lundi 23 avril 2007 par Le Matin d'Abidjan

''Les Ivoiriens redoutent un deal caché entre l'ex-rebelle Soro et le président Gbagbo''. Voilà ce que déduit Libération, dans sa parution de samedi. Visiblement, des mains obscures continuent de prendre ombrage de l'application effective de l'accord de Ouaga. Elles qui tentent par tous les moyens de torpiller le processus de paix. Dans cet article, le quotidien parisien amplifie la campagne d'sintoxication à laquelle se livrent les relais locaux de la Chiraquie. But visé, dresser Soro contre Gbagbo. Le chef de l'Etat est même accusé de craindre l'élection présidentielle.

"Depuis le début de la guerre civile en septembre 2002, on jouait un mauvais film en Côte-d'Ivoire. Depuis quelques semaines, c'est un bon film qui nous est proposé... Mais cela reste un film." Le jugement dubitatif de ce haut fonctionnaire européen est partagé par de nombreux observateurs en Côte-d'Ivoire depuis la signature, le 4 mars, à Ouagadougou, sous l'égide du chef de l'Etat burkinabé, Blaise Compaoré, d'un accord surprise entre les deux principaux protagonistes de la crise ivoirienne : le président Laurent Gbagbo et l'ancien chef des rebelles qui ont voulu l'abattre, Guillaume Soro. Dans la foulée, ce dernier a été nommé Premier ministre. L'heure de la réconciliation de la Côte d'Ivoire divisée en deux depuis plus de quatre ans a-t-elle enfin sonné ? Au Nord comme au Sud, la population l'espère ardemment. A Abidjan, les irréductibles ennemis d'hier multiplient les gestes de bonne volonté. Dans un journal prorebelle, c'est l'un des chefs des "Jeunes Patriotes" (partisans de Gbagbo), le "maréchal" Eugène Djué, qui proclame son soutien sans faille à Guillaume Soro. En contrepartie, la "presse bleue", acquise au régime, ouvre largement ses colonnes aux anciens rebelles. Le 16 avril, dans le centre du pays, Gbagbo et Soro étaient bras dessus bras dessous pour assister au coup d'envoi du démantèlement de la "zone de confiance" qui sépare, d'est en ouest, les belligérants. "La symphonie de la paix est magnifiquement orchestrée", sourit un éditorialiste ivoirien. Faux pas. La communauté internationale joue également sa partition avec application, évitant toute note discordante. La force française Licorne a annoncé la réduction de ses effectifs de 3 500 hommes à 3000, un simple "ajustement technique", affirme Paris, lequel tombe néanmoins à pic. Cette semaine, la Banque mondiale, qui avait suspendu sa coopération avec Abidjan depuis plusieurs années, vient d'accorder un don de 100 millions de dollars pour la réinsertion des miliciens et rebelles amenés à déposer les armes durant les prochains mois. Mais derrière ce semblant d'harmonie retrouvée, les acteurs ivoiriens se jaugent, guettant le premier faux pas de l'ex-futur adversaire. Si la formation du gouvernement dirigé par Guillaume Soro n'a pas donné lieu aux affrontements redoutés, la reprise du processus devant conduire aux élections pourrait susciter très vite les premières vraies tensions de l'après-Ouagadougou. Arguant du nouveau climat de paix qui prévaut dans son pays, Laurent Gbagbo vient en effet de demander à l'ONU de renoncer au processus de certification des élections pourtant prévu par l'accord de Pretoria qu'il a signé en 2005. "Si les Nations unies cèdent sur ce point, c'en est fini de l'exigence d'élections libres et transparentes nécessaires pour sortir de la crise", assure un diplomate. Pour l'opposition à Abidjan, la demande de Gbagbo trahirait, encore et toujours, sa peur du verdict des urnes et sa volonté de se débarrasser de tout regard extérieur. Le chef de l'Etat affirme, au contraire, vouloir aller le plus vite possible devant les électeurs, se disant sûr de l'emporter. Mais la réfection des listes électorales, qui doit être précédée par l'identification puis l'inscription de plusieurs centaines de milliers d'Ivoiriens privés de papiers d'identité depuis des années, notamment au nord du pays, réputé acquis à l'opposant Alassane Ouattara, devrait prendre plusieurs mois. Profil bas. Comment va réagir le jeune Premier ministre (34 ans), Guillaume Soro ? Malgré le soutien de la communauté internationale, ses deux prédécesseurs, Seydou Diarra et Charles Konan Banny, n'ont jamais pu disposer de la moindre marge de manoeuvre face à un chef de l'Etat arc-bouté sur ses prérogatives constitutionnelles, contrôlant l'armée et disposant de l'argent du cacao. Fraîchement installé dans ses fonctions, Soro fait, pour le moment, profil bas. Il n'a pas encore obtenu de Gbagbo la délégation de pouvoirs sans laquelle il disait ne pouvoir accepter la tête du gouvernement. A la grande surprise des diplomates, l'ancien rebelle a cédé également sur la question de sa propre sécurité, qui est essentiellement assurée en plein centre d'Abidjan par la garde républicaine, acquise au chef de l'Etat. Dans la capitale économique, l'attitude pour le moins prudente de Soro alimente les rumeurs sur un possible "deal caché" avec Gbagbo. L'ancien rebelle serait-il prêt à faire réélire le président sortant en attendant son tour dans cinq ans ? Aurait-il renoncé à ses revendications politiques en échange du partage du pouvoir et de ses rentes lucratives ? "A la différence de ses deux aînés, Soro a des arguments à faire valoir à Gbagbo : ses hommes tiennent toujours la moitié nord du pays", affirme un opposant. Mais jusqu'à quand ?

Source : Libération
* Les titres, surtitre et le chapeau sont de la rédaction

De grosses pressions pour le maintien de Stoudman
Paris man?uvre encore ferme. La cellule africaine de l'Elysée n'entend pas laisser l'organisation de l'élection présidentielle aux institutions ivoiriennes. Depuis quelques semaines, des missions, officielles ou non, font des pieds et des mains pour le maintien de Gerard Stoudma, dont la mission est pourtant rendue forclose par les conclusions du dialogue direct. De fait, l'accord de paix de Ouagadougou dont s'inspire le processus de sortie de crise ne fait nullement cas du haut représentant de l'ONU chargé des élections. Les arrangements politiques signés le 4 mars renferment leurs propres mécanismes pour l'organisation des joutes qui devront sanctionner la fin de la crise. Mais à Paris, l'on ne l'entend pas de cette oreille. Dès la formation du gouvernement Soro, toute la galaxie françafricaine s'est mise en branle. Elle s'étrangle que le ministère de l'Intérieur, cheville ouvrière des élections, passe aux mains du camp présidentiel. N'ayant pas obtenu d'échos, la presse parisienne monte au créneau. Ainsi Libération s'offusque que, " arguant du nouveau climat de paix qui prévaut dans son pays, Laurent Gbagbo vient de demander à l'ONU de renoncer au processus de certification des élections pourtant prévu par l'accord de Pretoria qu'il a signé en 2005. " Le quotidien livre sa véritable préoccupation, par " un diplomate " interposé : " Si les Nations unies cèdent sur ce point, c'en est fini de l'exigence d'élections libres et transparentes nécessaires pour sortir de la crise. " En clair, Libération soupçonne Gbagbo de vouloir organiser un scrutin sur mesure. La demande de Gbagbo " trahirait, pour l'opposition encore et toujours sa peur du verdict des urnes et sa volonté de se débarrasser de tout regard extérieur ", intoxique Libération qui reprend à son compte les thèses " minoritaires " de Gbagbo que veut faire avaler Paris et ses affidés. Jeudi dernier, au sortir d'un tête à tête avec Bédié, Ouattara a averti que le RHDP saisirait l'ONU pour que l'élection soit l'affaire de la communauté internationale. Par ailleurs, à en croire des indiscrétions, la mission de l'ONU qui s'est rendue samedi au palais présidentiel d'Abidjan Plateau a fait part de cette préoccupation au chef de l'Etat. Officiellement, il s'agissait pour la délégation qui a rencontré les acteurs politiques ivoiriens de " faire le point " de leurs démarches à Gbagbo. Mais les mandants de Ban Ki Moon plaident, selon des sources crédibles, pour la prorogation du mandat de Gerard Stoudman rendu ''inutile'' par l'accord de Ouaga. La France et ses réseaux sont d'autant fébriles qu'ils croient entrevoir un deal entre Gbagbo et Soro. Ils craignent que le jeune Premier ministre lâche du lest, et laisse Gbagbo passer haut les mains.

Guillaume N'Guettia

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