améliorer ses prestations et offrir un meilleur cadre à ses pensionnaires, propose-t-il. Comme remède à toutes ces difficultés, le directeur veut croire au projet de décret portant organisation et création de l'école des sourds-muets pour en faire un établissement public. Nous bénéficierons alors d'un budget de la part de l'Etat. Ce budget constituerait pour notre école une véritable bouée d'oxygène. Cela voudra dire que nous sommes reconnus comme une école publique et nous bénéficierons des mêmes avantages que les autres établissements scolaires du pays, espère-t-il. Koffi Serges (Stagiaire)

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