samedi 5 mai 2007 par Le Front

Le rapport de l'Union européenne sur la filière café ?cacao a trait à toutes les organisations dudit secteur. Après la Bourse café-cacao, aujourd'hui nous vous proposons de larges extraits sur le disfonctionnement du fonds de régulation et de contrôle (Frc qui est passé au peigne fin dans cette étude diagnostic. Le troisième partie du rapport sera consacrée le lundi à la gestion du fonds de développement et de promotion du café-cacao (Fdpcc).


PRESENTATION DU FRC
Missions du FRC

Conformément à l'article 3 du décret 2001-668 du 24 octobre 2001 intégralement reproduit dans l'article 3 des statuts, les missions dévolues au FRC sont les suivantes :
La signature, conjointement avec la BCC, des engagements d'exportation avec les exportateurs.
Le contrôle de la situation financière des exportateurs et le suivi de leurs
engagements à l'égard de la BCC, comme du FRC.
L'établissement et la publication d'un barème qui permette de définir, à partir du prix Coût-Assurance-Frêt (CAF) de référence, le prix indicatif bord-champ, en liaison avec la BCC.
La régulation financière, conformément aux dispositions de l'article 14 de
l'ordonnance 2001-666 du 24 octobre 2001 et la gestion de la trésorerie.
La réalisation, le cas échéant, des garanties, dont sont assortis les engagements
d'exportation et les agréments des exportateurs.
La communication à l'ARCC de toutes informations relatives aux violations par les exportateurs de leurs engagements contractuels.
La promotion des petites et moyennes entreprises exportatrices et des
coopératives exportatrices.
La promotion de la qualité des produits de la filière.
La poursuite, par toute voie de droit, du recouvrement des sommes dues, au titre des engagements d'exportation.
La perception pour son compte et pour ceux de l'ARCC et de la BCC des
redevances prélevées sur les produits de la filière, en contrepartie de leurs
prestations.
Les missions du FRC concernent donc en priorité :
La gestion de la trésorerie des structures de la filière cacao / café et la
centralisation des prélèvements effectués à leur profit, sauf exception
réglementaire regardant l'ARCC.
L'aménagement, en liaison avec la BCC, des relations financières et
commerciales à établir avec les opérateurs.
Il est en outre spécifié par l'article 6 du décret 2001-668 du 24 octobre 2001 que :
Des conventions entre l'Etat et le FRC précisent, en tant que de besoin, la nature des missions et des fonctions de régulation et de contrôle ainsi que les modalités de leur exercice.
Ces conventions prennent la forme de concessions de service public approuvées par décret, lorsque la mission ou les fonctions confiées doivent être qualifiées de service public ou d'intérêt général.
Diagnostic des organisations et des procédures de la filière café-cacao de Côte d' Ivoire.

L'absence de transparence comptable
Il existe une carence grave en matière de transparence comptable. Les rédacteurs du présent rapport ont constaté le caractère superficiel du rapport d'activité 2003 présenté à l'AG du 2 septembre 2004, mais ils n'ont pas non pas eu accès aux rapports des commissaires aux comptes.
L'absence de transparence avait déjà été constatée par l'audit des flux financiers réalisé par le cabinet IDC en 2003-2004. A cette occasion, malgré les injonctions des ministres membres du CIMP, le FRC n'a pas accepté de présenter les documents comptables qui lui étaient demandés.
Le FRC met en avant son statut de personne morale de droit privé d'un type particulier pour opposer à ce genre d'investigation une fin de non recevoir et manifester ainsi son indépendance par rapport aux autorités administratives. De la sorte, il veut oublier que son autonomie est financée par des fonds collectés en vertu des textes réglementaires.
Ceux-ci ne perdent rien de leur caractère de deniers publics soumis aux règles légales, qui devraient les rendre justifiables d'un contrôle de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême autant que d'un cabinet d'audit.

Les dysfonctionnements de la gestion de la réserve de prudence
Par arrêté conjoint 174 du 16 octobre 2001 déterminant les modalités de constitution d'une Réserve de Prudence (RP) destinée à contribuer à garantir un prix minimal aux producteurs, il avait été institué un prélèvement sur la filière à titre de redevance. A titre provisoire, il était spécifié que les sommes considérées seraient perçues par l'ARCC et déposées sur un compte séquestre, à la BCEAO. Les modalités de fonctionnement de ce compte séquestre devaient être définies par arrêté conjoint des quatre ministres, parties au CIMP.
Par lettre au directeur de la BCEAO, en date du 9 janvier 2002, les ministres de
l'Agriculture et de l'Economie et des Finances ont confirmé que les comptes de la Réserve de Prudence ne pouvait être mouvementés que sur ordre conjoint de ces ministres. Ceci n'a pas empêché les dérives ci-après signalées.
Pourtant, en pratique, les transferts opérés sur le compte séquestre sont ordonnés par lettres signées conjointement par les seuls ministre de l'Economie et des Finances et ministre de l'Agriculture.
En outre, l'Inspecteur Général d'Etat Kouadio a révélé dans son rapport, qu'en 2002 une partie des ressources de la Réserve de Prudence a été transférée de la BCEAO à la Banque Nationale d'Investissement (BNI, ancienne Caisse Autonome d'Amortissement, CAA), en contravention avec l'arrêté conjoint 174 du 16 octobre 2001.

Relevé de certains décaissements contestables
La contribution du FRC à l'effort de paix, fixée à l'origine à 10 milliards de francs CFA, puis élevée à 30 milliards. Aucune décision du Conseil d'Administration n'avait autorisé ce décaissement qui n'entre pas exactement dans les missions, compétences ou attributions du FRC. Le Conseil n'a été informé que partiellement par la suite, de ce décaissement. L'opération devait montrer que sur le montant de 30 milliards de francs CFA, une dépense de 8 milliards n'était assortie d'aucune pièce justificative.
Un prêt de 200 millions de francs CFA avait été consenti à l'ARECA pour ses travaux de démarrage. Le prêt était assorti d'une résolution du Conseil d'Administration invitant à son remboursement, mais qui n'a pas été suivie d'effet.
Lors de la campagne 2003/2004, le Président du Conseil d'Administration a consenti un décaissement de 10 milliards de francs CFA, ensuite élevé à 26 milliards au profit du FDPCC, après débit du compte Réserve de prudence ouvert à la CCA et crédit du compte FDPCC . L'opération que le Conseil d'Administration, n'avait pas autorisée et dont il devait être informé à posteriori, tendait à l'amorçage de l'achat des produits aux producteurs. Le FDPCC a considéré la somme ainsi allouée comme un don, alors que le directeur général du FRC voulait y voir un prêt, mais sans être en mesure d'en faire la preuve par une pièce justificative établie à cet effet.
Le Directeur Général du FRC a procédé à la signature directe d'un partenariat avec la Caisse Autonome d'Amortissement et Audit Cabinet Entreprise (ACE), dont l'examen renvoyé à une séance ultérieure n'est jamais revenu devant le Conseil d'Administration pour analyse et autorisation. Un prêt de 200 millions de francs CFA a été consenti à la société Motoragri , au taux de 3,5%, sans autorisation du Conseil d'Administration.
La création d'une société d'aménagements ruraux et d'équipements de mécanisation agricole (SAREM) a été financée sur fonds de la Réserve de prudence, sans accord du Conseil d'Administration et contrôle du CIMP.7
7 Concernant les différents paragraphes qui précèdent (4.2.3), les sources d'information sont les suivantes :
Lettre du Ministre de l'Agriculture à la Présidente du Conseil d'Administration du FRC en date du 28 avril 2004 (n°1162 MINAGRI/CAB 2)
Lettre du Ministre de l'Agriculture à la Présidente du Conseil d'Administration du FRC en date du 6 mai 2004 (n°1182 MINAGRI/CAB 2)
Lettre du Ministre d'Etat (MINAGRI) au Ministre d'Etat (0085 MINAGRI CAB/OA) en date du 6 août 2004.
Lettre du Ministre de l'Agriculture et des Finances à la Présidente du Conseil
d'Administration du FRC en date du 12 août 2004 (0092)
Saisine du CIMP pour avis sur acquisition par le FRC de DAFCI par le Commissaire du Gouvernement du FRC en date du 6 août 2004.
Une série de ces actes pourraient constituer des infractions pénales. Il s'agira des
infractions relatives à la gérance, à l'administration et à la direction des sociétés (articles 889 et suivants de l'AUSCGIE), et les infractions au contrôle des sociétés, (articles 897 et suivants de l'AUSCGIE concernant les commissaires aux comptes), articles qui prévoient les incriminations, et au droit pénal interne, lequel complète l'AUSCGIE et prévoit les peines applicables.

Des investissements contestables
Le dossier BFA .
La Banque pour le Financement de l'Agriculture (BFA) s'est constituée en 2003 grâce à un apport en capital de la part du FRC. Ceci n'est pas conforme aux dispositions statutaires du FRC. En outre, il n'est pas correct que les ressources de la Réserve de prudence, qui auraient dues être conservées dans le compte séquestre tant que ses modalités de gestion n'étaient pas définies, puissent être immobilisées de cette façon. Les auteurs du rapport regrettent de n'avoir pas eu l'occasion de trouver le rapport de la Commission bancaire concernant l'agrément de la BFA.

Le dossier Fulton.
La Présidente du Conseil d'Administration du FRC a engagé le Conseil, sans prendre au préalable son avis, dans une opération d'achat, de l'ordre de 9 milliards de francs CFA, concernant une usine aux Etats-Unis, qui appartenait à la société Nestlé et se situait à Fulton, Comté d'Oswego dans l'état de New York. Le dossier avait été présenté par un conseiller spécial du chef de l'Etat, Monsieur Jean Claude Amon. Les administrateurs et le conseiller du gouvernement ayant fait part de leurs préoccupations, le Conseil d'Administration avait subordonné l'envoi, ou non, d'un mandataire du FRC aux USA à l'examen préalable des documents relatifs à l'acquisition de l'usine de transformation du cacao de Fulton lors d'un premier conseil d'administration le 29 janvier 2004.
Convoqué verbalement, le 15 mars 2004 pour statuer sur le dossier, alors que certains administrateurs n'avaient pas été régulièrement conviés à la séance, le Conseil d'Administration a autorisé par 5 voix contre 4 l'achat de l'usine. Le contrat d'achat a été signé entre la société américaine et l'Etat de Côte d'Ivoire.
Le 5 avril suivant, conformément à l'article 27 des statuts du FRC, le commissaire du gouvernement a exercé son droit de suspension de prise de décision sur les questions relatives aux dossiers Fulton et Banque pour le Financement de l'Agriculture (BFA), afin d'être en mesure de consulter le CIMP.
Le CIMP s'est posé des questions qui sont restées sans réponses à propos des qu'avait Nestlé de vendre, de l'âge de l'usine et du matériel, des capacités managériales de l'équipe ivoirienne dans un milieu anglophone, de la position du produit à fabriquer sur le marché américain, de l'intérêt des producteurs de la filière, des moyens de financement de l'opération et des investissements de démarrage nécessaire. Ce qui n'a pas empêché que soient nommés des administrateurs de l'usine de Fulton à la date du 15 avril 2004 et que le conseiller spécial du chef de l'Etat soit désigné comme son directeur général.
Le CIMP a décidé en sa séance du 19 avril 2004 l'annulation pure et simple de toute prise de décision éventuelle sur le dossier Fulton , a compter de la date d'exercice du droit de suspension du commissaire du gouvernement. Dans une lettre au Premier ministre du 6 mai 2004, le ministre de l'agriculture envisageait deux solutions possibles :
Soit l'abandon pur et simple, en raison des graves insuffisances du dossier.
Soit, dans l'hypothèse de la poursuite du projet, la nécessité pour la BNETD de mener à son terme l'étude de rentabilité et, pour le CIMP, de donner des orientations en ce qui concerne les instances de direction de la nouvelle société.
L'affaire n'est pas dénouée, et pourrait faire l'objet de procédures judiciaires, mais un bref examen des évènements et des décisions en sens contraire, qui ont marqué sa chronologie depuis 2003, montre bien les difficultés auxquelles se sont heurtés le CIMP et le commissaire du gouvernement.

Le dossier DAFCI .
Par courrier en date du 6 août 2004, le commissaire du gouvernement auprès du FRC avait indiqué à la Présidente de son Conseil d'Administration qu'il entendait confirmer son droit de suspension de prise de décision dans le dossier d'acquisition des droits sociaux de la société DAFCI (Bolloré°), avant consultation du CIMP. Il lui rappelait que la saisine du CIMP contraignait le Conseil d'Administration à surseoir à toute décision.
Ayant appris le 9 août 2004, qu'en dehors de sa présence, le Conseil d'Administration avait autorisé l'acquisition par le FRC des droits sociaux de la société DAFCI, au mépris de son droit de suspension, le commissaire du gouvernement avait immédiatement saisi le président du CIMP de la question. Par lettre conjointe référencée 0092 en date du 12 août suivant, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'agriculture avaient notifié à la Présidente du Conseil d'Administration la décision du CIMP de suspendre
toute transaction afférente à l'acquisition des droits sociaux de la société DAFCI par le FRC.
Dans sa réponse en date du 23 août 2004, la Présidente du Conseil d'Administration a fait savoir aux deux ministres d'Etat concernés :
Que si le commissaire du gouvernement auprès du FRC, qui n'a pas voix de
délibérative, avait émis des réserves au sujet de la transaction projetée, le
Conseil d'Administration n'en avait pas moins décidé cette acquisition ;
Que cette acquisition devait permettre au FRC d'assurer ses missions de
couverture du prix à terme et de risque physique, afin de sécuriser un prix plus
rémunérateur en faveur des producteurs ;
Que la transaction ayant été effectuée ne pouvait pas être défaite ;
Que les informations complémentaires pouvaient être adressées aux ministres
destinataires de la réponse et que l'instance de direction du FRC se tenait à leur
disposition.
En indiquant que le commissaire du gouvernement avait émis des réserves sur la transaction, la Présidente du Conseil d'Administration élude la réalité du droit de suspension de la prise de décision, qu'il avait exercé. Ce qui illustre le fait que dans la gestion de ce dossier, les instances de direction du FRC ne se sont pas souciées de respecter les procédures statutaires ni de se conformer à l'avis défavorable du CIMP.

Illégalité des pratiques
Elles concernent tant les conseils d'administration dans la convocation de ses membres que les modalités des décisions qui y sont prises ou qui devraient y être prises et qui sont prises en dehors des instances statutaires, le non renouvellement des mandats d'administrateurs, bref un ensemble de pratiques contraires aux statuts, à la loi applicable si on la connaissaiten tous cas aux lois qui sont normalement applicables comme la loi bancaire et l'OHADA.
Les dysfonctionnements de la réserve de prudence et les décaissements ou prises de participation illicites sont autant de signes de pratiques non-conformes au droit. On peut avoir a fortiori des doutes sur le respect de la législation sur les conventions réglementées soumises à autorisation préalable du Conseil d'Administration, si celui-ci ne fonctionne pas. Il en est de même la mise en ?uvre du contrôle des comptes. Sur ce point comme sur
celui de la mise en ?uvre du contrôle des comptes, la résistance à communiquer les documents génère les plus grands doutes et réserves.
Les irrégularités sont telles que ses conséquences sont d'ordre pénal. Des sanctions sont envisageables contre les gestionnaires du FRC car ils ont causé de multiples et graves préjudices aux producteurs. Mais l'Etat pourrait aussi porter plainte puisqu'il est membre de l'AG et du CA. Le défaut d'action des administrateurs de société, en droit commun, entraîne leur responsabilité civile et pénale éventuellement, lorsque ces administrateurs ont laissé perdurer des situations et des actes illicites. Il en est de même des commissaires aux comptes pour lesquels les statuts (art. 30 et ss.) renvoient même à l'OHADA, donc aussi à la saisine du Procureur de la République en cas de constatation d'irrégularité.

Les manquements à la loi bancaire
Il n'a pu être constaté l'observation par le FRC de dispositions obligatoires de la loi bancaire. Au cours de notre mission, il est apparu que la communication d'informations sur la gestion du FRC était très difficile.
On n'a ainsi pu connaître si avaient été effectuées un certain nombre d'opérations comme :
L'obtention de la Banque Centrale, d'un agrément conformément à l'article 8 de la loi cadre portant réglementation bancaire.
l'inscription sur la liste des établissements financiers, et la publication au Journal Officiel de la RCI, conformément à l'article 9 de la loi-cadre portant réglementation bancaire. Cette publication vérifiable sans la collaboration du FRC, n'a pas été faite.

Le dépôt et la tenue à jour auprès de la Commission, de la liste des personnes exerçant des fonctions de direction, d'administration ou de gérance.
La tenue à son siège social, principal établissement ou agence principale, d'une comptabilité particulière des opérations qu'il traite, et celle de ses comptes sous une forme consolidée, conformément aux dispositions comptables et autres règles arrêtées par la Banque Centrale, conformément à l'article 39 de la loi portant réglementation bancaire.
La communication des comptes avant le 30 juin de l'année suivante, à la Banque Centrale et à la Commission Bancaire dans les délais et conditions prescrits par celles-ci.
Leur certification de réguliers et sincères par un ou plusieurs commissaire(s) aux
comptes, choisi(s) sur la liste des commissaires aux comptes agréés par la Cour
d'Appel ou tout autre organisme habilité en tenant lieu.
La soumission du choix du commissaire aux comptes à l'approbation de la
Commission Bancaire.
la publication des comptes annuels du FRC au journal officiel, conformément à l'article 40 de la loi-cadre portant réglementation bancaire.
L'établissement, en cours d'exercice, des situations selon la périodicité et dans les conditions prescrites par la Banque Centrale. la communication des situations à cette dernière et à la Commission Bancaire, conformément à l'article 41 de la loi-cadre portant réglementation bancaire.
On n'a pu constater que les opérations du FRC avaient été réglementées par décret après avis conforme de la Banque Centrale, conformément à l'article 37 de la loi-cadre portant réglementation bancaire.
Il s'agirait, dès lors d'autant de violations d'une législation supérieure à la loi interne, puisque prise sur la base d'engagements internationaux, et le silence gardé par le FRC sur ces questions posées n'incite pas à penser que ces règles ont été observées.

L'absence de base légale de la réserve de prudence
La Réserve de Prudence (R.P) est instituée par un arrêté (n°174 du 16 octobre 2001) mais elle n'était pas prévue par une loi ou une ordonnance L'ordonnance 2000/583 modifiée ne dispose rien à cet effet, pas plus que le décret 2000/751 du 10 octobre 2000 portant création de l' ARCC, pas plus que les statuts annexés audit décret. En toute hypothèse, une telle disposition aurait due être prise par une disposition législative.
En outre, il existe une lacune manifeste dans la définition de ses modalités de gestion et même dans la définition de ce à quoi elle doit servir. On notera qu'il n'a pas été retrouvé trace d'un arrêté conjoint du Ministre de l'Economie et des Finances, du Ministre de l'Agriculture, du Ministre du Commerce, et du Ministre de l'Industrie et de la Promotion du secteur privé, qui devait être pris sur proposition des structures de régulation en vue de définir les modalités de fonctionnement de ce compte séquestre.
(Voir le rapport IDC sur l'audit des flux financiers p36/p51, Chapitre III 70 : Chèque
Réserve de prudence remis sur un compte BCEAO intitulé Réserve de Prudence Café/Cacao ouvert par lettre du 26 octobre 20001 du MINAGRI.)

L'emploi des ressources du FRC et leur régime financier.
Le financement de la structure est assuré par des prêts et emprunts, dons legs, ou
toute autre source qui peut lui être affectée conformément aux textes en vigueur,
aux termes de l'article 7 des statuts. Mais il provient avant tout de la redevance
fixée à l'article 4 du décret 2001-668 du 24 octobre 2001, conformément à
l'article 1er de l'ordonnance 2001-46 du 31 janvier 2001.
Perçue sur chaque Kg des produits exportés, son budget, comme celui de
l'ARCC et de la BCC, est établi au regard des prélèvements sur redevances
allouées par l'Etat, beaucoup plus qu'en fonction de ses besoins effectifs, tant en
fonctionnement qu'en investissement.
De la sorte, le montant des ressources disponibles se révèle le plus souvent
excédentaire par rapport aux tâches à remplir et aux missions à effectuer. Ce qui
conduit parfois à l'engagement de dépenses contestables ou superflues (confère
ci-dessus les développements sur les engagements et les prises de participation
contestables).
L'article 29 des statuts spécifie que le résultat bénéficiaire net de l'exercice
déduction faite des frais généraux, amortissements et provisions pour risques est
affecté et réparti de la façon suivante :
Prélèvement de 50% pour constitution du Fonds de Réserve ;
Report à nouveau du solde ou affectation par l'Assemblée Générale
conformément à l'objet du FRC.
Il est à remarquer que le régime statutaire des comptes du FRC admet la
possibilité de dépenses extérieures à l'objet social de la structure, pris en son
sens strict. En effet :
L'article 19 interdit toute distribution des résultats à quelque personne que ce soit, mais fait une exception pour tout organisme d'intérêt général ou de service
public, extérieur au FRC, qui serait dévolu à la gestion des intérêts des
producteurs de la filière cacao et café.

L'article 21 prévoit que certaines décisions du Conseil d'Administration ne
peuvent être prises qu'en appliquant un certain mode de majorité, quand
l'accroissement du budget s'élève au dessus d'un montant donné et concerne des
dépenses dont la finalité n'est pas en rapport étroit avec l'objet du FRC.
La combinaison des dispositions particulières des articles 29 et 21 des statuts aboutit à une situation qui, non seulement ne se conforme pas à l'Acte Uniforme, mais aurait pour conséquence que le FRC serait habilité à employer ses ressources pour financer des organismes ou des opérations étrangers à son objet social. Le fait qu'il s'agirait d'organismes ou d'opérations de service public ou d'intérêt général dévolus à la filière cacao et café ne peut justifier en droit une telle déviance qu'il conviendra de supprimer à l'occasion de la révision des statuts du FRC ou d'une réforme de sa structure.
Les dispositions statutaires concernant le conseil de surveillance et le commissaire du Gouvernement sont en contradiction patente avec l'Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales. Les règles de l'OHADA sont d'ordre public, sauf disposition ou autorisation contraire expresse, selon l'article 2 de l'AUSCGIE.

Les conséquences de l'absence de base légale du FRC
Lorsque des institutions fonctionnent sans base légale, tous leurs actes et décisions peuvent être mises en cause. L'article 916 aliéna 2 prévoit dans les cas de sociétés assujetties à un régime particulier (par des dispositions législatives) que :
Les clauses des statuts de ces sociétés, conformes aux dispositions abrogées par le présent Acte uniforme mais contraires aux dispositions du présent Acte uniforme et non prévues par le régime particulier desdites sociétés, seront mises en harmonie avec le présent Acte uniforme dans les conditions prévues à l'article 908 du présent Acte uniforme
C'est-à-dire que dans un délai qui expirait le 31 décembre 1999, deux ans après l'entrée en vigueur de l'AUSCGIE, devaient être mis en harmonie les statuts des sociétés alors existantes. La sanction prévue, à défaut de mise en harmonie des statuts avec les dispositions de l'Acte uniforme était la suivante: les clauses statutaires contraires aux dispositions de l'Acte uniforme seront réputées non écrites.
On rappellera aussi, que les engagements internationaux de la Côte d'Ivoire sont mis en cause par ces règlements et statuts non conformes au droit d'intégration régional. En effet l'article 10 du Traité de Port Louis, dispose que :
Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure .
La conséquence est la nullité des actes pris par ces organismes constitués sans base légale. Au mieux, les actes émanant d'organes dont l'existence n'est pas ou plus légale, ou prises selon des procédures illégales et non conformes aux règles de droit normalement applicables devraient être déclarés nuls

ANALYSE DE PERTINENCE
L'absence de justification de l'existence du FRC
Le FRC n'a pas de raison d'être tant que les modalités de gestion des ressources mises à sa disposition n'ont pas été définies. Si un arrêté pris pour constituer la réserve de prudence a bien été pris le 16 octobre 2001, les modalités de fonctionnement du compte séquestre n'ont jamais fait l'objet d'un règlement prévu, à savoir un arrêté des quatre ministres membres du CIMP confère le point 4.2 ci-dessus). Or les dérives constatées, décaissements irréguliers et contestables et investissements également qualifiés avec pudeur de contestables, ont prouvé la nécessité d'un cadre réglementaire précis. Les objectifs affichés dans l'ordonnance n°200-583 modifiée, les principes de transparence et d'intérêt de la filière, n'ont ostensiblement pas été respectés.

Le caractère d'établissement financier du FRC
Le FRC est mi-public, mi-privé, puisque l'Etat siège dans son AG et son CA. Il devrait s'agir d'un établissement financier privé placé sous le strict contrôle des institutions monétaires nationales et régionales.
Le statut de société d'économie mixte n'est pas pertinent, comme l'a montré l'échec de la Nouvelle CAISTAB, et parce que la politique officielle est de désengager la responsabilité financière de l'Etat.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La nature et le régime du FRC, se traduisent par des pratiques illégales, un cadre
juridique et des statuts incohérents, qui caractérisent un FRC dont l'existence même n'apparaît pas justifiée. Au surplus, certains actes du FRC relèvent du droit pénal. On ne peut dès lors que recommander sa suppression, suivie d'une réflexion de stratégie quant à l'exercice des missions qu'il avait vocation à exercer.
Le FRC devrait immédiatement être mis en liquidation, à cause de la mauvaise gestion mais également à cause de l'illégalité de ses statuts, de l'absence de base légale du décret l'instituant et de ses pratiques. Il ne devrait pas être recréé d'institution de régulation financière avant que les opérateurs du secteur se soient mis d'accord sur un mécanisme de gestion de l'épargne du secteur. La constitution éventuelle d'une nouvelle institution de régulation financière devrait être soumise au strict contrôle des institutions monétaires nationales et régionales.
Il relève cependant du législateur de décider si la contribution des opérateurs à un tel mécanisme doit être rendue obligatoire ou volontaire.

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