jeudi 26 avril 2007 par Le Nouveau Réveil

C'est au peuple ivoirien qu'on doit demander pardon?
Le ministre de la Réconciliation nationale, pour nous faire admettre et partager la nécessité du pardon qui désormais doit s'instaurer dans notre pays faisait remarquer que nous ne gagnerions rien à vouloir nous venger les uns des autres.
Car le pardon doit transcender les frustrations et les offenses les plus amères. Faisant sans doute l'écho au ministre, Fraternité Matin, dans sa parution du lundi 16 avril, écrit sous la plume de monsieur Jean-Baptiste Akrou : " Et maintenant chacun doit accepter de pardonner :
Le PDCI doit accepter de pardonner le coup d'Etat de 1999 ;
Le RDR doit accepter de pardonner les humiliations faites à Ouattara et à ses militants ; Le FPI doit accepter de pardonner le coup d'Etat du 19 septembre 2002 qui s'est mué en rébellion ;
L'UDPDCI doit accepter de pardonner la mort tragique de Guéi ;
Tous ceux qui ont été victimes de l'ivoirité, de l'exclusion, de la xénophobie, du délit de patronyme ou de religion doivent accepter de pardonner. Pardon, pardonnez à ceux qui vous ont offensés ! " Le pardon qu'on demande à celui à qui on a fait du tort et le pardon qu'on accorde à celui qui nous a causé des torts sont indispensables pour la vie en société et l'harmonie entre les hommes. Les Baoulés par exemple disent que seul le pardon (demandé et accordé) règle toutes les querelles, tous les conflits.
Dans nos sociétés traditionnelles de gros et grands efforts sont faits pour éviter justement de provoquer des querelles et créer des conflits. N'est-ce pas le sens de ces liens interethniques qu'on galvaude aujourd'hui souvent pour se donner bonne conscience sans réellement adopter des attitudes allant dans le sens de la tolérance et de l'apaisement ?
Celui qui a dit que " la paix n'est pas un mot mais un comportement " n'a pas sorti cela ex nihilo, mais s'est fondé sur les pratiques et la sagesse du terroir. Le peuple auquel il appartenait prenait en effet soin d'éviter de créer, de construire le " tché " qui peut littéralement se traduire par " barrage " ou tout simplement " obstacle " mais qui serait mieux rendu par " précédent " Il fallait absolument, dans son comportement et ses propos de tous les jours, éviter de créer le dangereux précédent dont soi-même et l'ensemble de sa communauté auraient à répondre et à rendre compte. Parce que ce " précédent " ce " barrage ", cet " obstacle ", brisent l'harmonie au sein du groupe et entre les groupes et établissent désormais des relations confligènes et même conflictuelles. C'est pourquoi il fallait prendre le temps de la réflexion avant de poser un acte, c'est pourquoi lorsqu'un problème surgit ou lorsqu'on vous porte un litige, vous seriez un mauvais élément, ou si vous êtes un chef, un mauvais chef si vous vous empressez de donner immédiatement une solution, fut-elle la bonne. L'AUTEUR DU TORT ? POURQUOI LE TORT A ETE CAUSE ?
On répondra invariablement " j'ai compris (ou plutôt j'ai entendu) mais " je vais prendre du recul " ou alors " je vais me coucher pour réfléchir. " En d'autres termes la nuit porte conseil.
On ménagera son adversaire (ou ennemi) du moment pour que la situation ne s'envenime pas. Et lorsqu'on finit par rendre sa décision, il est rare qu'elle ne satisfasse pas les deux parties.
Insister sur la nécessité du pardon est d'une importance capitale et nous ne pouvons qu'être d'accord avec le ministre de la Réconciliation Nationale et avec ce qu'a écrit Fraternité Matin.
Tout simplement parce que comme mentionné plus haut, c'est le pardon qui met fin à toutes les querelles et à tous les conflits.
Il y a cependant lieu de retenir qu'il s'agit du pardon demandé et accordé. Or, le hic en ce qui concerne la crise ivoirienne se trouve justement dans les modalités du pardon. On demande à ceux à qui on a causé des torts et qui ont subi des humiliations et frustrations incommensurables d'accorder un pardon général et impersonnel à des personnes sans visage.
Ainsi, pêle-mêle on ne saura jamais :
- qui est l'auteur du tort qui a été causé
- pourquoi le tort a été causé
Ipso facto, la personne qui a causé le tort n'étant pas identifiée, aucun acte de repentance ne sera posé qui donnerait à croire que cette personne qui a fait sciemment ou inconsciemment du mal à un autre regrette son geste et demande SINCEREMENT pardon.
Or, à notre sens, procéder ainsi c'est mettre la charrue avant les b?ufs, décider définitivement qu'on ne sache jamais pourquoi tant de malheurs nous ont frappés et permettre à certains d'avoir le beurre et l'argent du beurre pour continuer à narguer les autres parce qu'ils se croient intouchables. Une illustration de cette situation est la façon désinvolte et cavalière dont madame le député d'Abobo parle du boycott actif de 1995. Pour cette dame, le FPI a certes lancé le mot d'ordre du boycott actif mais cet ordre aurait été levé dès que le Front Populaire Ivoirien a constaté qu'il y avait des dérapages et particulièrement des destructions de biens, des expropriations, des expulsions et des morts d'homme.
C'est à croire que nous ne vivons pas tous en Côte-d'Ivoire.
Nous savons en effet que pendant des semaines entières, les populations allogènes baoulé de la région de Gagnoa ont été pourchassées, dépossédées de leurs biens, massacrées par les autochtones sans que le FPI et son président d'alors lèvent le moindre petit doigt pour stopper le carnage. Au contraire, au lieu de manifester le moindre regret, monsieur Laurent Gbagbo, président du FPI a eu ces mots terribles : " J'ASSUME ! " Ainsi, pour la première fois en Côte-d'Ivoire, notre pays connaissait des réfugiés entassés dans des CAFOP.
Nombre d'allogènes n'ont eu la vie sauve qu'en rejoignant leur région d'origine. Si tant est que, comme veut le faire croire madame le député, son parti voulait éviter des drames, pourquoi le président d'alors du FPI, lorsque ses " frères " sont venus lui demander ce qu'il fallait faire, a tout simplement répondu : " vous savez ce que vous devez faire ? " N'était-ce pas plutôt un message codé pour les spoliations et les massacres ?
PARDONNER LE COUP D'ETAT DE 1999 ?
Madame le député n'aurait-elle pas été mieux inspirée en demandant tout simplement pardon au lieu de nous servir ces contre-vérités inadmissibles et abjectes ?
Concernant la crise ivoirienne, on demande au Président BEDIE et au PDCI de pardonner le coup d'Etat de 1999 sans même chercher à connaître les auteurs du coup d'Etat et les causes de ce coup d'Etat. On feint d'oublier que certains ont qualifié le coup d'Etat de 1999 d'acte républicain ", d' " autres d'action pour faire avancer la démocratie ", d'autres enfin de " révolution des ?illets. "
N'y a-t-il pas lieu de penser que ceux qui tenaient ces propos sont les auteurs véritables du coup d'Etat qui doivent avoir le courage d'assumer leur acte dont la rébellion n'est qu'une des conséquences ?
S'ils se dévoilent et nous disent ce qui les a conduits à perpétrer le coup d'Etat, peut-être qu'on relèvera qu'ils ont eu raison de le faire et dans ce cas, c'est le Président BEDIE et le PDCI qui leur demanderaient pardon de même qu'à la nation.
Réclamer que le Président BEDIE et le PDCI accordent ce pardon de façon générale et impersonnelle parce qu'on a peur de présenter le visage des véritables auteurs du coup d'Etat c'est reconnaître implicitement que ledit coup d'Etat était sans objet et n'avait pas lieu d'être. QUI A TUE GUEI ET POURQUOI ?
Il se trouve que jusqu'à présent personne n'a endossé la paternité du coup d'Etat qui reconnaîtrait sa " connerie " et demanderait pardon au pays. Le général Guéi a toujours soutenu en effet qu'il était dans son village et qu'on est allé le chercher pour être le patron du CNSP. Concernant donc le coup d'Etat du 24 décembre 1999, il est indispensable que ceux qui l'ont perpétré se fassent connaître et demandent humblement et publiquement pardon.
C'est alors que les innombrables victimes de cet acte ignoble pardonneront à leur tour du fond du c?ur à ceux qui les ont ainsi mortellement blessés. Concernant la mort du général Guéi, il faut également que nous sachions qui l'a tué et pourquoi on l'a tué. Le pardon suivra alors. Le meurtrier de s?ur Anuarite, religieuse congolaise assassinée pendant la guerre civile du Congo Leopolville dans les années 1960 a reconnu les faits et demandé pardon à la famille qui le lui a accordé. Nous insistons sur le fait que le pardon doit être demandé, parce qu'il y a repentance, et obtenu. DU RESPECT DE L'ADVERSAIRE Lorsque les torts sont partagés, le pardon doit être mutuel et sincère mais toujours précédé de la repentance. Parce que tant que nous ne saurons pas pourquoi un évènement est survenu et que nous n'en connaissons pas les auteurs, cela équivaut à panser une plaie sans l'avoir nettoyée au préalable. Quant au FPI qui doit pardonner le coup d'Etat de 2002, nous pensons que cela n'a pas lieu d'être, ce parti considérant le coup d'Etat comme un moyen légitime d'accession au pouvoir. Le coup d'Etat n'est-il pas " une action pour faire avancer la démocratie et " une action salutaire ? "
Le pardon ne se décrète pas ; c'est un acte courageux que l'on pose au profit de celui qui regrette d'avoir offensé un autre.
Ainsi que nous l'avons déjà souligné, on est d'autant plus enclin à pardonner qu'on n'a pas été l'objet de vexations mesquines et d'humiliations. C'est la raison pour laquelle il faut respecter l'adversaire. Or nous savons que certains éprouvent un malin plaisir, parce qu'ils sont en position de force, à se livrer à des actes gratuits de violence, d'intimidation, de vexation et d'humiliation. - Que n'a-t-on pas fait au Président BEDIE et à sa famille, notamment à son frère qui souffrait d'un handicap, parce qu'on l'a chassé du pouvoir : bastonnade des populations de Daoukro, fouille et pillages de ses biens, présentation de l'intimité de sa maison et de celle de sa femme à la télévision, accusations gratuites, injures et calomnies et nous en passons. - Le PDCI-RDA a subi la furie des Forces de Défense et de Sécurité et a vu la plupart de ses biens pillés. - Aujourd'hui le ridicule et odieux procès fait au ministre-député Adjoumani depuis deux ans pour des raisons exclusivement politiques n'est pas un acte qui prédispose au pardon et à la paix - Le livre censé être une parole d'honneur qui a mis un point d'honneur à falsifier les évènements n'est pas fait pour calmer les esprits - Va-t-on nous dire que le pardon est aisé pour les massacres des 25, 26 et 27 mars 2004 avec ses 518 morts, ses centaines de blessés et de disparus, ses charniers et fosses communes alors que le chef de l'Etat, loin de déplorer les morts a rendu hommage à sa garde prétorienne et à ses milices tribales pour avoir fait leur devoir.
Ils ont, pour se livrer à ce pogrom, refusé d'encadrer la manifestation ainsi que le réclamait l'opposition, tout simplement parce que le carnage était planifié. - Peut-on si facilement oublier le charnier de Yopougon. - Les massacres de Tiébissou, de M'bahiakro, de Daloa, de Man de Monoko-Zohi avec les charniers et fosses communes peuvent-ils passer seulement pour du beurre ?
- Le massacre des neuf danseuses d'Adjanou, les tueries de Béoumi, le pogrom de Bouaké après la vraie-fausse libération de la ville peuvent-ils s'effacer d'un trait de plume ?
L'ARROGANCE EN LIEU ET PLACE
DE LA REPENTANCE
Les spoliations d'une population bien ciblée, le retour en force des bozos sur le lac de Kossou, les conflits cultivateurs-éleveurs toujours réglés à l'avantage des éleveurs, doivent-ils être considérés comme des épiphénomènes ?
Nous pardonner mutuellement est un devoir ; Mais il ne faut pas que dans cette Côte-d'Ivoire en lambeaux, certains pensent qu'ils sont les spécialistes de l'offense en usant souvent de la force brutale, tandis que d'autres, préoccupés par le salut de leur âme, seraient les champions du pardon. C'est pourquoi après avoir fait tout le mal qu'ils on voulu, ils demandent du bout des lèvres un pardon hypocrite à l'occasion de différents messages à la nation.
Pense-t-on que la demande de pardon doit venir comme l'appendice d'un évènement qu'on décrète important ?
Le pardon doit intervenir à la suite d'un débat où chaque partie aura vidé son sac et non à la suite d'une décision relevant de ceux qui détiennent les rênes du pouvoir et qui ont passé leur temps à être nos bourreaux.
Ce ne sont donc pas les embrassades hypocrites faites en public et les pas de danse pour amuser la galerie qui calmeront les esprits. Aucun pardon ne peut sincèrement intervenir s'il n'y a aucun signe de regret, aucun remords, aucune repentance de la part de ceux qui ont fait du peuple ivoirien leur souffre douleur.
Or nous constatons qu'en lieu et place des regrets et de la repentance, c'est l'arrogance, la défiance permanente . On impose ainsi de force ceux qui ont fait venir dans notre pays des déchets toxiques pour tuer, pour de l'argent, d'autres citoyens de la Côte-d'Ivoire.
Leur devise : " on peut tout faire, on s'en fout, il n'y a rien au village. " " Nous ne gagnerons rien à chercher à nous venger les uns des autres. "
Nous sommes d'accord !
" Pardon, pardonnez à ceux qui vous ont offensés "
Il ne faut pas oublier la phrase qui suit " comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. "
Par ailleurs, le pardon chrétien et de toutes les religions qui se respectent requiert la repentance. Il est illusoire de penser que le pardon interviendra parce qu'on a pratiqué le dialogue direct alors que dans le même temps on continue de baver de haine à travers des propos et des écrits où l'appel à la vengeance est à peine dissimulé. Le peuple ivoirien doit tout savoir car c'est finalement à lui qu'on doit sincèrement demander pardon et c'est lui qui accordera son pardon à qui le mérite !

DOUBE BINTY

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