vendredi 20 avril 2007 par Fraternité Matin

La CNPS mène actuellement une campagne visant à encourager l'immatriculation des gens de maison. Cette opération est-elle réaliste dans un contexte comme le nôtre où les employeurs dans leur grande majorité ne sont pas en mesure de payer le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) ?
C'est réaliste d'autant plus qu'au niveau de la CNPS, ce que nous visons, c'est le travailleur. A partir du moment où nous les qualifions de travailleurs, nous pensons que cette campagne d'immatriculation est réaliste. Ce sont des travailleurs comme tout autre qui peuvent prétendre à toutes les prestations de la CNPS.

Même si l'on n'arrive pas à leur assurer le SMIG ?
Même si on n'arrive pas à leur assurer le SMIG, il faut dire que nous les logeons, nous les nourrissons et quelque fois, nous les prenons en charge du point de vue médical. Tous ces éléments constituent des avantages en nature, greffés au petit montant que nous leur donnons, qui dépassent largement le SMIG qui est de 36 607F. Ce n'est pas forcément la rémunération en espèces que nous regardons, nous regardons aussi les avantages ou rémunérations en nature.

Comment se fait alors le calcul des cotisations ?
Le calcul se fait sur la base du SMIG. Même si vous donnez 25 000 F ou 15 000 F à votre agent de maison, vous devez faire votre évaluation sur la base des 36 607 F. Ce qui donne 5 766 F de cotisation à payer par mois.

Quelle est la procédure à suivre pour assurer son personnel de maison ?
Il y a des documents à remplir, des déclarations de l'individu lui-même en tant qu'employeur et des documents pour immatriculer le travailleur. Il n'y a pas de frais à payer. Chaque fin de mois ou trimestre, il faut venir déclarer les salaires qu'on a versés plus les cotisations qui vont avec, soit 5 766 F minimum quand le calcul est fait sur la base du SMIG.

L'immatriculation oblige-t-elle à délivrer un bulletin de salaire ?
Le bulletin de salaire relève de l'Inspection du travail. Nous, CNPS, nous encourageons tous les employeurs de gens de maison ou de tout autre type de travailleurs, à utiliser des bulletins de salaire. Pour les travailleurs, c'est très utile et pour nous, CNPS, aussi ; car lorsqu'il faudra prétendre à des prestations, il faudra prouver qu'on a bel et bien été précompté. La seule pièce qui puisse le justifier, c'est le bulletin de salaire. Et le bulletin de salaire, il y en a de toutes les formes.

N'est-ce pas un frein à l'immatriculation ?
Pas du tout. Mais c'est un élément que nous utilisons et que nous encourageons à produire. Toutefois, en fin d'année, nous avons un document récapitulatif de tous les salaires versés, la DISA, qui ressort tout ce que vous avez donné à votre salarié sous forme de rémunération dans l'année. C'est dire que dans tous les cas, nous arrivons à reconstituer la carrière du travailleur même sans le bulletin.

Que gagne-t-on à immatriculer son personnel de maison ?
Il est très important d'immatriculer les gens de maison. Cela fait partie d'ailleurs des fondements de la sécurité sociale. Le premier avantage qu'on en tire, c'est en cas d'accidents de travail. Nul ne peut les prévenir. Sur son parcours, le travailleur peut avoir un accident. Il sera pris en charge par la CNPS. Le jardinier peut se blesser en travaillant. Les jours de repos qu'il aura seront pris en charge par la CNPS. Il sera indemnisé également. Il aura une rente s'il a des séquelles à la suite de cet accident. Le deuxième avantage, c'est que nous aidons les travailleurs à entretenir leurs familles, du moins à éduquer leurs enfants. Donc, nous aidons aussi la femme en grossesse à travers ce que nous appelons l'aide à la maternité . Pour tous les foyers de travailleurs, nous les aidons à gérer correctement leurs familles et à éduquer correctement leurs enfants. Donc, nous leur versons des prestations dans ce sens. Le troisième avantage, l'élément le plus sûr que tout le monde connaît, c'est la retraite. Il faut que ces gens qui ont travaillé à un moment donné, au soir de leur vie où ils n'ont plus la force nécessaire d'aller exercer chez quelqu'un, puissent bénéficier d'une pension pour vivre. Au nom de cette déclaration à la CNPS, nous les prenons en compte totalement. L'employeur n'est plus obligé de verser chaque fois au travailleur qui s'est bien comporté envers lui des piècettes pour qu'il puisse survivre. La CNPS est là pour le remplacer, pour prendre en charge entièrement ce travailleur.

Est-il utile d'immatriculer ce personnel quand on sait que, pour la plupart, il s'agit d'emplois temporaires en attendant de trouver mieux ?
C'est toujours utile. Si nous considérons seulement l'accident du travail, c'est toujours utile. L'accident du travail peut arriver à tout moment. La servante peut même être agressée à la maison. Tout cela est pris en charge par la CNPS. La CNPS se substitue à l'employeur pour prendre en charge tous les frais pharmaceutiques, d'hospitalisation Donc, l'employeur gagne au même titre que l'employé. Pour le temps très bref qu'elles passent chez leurs différents employeurs, ces servantes peuvent avoir après, un emploi différent. A ce titre, nous faisons à la CNPS ce qu'on appelle la totalisation des périodes d'activité. C'est dire que si une servante a passé deux ans chez un employeur, trois chez un autre, quatre ans ailleurs, toutes ces périodes sont mises ensemble pour donner sa carrière. A partir de là, quel que soit le temps que va passer la servante chez vous, il faut se dire qu'elle peut aller travailler ailleurs, devenir technicienne de surface dans une entreprise donnée. Le temps qu'elle a passé chez vous ne sera pas une période gratuite. Il sera validé et va lui permettre d'avoir une bonne pension de retraite.

Sur le terrain, quelle est la réalité ?
De plus en plus de gens commencent à comprendre et déclarent leurs travailleurs. Ils viennent se renseigner et quand on leur montre la modique somme à payer chaque fin de mois, ils ne voient pas d'inconvénient à déclarer leurs travailleurs ; surtout que, comme je l'ai dit plus tôt, l'immatriculation à la CNPS présente des avantages et pour le travailleur et pour l'employeur. Quand vous avez par exemple une jeune dame qui vous satisfait dans son travail, pendant sa période de grossesse, vous la libérez pour ses congés de maternité et la CNPS la prend en charge entièrement. Vous n'avez même pas à l'aider à faire son trousseau. La CNPS se substitue à vous et lui verse son salaire.

Quelles sont les tendances en la matière ? Y a-t-il des citoyens en particulier qui sont mieux loties que les autres ?
En grande partie, ce sont les étrangers qui exercent les fonctions de gens de maison : gardiens, jardiniers, cuisiniers De plus en plus, les Ivoiriens commencent à s'intéresser à ces fonctions.

Au niveau d'Abidjan, y a-t-il des zones qui tranchent par rapport aux autres ?
Bien sûr Vous avez la commune de Cocody et celle de Marcory avec son quartier Biétry, un peu la commune de Treichville. Partout, quand même, vous avez des gens de maison. Mais ces communes sont celles qui représentent le plus fort taux de travailleurs domestiques. Cela peut s'expliquer par le fait qu'elles concentrent un grand nombre d'expatriés, qui, culture oblige, déclarent le plus souvent leurs gens de maison.

Qu'est-ce qui peut expliquer la timidité que manifestent les Ivoiriens en particulier à immatriculer leurs gens de maison ?
Il y a quelquefois l'ignorance, mais il y a aussi que selon eux, ce n'est pas toujours des travailleurs qu'ils ont à domicile. Selon eux, ces filles qu'ils ont à la maison sont soit leurs cousines, soit leurs s?urs qu'ils mettent après à l'école pour qu'elles puissent se former. A ce titre, pour eux, ces travailleurs sont des membres de la famille qu'ils prennent en charge entièrement pour toute leur vie. Ils ne voient donc pas l'opportunité d'aller les déclarer en tant que travailleurs. Mais de plus en plus, beaucoup commencent à vouloir utiliser des professionnels dans le métier. Et là, il faut y mettre tous les moyens.

Que dit la loi à propos de l'immatriculation des gens de maison ?
Il y a le code du travail qui évoque la situation des travailleurs, mais pas particulièrement les gens de maison. Le code du travail parle du travailleur. Le code de prévoyance sociale aussi, en son article 5, parle du travailleur, selon le code du travail. Et c'est l'article 2 du code du travail qui dit que lorsque quelqu'un échange sa force de travail contre une rémunération, sous la direction ou l'autorité d'une autre personne, alors cette personne a la qualité de travailleur salarié. C'est cet article 2 du code du travail qui définit qui est le travailleur. Donc, à ce titre, nous pouvons dire que les gens de maison à qui nous donnons une rémunération, qui travaillent sous notre autorité sont bel et bien des travailleurs, au sens du code du travail.
Et à ce titre, ils doivent être déclarés à la CNPS. A tous les travailleurs que nous sommes, qui utilisons ce personnel de maison, je voudrais profiter de vos colonnes pour demander de les déclarer à la CNPS. Eux aussi ont besoin de préparer leur avenir. Ils pensent aussi au lendemain. La sécurité sociale est là pour vous enlever ce souci du lendemain.

Interview réalisée par Elvis Kodjo

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