mardi 24 avril 2007 par Le Courrier d'Abidjan

Le géant de l'Afrique de l'Ouest a raté son test d'exemplarité démocratique. L'élection présidentielle qui s'y est tenueavant-hier (en même temps que le scrutin français) a mal tourné et a donné du Nigeria l'image d'un pays en régression politique. Le candidat adoubé par Olusegun Obasanjo, Umaru Yar'adua, a été officiellement vainqueur sous fond de très fortes contestations.
Contestations des candidats de l'opposition, notamment l'ancien vice-président Atiku Aboubacar ? en rupture de ban avec Obasanjo ? qui a dénoncé une tragédie nationale. Mais également contestations de la communauté internationale. La CEDEAO affirme que le scrutin n'a été ni libre ni équitable. Le Commonwealth parle d' imperfections significatives. Le NDI, ONG américaine, parle de pas en arrière et de menace pour la démocratie. La Maison Blanche dit prendre au sérieux les informations sur les irrégularités électorales.
Beau gâchis ! On ne peut s'empêcher, d'emblée, de s'interroger sur la toute nouvelle raideur démocratique d'une CEDEAO qui a pourtant installé, après un scrutin sanglant et frauduleux, Faure Gnassingbé au Togo, sous la houlette du duo Obasanjo-Tandja. Qu'est-ce qui arrive à la vénérable institution ? Ne fait-elle que suivre la voie tracée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, comme elle a suivi la voie tracée par Paris en novembre 2004 à Abidjan et un peu plus tard à Lomé ? Sans doute. La CEDEAO devrait se recrédibiliser ou se taire.
Cette présidentielle nigériane désordonnée marque, sans aucun doute, l'échec d'Olusegun Obasanjo, qui rentrera dans l'Histoire par la petite porte. Porté au pouvoir après un véritable miracle (la mort du dictateur Abacha, le refus du président de transition Abdulsalami Aboubakar de s'accrocher au pouvoir, puis au final des élections libres et transparentes), cet homme abrupt et sans rêves sains a tout gâché. Il a voulu modifier la Constitution pour s'éterniser au pouvoir. Puis il a fabriqué de toutes pièces un homme-lige pour gouverner à travers lui, et garantir les intérêts de la camarilla d'intouchables qu'il a laissé prospérer. Au final, il a organisé le bordel, et refusé au peuple un scrutin transparent. Il avait la marge de man?uvre d'un Mandela. Il pouvait devenir un accoucheur d'espérances. Mais il n'était qu'un piètre politicien sans vision ni envergure. Ayant eu un rôle historique par hasard, il n'a cessé de le dévoyer. C'est dommage
Le nouveau président nigérian commence avec un déficit de légitimité. Dans un pays quasiment ingérable, pris à la gorge par les mafias, menacé par le prurit islamiste et sécessionniste, irrité par des compagnies pétrolières exploitant l'or noir contre les intérêts de masses tenues en respect par l'armée. Comment Umaru Yar'adua s'y prendra-t-il pour conjurer la menace de déclin qui pèse sur son pays ? En a-t-il l'intention ou se posera-t-il paresseusement en défenseur des intérêts des multinationales et des cartels de généraux ?
L'intégration en Afrique de l'Ouest souffrirait beaucoup d'un Nigeria encore plus tourmenté, encore plus instable. Le géant malade ne doit pas tomber dans le coma. Mais son voisinage n'a aucune emprise sur lui. Le Nigeria est un pays énorme, à la richesse gigantesque, autiste et replié sur lui-même, et dont les forces sociales n'arrivent pas à constituer une alternative crédible pour empêcher l'enrichissement d'une minorité au détriment de tous. Que faire ? On ne peut que prier. God save Nigeria !


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Théophile Kouamouo (kouamouo@yahoo.com)

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