samedi 5 mai 2007 par Le Temps

Richard Kadio, Directeur de Campagne de Laurent Gbagbo à Treichville, sort de sa réserve. A travers cet entretien, il dénonce la gestion chaotique du maire François Amichia et invite les populations à opérer un changement.

Depuis quelques jours, on assiste à l'arrivée massive des militants du PDCI de Treichville au FPI. En tant que premier responsable du FPI de la ladite commune, quel sens donnez-vous à ce ralliement?
Il faut dire, aujourd'hui, que force a été pour eux de reconnaître que le Président Laurent Gbagbo est vraiment celui-là qui a un programme pour l'avenir de la Côte d'Ivoire. C'est-à-dire, tout ce qui se passe depuis la guerre jusqu'au aujourd'hui. La conduite des affaires qu'il a menées. A côté, le comportement des responsables de l'opposition. Ces militants du PDCI ont compris que contrairement à leurs responsables, Laurent Gbagbo aime son pays, veut le bonheur des Ivoiriens. D'où leur ralliement. Ils ont aussi compris que le débat interne au FPI est un débat démocratique, ouvert et libre. On peut s'exprimer en toute liberté et en toute égalité. Ils nous ont dit qu'au FPI, la liberté d'expression est la règle.

Les responsables du PDCI parlent de mouvement de quelques frustrés et égarés
Nous en rions. Parce qu'ils ne pouvaient pas dire autre chose. Quand les gens commencent à avoir des problèmes avec leur femme, c'est un peu ce qu'ils disent. Il faut voir le mouvement qui s'est produit le 14 avril dernier. Ce n'était pas deux ou trois personnes. Ils étaient des centaines. Depuis la manifestation, nous sommes invités par les sections du PDCI pour nous faire part de leur ralliement. Plusieurs membres de ce parti, pas n'importe lesquels, s'apprêtent à nous rejoindre. Ils nous disent qu'ils perdaient leur temps au PDCI et que le parti de l'avenir, c'est le FPI.
Vous êtes le Directeur de campagne du Président Gbagbo à Treichville. Ce processus de ralliement auquel vous avez participé, est-il une voie dans le sens de la victoire de votre candidat ?
C'est un des moyens de glaner des ouvriers. La campagne sera rude. Par conséquent, il faut du monde, pour se mettre à la tâche. C'est un moyen également pour avoir des voix. Parce que tous ces militants qui viennent, nous aideront beaucoup.

Croyez-vous sincèrement en ces ralliements ?
Tout à fait. Au début, nous aurons pu penser à une mascarade. Au pire dire que l'adversaire nous envoie des pions, pour voir comment nous allons réagir. Et connaître toutes nos tactiques électorales. Un certain nombre de ces militants nous ont envoyé dans leur foyer. Ce ne sont pas des ralliements qui se font dans la clandestinité. Nous pouvons confirmer la véracité de ces ralliements. Prenant la chose au sérieux, les responsables du PDCI sont descendus sur le terrain pour demander à leurs militants de ne pas partir au FPI. Aujourd'hui, le délégué départemental de Treichville a réuni tous ses responsables de sections. Il a décidé de les payer. Il a promis de leur donner de l'argent, chaque fin de mois. Ce qui ne se faisait pas. Si ces ralliements n'étaient pas vrais, est-ce qu'il allait réunir les autres pour leur faire de telles promesses. Nous disons que ces ralliements sont sincères.

Face à la réaction des responsables du PDCI, quelle est votre stratégie pour encadrer vos nouveaux camarades ?
Nous n'allons pas étaler notre stratégie dans la presse. Nous avons une stratégie pour les garder. Nous nous attendions à la réaction de ces responsables. Nous avons prévenu nos nouveaux camarades. Ce ne pouvait être autrement. Un divorce est toujours difficile. Il faut garder courage et détermination. Nos nouveaux camarades sont déterminés. Ils n'ont pas l'intention de faire volte-face.

Les responsables du PDCI de Treichville soutiennent que leurs militants qui ont rallié le FPI, ont été " achetés " à 200.000 Fcfa. Que répondez-vous ?
Cela nous fait rire. Si nous étions aussi riche, nous commencerons par aider nos jeunes militants. Nous avons eu plus de deux cent jeunes militants qui sont arrivés. 200.000 Fcfa à chacun, vous savez cela fait combien. Il faut les laisser parler. Ils diront toujours des choses. Surtout beaucoup de méchanceté. C'est normal. Ils savent, en le disant justement, qu'ils réalisent de grosses pertes. Il sera difficile pour eux de les combler. Ce sont des histoires qui ne tiennent pas debout.

Au niveau de la direction de campagne, vous avez fait des aménagements. Peut-on en savoir les raisons ?
Nous avons constitué une direction de campagne. Nous avons constaté que des camarades ne participaient pas effectivement aux activités de la direction. Certains restaient chez eux. D'autres prenaient leur titre pour faire autre chose. C'est-à-dire, ils faisaient une campagne pour eux-mêmes. Nous croyons que, pour l'instant, nous sommes en train de faire la campagne du Président Laurent Gbagbo. Nous disons que quand on aura bouclé cette campagne, toutes les ambitions peuvent s'exprimer. Et cela dans un cadre sain. Avec la direction du parti, nous choisirons les candidats aux différentes élections. Mais pour l'instant, il faut se concentrer. Nous n'allons pas perdre notre temps.

Cela ne va-t-il pas créer d'autres problèmes ?
La meilleure façon d'éviter ces problèmes, c'est de parler aux gens. Nous avons fait cette démarche. Mais les gens n'ont pas réagi. Alors nous ne pouvons rester là, sans rien faire. On ne peut faire des omelettes sans casser des ?ufs. Raison pour laquelle, nous avons pris les décisions qui s'imposent.

Quel sera votre objectif dans le cadre de la campagne pour les élections futures ?
Le fait que les élections n'aient pas lieu en 2005 et 2006, nous a un peu émoussé. Parce que nous avions fait un travail de fond. Nous allons reprendre notre bâton de pèlerin. L'objectif principal, c'est de gagner à 65%. La tâche va être moins difficile. Beaucoup de gens aujourd'hui, ont une nouvelle vision.

Quelles vont être les étapes de vos actions ?
Nous allons faire un séminaire, pour mettre en place notre stratégie. Ensuite, nous allons recommencer la campagne de proximité. C'est-à-dire, le porte-à-porte. Une présence permanente sur le terrain.

En tant que Conseiller municipal, quel est votre point de vue sur la gestion de la mairie de Treichville?
Elle est calamiteuse. C'est pourquoi, nous nous levons, aujourd'hui, contre la proportionnelle. De notre point de vue, la proportionnelle était un outil pour permettre aux gens dans les conseils de s'exprimer afin que l'idée la meilleure puisse prospérer. Au niveau du District d'Abidjan, cela marche très bien. Il y a plusieurs partis politiques qui y sont représentés. Quand une idée est bonne, quel que soit le parti, elle prospère. Au niveau du conseil municipal de Treichville, ce n'est pas du tout le cas. C'est la catastrophe.

Soyez explicite
Nous prenons un exemple pour étayer nos dires. Nous avions un problème d'adressage des rues. La personne chargée de faire le projet est du RDR. La facture qu'il a proposée est de 2000.000 Fcfa avec tous les justificatifs. Alors, un conseiller du PDCI lui a dit qu'avec 2000.000 Fcfa, cela n'était pas possible. Il faut qu'il mette 20.000.000 Fcfa. Le lièvre a été levé au cours d'une réunion élargie de la commission Financière et domaniale. Ensemble, nous avons décidé que la mairie ne validerait que la facture de 2000.000 Fcfa. Etant donné que celle de 20.000.000 Fcfa n'avait aucun justificatif. On s'est tous entendu là-dessus. A la réunion du conseil qui a suivi cette entrevue, le maire a estimé que le conseiller RDR s'était trompé. Son prétexte était qu'un tel travail ne pouvait se faire avec 2000.000 Fcfa. Pour lui, le chiffre qui convenait était 20.000.000 Fcfa. A notre grande surprise, les autres membres de notre commission se sont alignés sur la décision du maire. Dès l'instant où on est conseiller municipal, ce n'est pas pour notre parti. On l'est pour la commune. Il n'y a pas que cela. On peut évoquer le cas du Rond point de l'avenue 8.

Qu'est-ce qui s'est réellement passé ?
Au conseil, nous avions voté un budget pour faire du Rond point, une place publique. Nous ne savons pas, jusque-là, si l'argent a été dépensé ou pas. Toujours est-il que le jour où le maire s'est mis à construire, tous les conseillers qui se sont levés pour s'opposer ont été pratiquement hués. Le maire a même constitué un groupe de soutien à ce projet de construction. En définitive, le ministère de la Construction et de l'Urbanisme a tout cassé. Ce qui est normal. Treichville n'a pas évolué.

Comment ?
Nous sommes désolé de le dire. Tous les caniveaux sont toujours remplis. Toutes les rues ne sont pas bitumées après quarante six ans. C'est horrible.

Comment expliquez-vous que malgré tous ces problèmes soulevés, le maire semble bénéficier le soutien de la population ?
C'est un grand communicateur. Il joue sur les esprits des gens à travers les médias. Rien de concret n'a été fait à Treichville. Nous connaissons Treichville. Les gens souffrent.

Quelles solutions pour amener les populations de Treichville à opérer un changement ?
Il faut qu'on leur explique qu'elles ont perdu leur temps avec la bande à Amichia, pendant quarante ans. Il faut qu'elles essayent le FPI. Elles le verront. Treichville va changer.

Beaucoup d'ivoiriens regardent la scène politique avec prudence. Est-ce c'est votre cas ?
Les gens font une mauvaise analyse de la situation. Il ne faut pas s'imprégner seulement de la lettre de l'Accord de Ouagadougou. Mais il faut en avoir l'esprit. Et l'esprit veut qu'on aille à la paix. Nous devons nous mettre en ordre de bataille, pour aller à la paix. Les ex-rebelles ont compris, aujourd'hui, qu'il faut aller à la paix. Parce qu'il n'y a pas d'autre issue. Le contexte national, africain et international est tel, qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de choses qui leur font défaut. La paix est inexorable. On ne peut pas ne pas y aller. Peut-être avec quelques soubresauts.

D'aucuns pensent que cet Accord aurait dû être signé au début de la guerre
Ce n'était pas possible. Il y avait trop de facteurs.

Lesquels ?
Jacques Chirac qui en voulait, à mort, au Président Laurent Gbagbo, sans oublier tous les Présidents de la Françafrique. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu'on signe un tel Accord.

Actuellement, rien n'a changé
Beaucoup de choses ont changé. Chirac, le père de la Françafrique, ne sera plus aux affaires, d'ici le 16 mai. Ce n'est pas un moindre détail. Le père s'en allant, certains fils, même très proches de lui, qui ont des casiers pas très reluisants, n'ont pas intérêt à ce qu'on parle encore d'eux. Aujourd'hui, tout le monde a intérêt à se faire petit. Des gens comme les Obasanjo sont partis. L'Afrique du Sud entre au Conseil de sécurité des Nations unies. On a un autre atout au niveau international. Kofi Annan, l'un de nos pourfendeurs, est parti. Et celui qui l'a remplacé, a une autre vision de la situation de la Côte d'Ivoire. Le contexte n'est plus le même. Le moment était venu, pour se parler. Et les ex-rebelles l'ont compris.

Le chronogramme de Ouaga a pris un retard
Il ne faut pas penser que le chronogramme allait être suivi à la lettre. Laissons les gens travailler. Nous devons aider le Président de la République, initiateur du Dialogue direct, à réussir sa mission. Celle du retour de la paix en Côte d'Ivoire.


Le PDCI tremble

Les responsables du PDCI à Treichville ont le sommeil troublé. Depuis les défections dans leur rang, ils multiplient les rencontres. Ce qui n'était pas le cas, il y a quelques mois. Les militants étaient livrés à eux-mêmes. Personne ne s'occupait d'eux. Aujourd'hui qu'ils ont décidé de tourner le dos au parti cinquantenaire, c'est le branle-bas. Les hommes de Henri Konan Bédié, sur le terrain, voient dans cette défection, la chute de leur pouvoir. D'ailleurs, ils ont sollicité le soutien de leur direction. Un meeting, dit géant et de clarification, est prévu dans les jours à venir. " Nous ne pouvons pas accepter cela, s'insurge t Simon Kouamé, militant de base. C'est un affront que nous devons laver. Nos militants ne peuvent pas nous abandonner au moment où nous avons le plus besoin d'eux. Il faut que la direction intervienne le plus rapidement. Au départ, nous avons minimisé ces départs. Mais aujourd'hui, c'est une réalité ". Dans les cercles proches du PDCI, des voix s'élèvent pour attaquer les militants dissidents qui sont partis. Ils parlent de trahison, lorsqu'ils n'accusent pas le FPI de faire du débauchage. " Ce n'est pas bien ce que fait le parti au pouvoir, entend-on dire. Il veut nous ramener à l'ère du parti unique. Nous n'allons pas l'accepter. Le débauchage n'est pas un programme de gouvernement ". Du côté des responsables du FPI, on ne sent pas concerné par ces accusations ridicules. " Nous sommes au travail, soutient Souleymane Timité, fédéral JFPI chargé de Treichville, pour faire élire notre champion, Laurent Gbagbo. Nous sommes ouverts à tous ceux qui peuvent nous permettre d'atteindre cet objectif. Le reste n'est que de la distraction. ". Ibrahim Ouattara, Chef de cabinet de la direction de campagne de Gbagbo à Treichville abonde dans le même sens : " C'est de bonne guerre. Un parti politique cherche toujours à élargir sa base. Il est encore plus heureux, si cette base provient de chez l'adversaire. Ça veut dire que son message a été compris ". A côté de cela, certains responsables du PDCI, à Treichville, plus consciencieux, estiment que la faute revient à tout le monde. Selon ceux-ci, il ne faut pas accuser le FPI. " Au lieu de chercher à savoir ce qui se passe réellement, affirment des secrétaires de section qui ont requis l'anonymat, on veut noyer le poisson. La défection est une réalité. Tous nos militants veulent partir. Nombreux sont déjà partis. Il ne faut pas que nous jetions l'anathème sur les autres. Au PDCI, nous ne nous remettons jamais en cause. Après le coup D'Etat de 1999, nous ne nous sommes jamais assis, pour tirer les leçons".
Y. Gbané

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