mercredi 18 avril 2007 par Fraternité Matin

Réconciliation : Ouaga est une chance inouïe pour la Côte d'Ivoire

Le ministre de la Réconciliation nationale et des Institutions, Dano Djédjé Sébastien, était l'invité de la Rédaction de Fraternité Matin, hier.

Introduction
Je suis très heureux d'être venu très rapidement ce matin pour introduire le Professeur Dano Djédjé Sébastien, ministre de la Réconciliation nationale et des relations avec les institutions. C'est de façon exceptionnelle que nous nous rencontrons ce mardi. Parce que le ministre Dano Djédjé était à Yamoussoukro, à Tiébissou et à N'Gatta-dolikro, hier. Je crois qu'il est aujourd'hui, un homme heureux. Je n'ose pas dire qu'on pourrait supprimer son ministère. Mais, je pense que tout le monde lui ouvre le boulevard de ses actions aujourd'hui. Et ses actions vont s'en trouver beaucoup plus facilitées. Il pourra donc s'occuper de la réconciliation. Il y a des caravanes qui vont dans tous les sens. Blé Goudé en fait, Mme Bro Grébé en fait, Elie Haliassou veut en faire. Même ceux qui étaient hésitants commencent à changer d'avis. Je pense qu'il y a aujourd'hui des vibrations politiques qui convergent vers la réconciliation. Nous allons donc lui permettre de nous faire le point sur le difficile cheminement qu'il a connu. Vous savez tout ce qui se passait dans la zone de confiance. Et c'était pour lui un cauchemar. Aujourd'hui, tout cela relève du passé. Et le rôle qu'il va jouer dans cette phase à venir.

J.B- Akrou

Propos liminaires
Monsieur le directeur général, chers amis responsables, à tous les niveaux, direction, rédaction, je voudrais vous saluer. Mais avant, je voudrais présenter à toute la presse ivoirienne, mes sincères condoléances, suite au décès de notre vaillant ami, Pierre Ignace Tressia. Je sais que la grande maison du journalisme vit cet événement très difficilement, ainsi que nous-mêmes. Mais, cela fait partie de la vie des hommes. Je vous présente donc mes condoléances et vous assure de tout notre soutien. Je voudrais remercier vivement le Directeur général de Fraternité Matin et son équipe, pour l'occasion qu'ils me donnent de parler avec vous ce matin. Vous savez, dès qu'on a pris fonction dans ce ministère, la première action a été de rencontrer les journalistes pour les appeler à nous aider, à nous accompagner dans notre mission. Une mission très difficile, mais je sais que les journalistes ont fait ce qu'ils pouvaient faire. Il y a même eu le prix du meilleur pacificateur. Pour ceux qui délivraient plus de messages de réconciliation. C'est pour vous dire que la presse tient une place très importante dans notre ministère, dans notre mission. C'est pour cela que j'ai toujours été heureux de constater que vous vous impliquez à divers niveaux. Et j'ai été particulièrement heureux de constater que votre maison s'organise pour contribuer à la réconciliation nationale. Il y a la télévision qui organise une émission dans ce genre. Et aujourd'hui, la grande maison de la presse écrite nous invite. J'en suis particulièrement heureux.
Concernant le Directeur général, hier, je le critiquais à Yamoussoukro. En fait, voici un Directeur général qui, au lieu d'aller s'asseoir au bureau et laisser les enfants travailler, est toujours sur le terrain en train de prendre note. Il fallait le voir hier, à Yamoussoukro, transpirant, en train de prendre note. Lui, Directeur général de Fraternité Matin.
En fait, c'est une nouvelle génération de responsables de la presse et des médias que nous voyons. A la Télévision, Brou Amessan présente le journal, tous les jeudis. J.-B. Akrou est souvent sur le terrain. Cela nous réjouit. Et montre vraiment cette notion de refondation que nous avons préconisée à l'époque. La refondation, ce n'est pas quelque chose de très, très catégorique, mais c'est un peu le comportement des uns et des autres. L'humilité que nous essayons, chacun à son niveau, d'avoir pour conduire notre mission. En tout cas, félicitations cher Akrou. Et continuez sur cette lancée.

Un ministère non prévu
Nous sommes dans ce ministère depuis 2003. Succinctement, je voudrais dire que ce ministère, suite aux accords de Linas Marcoussis et de Kléber, n'était pas prévu dans l'organigramme officiel de la gestion de crise. C'est lorsque nous nous sommes retrouvés à Accra, suite aux difficultés qu'il y avait dans l'application de ces accords-là, que le ministère de la Réconciliation a été créé. Par la volonté du Président de la République. On avait sept (7) postes ministériels chacun. Et le Front populaire ivoirien (FPI) s'est battu pour en avoir un peu plus que les autres. On a eu dix (10) postes. Il fallait donc combler ce cap de trois postes. C'est ainsi que le Président a décidé de créer trois postes techniques. Que la Réconciliation nationale, la Solidarité et la Lutte contre le SIDA. C'est ainsi que le ministère de la Réconciliation nationale a été créé.
Mais comme cela n'était pas prévu au départ, dans les accords de Linas Marcoussis, nous n'étions pas comptés dans les différentes planifications. C'est ce qui a fait notre difficulté, à tout moment de notre mission. Il fallait donc rattraper les choses. Cela demande également beaucoup de temps. Voilà 5 ans qu'on est dedans et nous connaissons toujours ces mêmes difficultés.
Mais malgré cela, nous avons essayé de travailler. Et comme nous-même ne connaissions pas très bien le contenu de ce ministère, on a dû rencontrer les Ivoiriens, les organisations socioprofessionnelles, les organisations politiques, les ONG, pour voir le contenu qu'ils pourraient donner à ce ministère. Donc, c'est ensemble que nous avons bâti ce ministère. Car, c'est à la suite de toutes ces rencontres que nous avons proposées au gouvernement, les attributions qu'on aimerait avoir. Parmi ces attributions, vous avez la lutte contre la xénophobie, les comportements à caractère racial. Il faut intégrer les non ivoiriens dans la société ivoirienne, il faut lutter pour la promotion de la citoyenneté, de la démocratie, etc. En tout cas, tout ce que vous allez voir après comme attribution, c'est suite aux contacts que nous avons eus.
Quant aux difficultés, elles sont d'ordre financière, matérielle et autres. Mais, on n'est jamais sorti de la crise. Or la réconciliation nationale, c'était une réconciliation post-crise. Comme on n'est jamais sorti de la crise, nous n'avons jamais pu déployer nos activités, sainement sur le terrain. On s'est donc contenté parfois de boucher les trous, de servir de bon pied. C'est ainsi qu'on est allé régler des conflits de cohabitation, des conflits fonciers. C'est ainsi qu'on est allé présenter la compassion du gouvernement à certaines populations en détresse. Aujourd'hui, raisonnablement, on pourrait dire que nous avons essayé de convaincre la population ivoirienne. Parce que cette mission qui était difficile n'avait pas été acceptée au départ par tous les Ivoiriens. Mais au fil du temps, les Ivoiriens ont dit mais pourquoi pas ?? Et à force de dire pourquoi pas ? ?, ils ont fini par s'impliquer dans le processus. Et aujourd'hui, avec l'accord de Ouaga, les ivoiriens sont en train de s'approprier la réconciliation nationale. Sous la conduite du Président de la République et du Premier ministre.
Donc c'est maintenant que démarre véritablement la mission de réconciliation nationale et de paix en Côte d'Ivoire.

Précisions utiles
Pour que nous soyons au même niveau de compréhension, je vais préciser quelque chose. On ne dit pas ministère de la Réconciliation nationale chargée des Relations avec les institutions. J'ai deux ministères qu'on a réunis. J'ai donc réconciliation nationale et institutions.
Je vais m'atteler seulement aux attributions qui concernent la réconciliation nationale. A ce niveau, le ministère est chargé de la mise en ?uvre de la politique du gouvernement, en matière de promotion de la réconciliation et de l'unité nationale. Et à ce titre-là, nous avons un certain nombre de missions, dont je vous ai parlé tout à l'heure. Il s'agit de mise en ?uvre de la politique de renforcement de l'unité et de la cohésion nationale. Il s'agit de la conduite des actions destinées à favoriser l'intégration dans le tissus social des non ivoiriens résidant sur le territoire national. Il s'agit de l'intégration des naturalisés. Il s'agit de la prévention des confrontations et manifestations à caractère tribal, fasciste, religieux ou xénophobe. Il s'agit de la promotion des valeurs traditionnelles, communautaires, de coexistence pacifique. Il s'agit de la sensibilisation à la démocratie et l'intégrité territoriale. De la promotion des relations entre les citoyens et l'Etat. De la participation des citoyens à la vie collective.

La différence avec la Médiature
La Médiature est donc autre chose. La Médiature est chargée de régler les conflits entre les citoyens et l'Etat. Si vous n'avez pas payé à temps, une facture d'électricité et qu'on veut couper votre électricité, mais vous n'avez pas les moyens de payer Si vous voulez qu'on vous aide, vous vous rendez à la Médiature. Ce sont eux qui peuvent vous aider. Si vous avez raison, la Médiature peut plaider pour que la situation soit réglée. On la saisit ou elle s'auto-saisie. Mais généralement, on la saisit.
Cela n'a rien à voir avec la politique du gouvernement pour régler un problème national de cohésion sociale. Ce sont vraiment deux entités et deux missions totalement différentes. Souvent, nous nous appuyons sur eux parce que ce sont nos aînés. Et ils ont plus d'autorités que nous. C'est à ce titre-là qu'on leur fait appel pour nous aider dans notre mission.

Ministre FPI
Il y a des Ivoiriens qui ne comprennent pas pourquoi c'est à moi qu'on a confié la réconciliation nationale, alors que je suis du FPI.
C'est peut-être au Président Gbagbo qu'il faudrait poser la question. Puisque c'est lui qui nous a confié ce ministère. Mais je vais tenter d'y répondre. Vous savez, c'est à lui qu'on a confié la mission de régler la guerre. Partout où nous passons, on entend dire mais Gbagbo fait quoi ? Il faut qu'il fasse des sacrifices pour que la crise soit réglée. ? mais, qui peut faire les sacrifices ? C'est bien sûr celui qui peut faire la réconciliation. En faisant les sacrifices, on fait la réconciliation. Donc, c'est celui qui a été agressé qui est mieux placé pour faire la réconciliation. Il y a des gens qui pensent qu'on doit confier ce ministère aux Forces nouvelles. Mais non ! Je pense que les Forces nouvelles seront difficilement acceptées pour faire la réconciliation. Il y a des choses qu'elles peuvent faire. Mais dans la situation actuelle, il est mieux que ce soit celui qui est agressé qui dise : Moi, je pardonne ?. C'est cela, la réconciliation. J'ai été offensé, mais comme nous sommes des frères, et qu'il faut qu'on avance, je pardonne ?. Aujourd'hui, des gens demandent au Président de pardonner. Il y a même des gens qui veulent que les leaders politiques se mettent devant pour dire Aujourd'hui, nous sommes en paix ? pour que le peuple suive. Donc, à partir du moment où c'est lui qui doit faire ce message, c'est tout à fait normal qu'on lui confie aussi cette mission de réconciliation. Il n'y a pas que la mission de désarmement qu'on doit lui confier. Mais également la mission de sensibiliser les Ivoiriens à la paix, à la tolérance, à l'unité. C'est donc ce que le Président Gbagbo devait faire qu'il m'a confié.
Mais, toute démagogie mise à part, je suis capable de faire preuve de discernement. Si je suis FPI, je mène mes activités de FPI. Et je vous le dis, j'étais d'abord chargé des élections au Front populaire ivoirien, ensuite de l'encadrement des structures du parti. Aujourd'hui, chargé du règlement des conflits au FPI, mais aussi de la discipline du parti, je suis directeur de campagne du Président Gbagbo à Gagnoa. Voilà ma mission au FPI. Et lorsqu'il s'agira de parler du FPI, je parlerai crânement du FPI. Comme je l'ai toujours fait. Avec mon caractère, avec ma manière.
Aujourd'hui, je parle de réconciliation nationale, qui est une mission républicaine. Et je dois avoir un comportement républicain. Je dois être juste, impartial. Je dois dire les choses comme je les sens. Faire les choses comme le Président souhaiterait qu'on les fasse, comme le Premier ministre souhaiterait qu'on les fasse. C'est vous qui pouvez me juger. Ce n'est pas pour mon appartenance politique que je fais la mission. Est-ce que je fais bien la mission qu'on m'a confiée ? Est-ce que je respecte les missions ? Est-ce que je ne les respecte pas ? Je pense donc que ceux qui posent la question ont tort.
C'est vous qui devez informer l'opinion nationale. Si vous êtes convaincus par exemple que je fais ma mission de façon biaisée, vous le dites. Et moi je vais m'expliquer. Si je suis incapable de m'expliquer et que je n'arrive pas à vous convaincre, on en tirera les conséquences.

Difficultés du départ
Effectivement, lorsque j'ai commencé les tournées, certains partis politiques qui n'ont pas voulu me recevoir. Parce qu'ils voyaient en moi, le FPI. L'homme de Gbagbo qu'on veut abattre. Pour eux, tant qu'ils ne réussissent pas à abattre Gbagbo, ils ne peuvent pas rencontrer son émissaire. Mais je pense qu'ils ont fait fausse route. Les événement actuels nous donnent raison. Tôt ou tard, il va falloir qu'on s'asseye pour discuter. Mais, il vaut mieux commencer tôt. C'est ce que nous avons essayé de faire depuis le début. Par exemple, lors des événements de Mars 2004, j'ai été renvoyé proprement par Djédjé Mady, secrétaire général du PDCI-RDA, président du directoire du G7 à l'époque. Après les événements de 2004, alors que je faisais des tournées dans toute la ville d'Abidjan pour sensibiliser les populations aux rumeurs, aux intoxications qui fusaient de partout, j'ai donc rencontré des partis politiques. Et comme il était premier responsable du directoire, je suis aller le rencontrer. Pour lui parler de la situation et voir qu'est-ce qu'on pouvait faire ensemble. Il m'a dit qu'il a affaire au Premier ministre. Qu'il n'a pas affaire à moi, et que c'est le Président Gbagbo qui tue ses militants. Et depuis ce jour, je n'ai jamais pu le rencontrer. Je pense que ce n'est pas sain pour la vie politique. Parce que même si tu es en opposition flagrante avec quelqu'un, la démocratie exige qu'on se parle. Et que chacun cherche à convaincre l'autre. Mais c'était sa vision à lui. Je l'ai donc acceptée et je suis parti. Je me suis arrangé autrement pour rencontrer les hommes politiques que je pouvais rencontrer. Ceux qui m'ont accepté.

Qualité
Pour moi, un ministre de la réconciliation nationale doit être un homme impartial, modeste, humble. Un homme qui a vraiment envie de faire ce travail-là. Un homme qui est en mesure de retirer sa veste et sa cravate pour s'asseoir avec des gens à qui il veut parler. Nous n'avons pas souhaité la crise. Mais aujourd'hui, on entend des gens poser des conditions. Pour moi, c'est un comportement dépassé. Parce que dans la situation où nous sommes, le fait est que, quelqu'un s'est levé un matin et a dit moi, pour une raison qui m'est propre, voilà ce que je fais. ? Il est allé jusqu'au bout. Il a fait ce qu'il avait envie de faire. Dieu merci, ça n'a pas marché. Mais toujours est-il qu'il a sa raison à lui. Donc celui qui veut la paix est obligé de se comporter en fonction de cette raison. Moi je me suis dit ceci : La crise est arrivée. C'est vrai, nous avons été tous blessés. Mais il faut laisser tomber tout ça et puis passer à autre chose. On est blessé. Est-ce qu'on reste dans cet état ou on doit chercher à faire sortir le pays de la crise pour avoir un lendemain meilleur ? Comme le disait feu Balla Keita, c'est le malade qui connaît sa maladie, le médecin ne fait que donner des remèdes. Donc moi, je vais vers les Ivoiriens pour leur demander quel est leur problème. ? A partir du moment où ils me donnent des explications, je cherche à régler ce problème. Dans la mesure de mes possibilités. Parfois j'y arrive, parfois non. Mais en tout cas, le fait est là. Aujourd'hui, on dit la crise est arrivée parce que la Côte d'Ivoire est un pays xénophobe. Donc, je cherche à comprendre ce qu'ils entendent par xénophobie. Je mène mes enquêtes, je discute avec des gens. Qui me disent voilà ce dont il s'agit. Et en fonction de leur explication, je leur donne ma position. Donc, il faut avoir la capacité d'écoute. Et la capacité de réagir dans le sens de l'apaisement. Personnellement, je peux ne pas répondre à ces qualités. Mais à force de critique, je peux essayer de m'améliorer.

Budget
A ce niveau, j'avoue qu'on a beaucoup souffert. En 2003, lorsqu'on a mis sur pied ce ministère, nous avions en tout et pour tout 85 millions de francs CFA. En ce moment, je n'avais pas de cabinet. Il fallait donc créer un cabinet. Et comme le budget ne suffisait pas, ce sont des amis de l'agriculture qui m'ont aidé à équiper ce ministère. Ancien ministre de l'Agriculture, j'ai quand même tissé quelques relations. Je crois qu'il m'ont soutenu à hauteur de 30 à 40 millions. Ce sont des gens qui croyaient en mon projet. Et puis à l'époque aussi, le pays a été agressé au moment de la production du café et du cacao. Et on avait l'intention de sécuriser la filière aussi. Sinon, le budget était insignifiant. 85 millions, c'est le budget d'une direction. Ce n'est pas le budget d'un ministère. Mais en tout cas, nous avons fonctionné avec ça. L'année qui a suivi, nous avons plaidé et nous avons obtenu 125 millions. L'année qui a suivi, on a eu un peu plus encore. Donc au fil du temps, on essaie d'augmenter un peu le budget. Mais comprenez qu'au fil du temps, les besoins et les activités aussi augmentent.

2006
Cependant, j'avoue qu'au cours de l'année 2006, nous avons été beaucoup aidés par M. Diby Koffi Charles, ministre de l'Economie et des Finances. C'est grâce à lui que nous avons pu régler le problème de Tabou. Parce que vous imaginez que aller vers les populations, les mains nues et leur parler de paix, c'était difficile. J'ai dû mener plusieurs missions-là bas et c'est grâce à l'appui et à l'engagement du ministre Diby Koffi Charles. Il a compris l'enjeu et m'a beaucoup appuyé. Donc, en dehors du budget, il m'a apporté un appui inestimable qui nous a permis de régler un certain nombre de problèmes.
J'ai eu ces difficultés parce que, comme je l'ai dit, le ministère n'a pas été prévu à Marcoussis et à Kléber. Je ne recevais donc pas de financement extérieur. Ce financement était logé à la Primature. Et je n'ai pas eu le soutien du Premier ministre ni du deuxième. Aujourd'hui, il y a un nouveau Premier ministre. Je vais plaider pour voir s'il peut m'aider. Parce qu'on en a vraiment besoin.

Nos joies
Les joies que nous éprouvons dans mon ministère, c'est de voir la population nous faire confiance sur le terrain. Des populations qui nous attendent et qui pensent que nous sommes capables de régler leurs problèmes. C'est toute notre satisfaction. Lorsque nous sommes ici à Abidjan, quelquefois, nous sommes moralement abattus. Mais quand on se retrouve sur le terrain, on est un peu revigoré. Parce que c'est un autre son de cloche qu'on entend. Les rapports avec les populations nous stimulent un peu plus. C'est cela le côté satisfaction.

Relations avec la presse
Nous avons mené beaucoup d'actions sur le terrain parce que le ministère étant nouveau, il fallait qu'on se fasse accepter par les Ivoiriens. Qu'on ne dise pas que c'est un ministère vide et que le ministre est juste là pour puiser son salaire et rien d'autre. On s'est donc battu pour donner un contenu. Et nous avons travaillé dans tous les sens. Les premières actions que nous avons menées étaient sur la base de notre propre tournée. Lorsqu'on a entendu les griefs des uns et des autres, les propositions des uns et des autres, appuyant cela par l'accord de Linas Marcoussis, nous avons engagé des pistes de réflexion et de travail. Premièrement, nous avons beaucoup travaillé sur la presse et les médias en général. Vous vous souvenez que vous avez été les premiers à être vilipendés par ceux qui ont fait l'accord : oui, il faut que la presse change . Nous notre travail a été : que faire pour changer la mentalité de nos journalistes ? Ça a été des séminaires, ça a même été un prix que nous avons institué pour récompenser les meilleurs journalistes qui travaillent pour la paix et la réconciliation. On a initié un séminaire à Bassam au cours duquel tous les journalistes ont décidé d'aller désormais dans le sens de la paix. Je voudrais ici féliciter votre association phare qui fait beaucoup. Et à l'époque j'étais beaucoup appuyé par l'Unjci (Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire : ndlr). Le président Amos Béonaho a fait beaucoup d'efforts. Vous vous souvenez que j'ai toujours fait des conférences à votre siège à la maison de la presse. Malheureusement les résultats sont là, il n'y a pas eu beaucoup de changement.
Il n'y a plus eu de prix pour les journalistes. Pourquoi ? Le prix a été institué par les journalistes eux-mêmes. Ceux sont eux qui m'ont demandé de mettre en place un prix du Président de la République pour récompenser les meilleurs journalistes. La première édition a été remportée par Fraternité Matin dans tous les domaines : meilleur journaliste, meilleure maison de presse, etc. Et le meilleur journaliste à l'époque était Venance Konan. Quand on a fini de décerner le prix, quinze jours après, ce que Venance Konan a écrit sur la Côte d'Ivoire, sur le Président de la République n'avait rien à voir avec Venance Konan qui venait de remporter le prix de la réconciliation. Du coup, tous ceux qui voulaient nous aider ont été découragés. Ils se sont dit : à quoi bon donner des prix à des gens qui ne peuvent pas respecter leur propre condition, leur propre volonté. Donc c'est ce qui a fait qu'il n'y a plus eu un deuxième prix. Mais je pense qu'à partir de maintenant on va essayer de ressusciter ce prix parce que beaucoup de journalistes écrivent en faveur de la paix et la réconciliation. En tout cas parmi vous (les journalistes), il y a beaucoup qui méritent d'être primés. Donc nous allons voir si l'on peut réactualiser, renouveler, réhabiliter tout cela et mettre en place le prix des journalistes. On a donc travaillé en direction des journalistes, des Ong, des partis politiques.

Hypocrisie des politiciens
Un séminaire a été organisé avec l'appui de l'ambassade des Etats-Unis où nous avons vu les militants de tout bord se côtoyer à Bassam. Au début c'était difficile. Il y avait des réserves, des réticences ; mais au fil du temps, ils ont fini par fraterniser et nous sommes sortis de là avec la mise sur pied d'un comité de suivi et des propositions. Ce comité de suivi a été financé par l'ambassade des Etats-Unis pendant six mois. L'ambassade a mis à notre disposition un secrétaire et les responsables ordinaires du ministère ont continué à encadrer le mouvement. Les Américains nous ont offert un voyage sur les Etats-Unis avec les mêmes représentants des partis politiques. Nous sommes allés donc aux Etats-Unis et avons suivi les élections de John Kerry et George Bush en direct. On est parti voir la démocratie, les institutions de prévention de crise, ainsi de suite. Nous partis politiques, quand nous sommes revenus, aucun représentant n'a été capable de pousser son organisation à prôner la paix et la réconciliation. Parce que dès qu'on se retrouve dans les partis politiques, ça devient autre chose. Donc voilà les efforts que nous avons fournis et qui n'ont pas prospéré malgré la bonne volonté des uns et des autres. Et c'est à ce niveau que je voulais vous parler de l'hypocrisie des hommes politiques. Il faut noter cela. Dans la mission que je conduis depuis bientôt cinq ans, j'ai constaté l'hypocrisie. On ne peut pas lutter contre l'hypocrisie. C'est vraiment une gangrène. Ici, on travaille à condition que ce ne soit pas profitable. On dit oui et c'est non après, on veut faire bien pour faire plaisir. Or moi, ce n'est pas pour faire plaisir ; je fais sincèrement mon travail. Donc celui qui est en face, s'il n'est pas content qu'il me le dise. Ainsi, je peux essayer de réorienter ma méthode, au lieu de dire oui alors que sincèrement on ne le pense pas. Les hommes politiques ont fait preuve de beaucoup d'hypocrisie dans cette affaire. Il y a eu des associations de réconciliation qui ont été créées mais qui parlent de tout sauf de la réconciliation. Il y a eu même une organisation parlementaire pour la paix et ce n'est pas pour parler de paix. J'ai côtoyé toutes ces organisations et je suis arrivé à la conclusion aujourd'hui que personne ne parlait réellement de réconciliation ni de paix. Les gens parlaient pour eux-mêmes. Une nouvelle situation est créée et tout le monde veut en profiter, c'est tout. A côté d'eux effectivement, il y a eu des ONG très engagées qui ont travaillé de façon bénévole et qui ont fait du bon travail sur le terrain.

Les initiatives engagées
On les a répertoriées. Voici ce que nous avons fait: sensibilisation, tournée, règlement de conflits de cohabitation, conflit foncier, formation des agents de la paix, on les a appelés les bâtisseurs de la paix. On a mis en place des comités de réconciliation et de paix dans les dix communes d'Abidjan et à l'intérieur du pays. On a fait beaucoup de tournées sur le terrain. Et puis on s'est rendu compte que la réconciliation qui était rejetée par les Ivoiriens en mars 2003 jusqu'à fin 2003, a fini par être acceptée par tous. Les Ivoiriens eux-mêmes se sont impliqués dans la réconciliation et aujourd'hui ils s'approprient la réconciliation. Nous avons fait beaucoup de choses, mais en matière de réconciliation, il est difficile de faire un bilan parce que ce n'est pas quelque chose de concret, ce n'est pas palpable. C'est ce qui se passe dans les c?urs des uns et des autres. Ma seule satisfaction c'est quand je vois aujourd'hui qu'en Côte d'Ivoire, il y a des multitudes de maquis qui se créent et qu'on appelle ??maquis de la réconciliation'', il y a des tournois de football et des soirées dansantes qu'on appelle ??soirées de la réconciliation''. Mouvements de réconciliation par-ci, mouvements de réconciliation par-là, même si fondamentalement ce n'est pas pour faire la réconciliation mais pour gagner quelque chose. Cependant, le fait d'en parler déjà peut agir sur le moral des uns et des autres et conduire vers la réconciliation. Ce que je retiens fondamentalement, c'est que même avant la signature de l'Accord de Ouagadougou, des jeunes se sont levés pour dire qu'à partir d'aujourd'hui nous nous engageons dans le processus de réconciliation et de paix. C'est le cas du Cojep (Congrès panafricain des jeunes patriotes : ndlr). Mais avant le Cojep, vous vous souvenez que des jeunes se sont levés aussi pour dire : nous avons assez de la guerre, désormais on va aller vers la paix et la réconciliation .
Ce que nous avons fait, on peut le quantifier sur le plan numérique mais on ne peut pas fondamentalement le mesurer, on ne peut pas mettre un nom là-dessus. Ce que nous avons fait c'est la sensibilisation, ce sont nos missions. Le nombre de missions que nous avons effectuées sur le terrain, le nombre de séminaires, le nombre d'ateliers, c'est cela qu'il faut comptabiliser pour voir si on a travaillé ou non. Mais on a tout essayé et notre dernier espoir, ce sont les comités locaux de réconciliation et de paix que nous voulons mettre en place dans toute la Côte d'Ivoire. Ce sont ces comités qui peuvent nous servir de relais car nous sommes de passage. Malheureusement, je n'ai pas beaucoup de moyens pour permettre à ces comités de fonctionner.

Rapport avec le G7
Nous allons revenir sur le directoire. Ce que je n'ai pas encore dit c'est qu'à partir de 2004, les partis politiques membres de ce directoire ont décidé d'avoir comme porte-parole M. Djédjé Mady. Ce qui fait que toutes les fois que je vais voir un des partis signataires de l'accord du G7, ils me demandent de me référer au directoire. C'est ce qui a bloqué le contact. Sinon on a des contacts personnels avec des individus en tant que leaders de parti. 2004 a tout changé. Avant cette année, il y avait de bons rapports entre les uns et les autres. Nous sommes des êtres humains aussi. Tu vas voir quelqu'un qui ne va pas t'écouter, cher ami il faut procéder autrement. Et ce autrement là, c'est de m'appuyer sur la société civile, sur les autres qui sont de l'autre côté. C'est ce que nous avons essayé de faire. On a eu des difficultés c'est vrai, mais il faut changer de stratégie quand on a des difficultés. Je vous ai parlé comme ça parce que les partis signataires de l'accord de G7 voulaient à chaque fois que, s'il y a un problème, on se réfère à leur directoire .Voilà la vraie raison.

La cause de la guerre
La vraie cause de la crise. On a fait le tour du dossier et l'on a compris que fondamentalement, que ce soit la xénophobie, que ce soit le racisme, etc. ça existe, mais ce n'est pas ça qui nous a apporté la guerre. Ça a servi pour le dire, mais fondamentalement ce n'est pas cette base-là qui est à l'origine de la guerre en Côte d' Ivoire. C'est l'accession au pouvoir. Il faut que cela soit dit et que par rapport à cela on lutte pour la démocratie et montrer les moyens, les structures et tout ce qu'il faut faire pour aller à la démocratie vraie pour que demain, celui qui veut être au pouvoir soit au pouvoir et que les autres suivent. La xénophobie dont on a parlé existe bel et bien, mais pas sous la forme de la guerre.
Ce sont les tracasseries policières que les gens ont transformées en xénophobie. Quand nous voyageons par car, nous sommes souvent interpellés, fouillés par les policiers qui contrôlent les pièces. En Côte d'Ivoire, il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas de pièces malheureusement. Nos parents n'ont pas la notion des pièces. J'ai établi l'extrait de naissance de ma propre mère à deux ans de son décès, en faisant appel à ses oncles qui étaient encore en vie. Ma mère n'avait pas de pièces parce que le Noir ne voyage pas. Donc nous qui sommes dans les zones forestières, nos parents qui ne voyagent pas ne se soucient pas des pièces d'identité. On les obligeait à nous établir des pièces pour pouvoir nous scolariser. Ce qui fait que c'est seulement nous qui sommes allés à l'école qui avons des pièces. Donc on ne peut pas dire : c'est parce qu'en Côte d'Ivoire on n'a pas les pièces qu'on a pris les armes. Autant au nord, ils n'ont pas de pièces autant les gens au sud n'ont pas de pièces.

Les pièces d'identité
Ce sont tous les Ivoiriens qui n'ont pas de pièces. Ce sont quelques rares d'entre eux qui en ont eu parce qu'ils y ont été contraints. Quelles sont les personnes qui sont le plus soumises au contrôle des pièces ? Evidemment ce sont les personnes qui voyagent le plus qu'on contrôle. Qui sont les personnes qui voyagent le plus ? Ce sont les commerçants. Ils quittent Korhogo pour venir acheter leurs marchandises à Abidjan. Ils prennent le car tout le temps, ce sont eux donc qui sont contrôlés. Ils arrivent au corridor on les contrôle une fois, leur carte d'identité on la tourne dans tous les sens. D'ailleurs même c'est mal écrit, et pourquoi c'est plié comme ça ? . On invente n'importe quelle raison pour leur soutirer un peu de sou. Il faut le dire, il y a des agents véreux parmi nos forces de sécurité qui jouent à ce jeu-là et qui à la limite créent des problèmes à la Côte d'Ivoire. Ce vieux ou cette vieille qui a subi cette tracasserie voyage. Pour passer, on donne l'argent ; au retour on est contrôlé par la même personne ou par une autre et finalement on finit par rejoindre son lieu d'habitation. Cinq mois plus tard, la personne revient et c'est la même chose. Une fois, deux fois la personne revient et commence à se poser des questions. Oui, c'est parce que je suis comme ça qu'on me contrôle tout le temps . Et ainsi de fil en aiguille c'est devenu le problème de la Côte d'Ivoire. Oui on contrôle les hommes en boubou . C'est de cela qu'on parlait souvent. Mais c'est parce que ce sont des commerçants, eux qui ont souvent le contact avec la police. Les autres sont assis chez eux. Ils n'ont pas de contact. Le Bété, le Guéré qui est assis là-bas (dans son village : ndlr) ne voyage pas. Il est là-bas dans la brousse. Ce sont ceux qui voyagent qui ont beaucoup de contacts avec la police. Ce sont ceux là qui ont été souvent interpellés par la police et qui ont senti qu'il y avait un problème d'ethnie, un problème de religion. A cela, il faut aussi ajouter les problèmes effectivement politiques qui faisaient aussi allusion à tout ça. Donc tout cela mis bout à bout, c'est devenu un problème, on l'a transformé en xénophobie alors qu'en réalité il n'en est rien. La preuve en est que depuis qu'on explique, on ne parle plus de xénophobie. Là aussi je veux dire à nos parents musulmans d'Anyama, notamment les conducteurs d'automobile (ceux qui font le transport en commun). Ils n'ont pas de pièces et même le véhicule n'a pas de pièces Eux-mêmes prêtent le flanc. Quand il quitte Anyama pour venir à Abidjan, il y a un premier policier qui l'arrête. Comme il n'a pas de pièces, il est prêt à donner de l'argent pour passer. Quand il le fait, il oublie que le policier est un être humain. Ce dernier a ses petits copains qu'il informe à Abobo par téléphone. Quand le véhicule arrive à Abobo, ils contrôlent aussi et le conducteur paye avant de passer. En revenant, ce n'est plus les mêmes policiers qui sont sur la route parce qu'ils ont des temps de présence aux barrages. Comme les premiers n'ont pas délivré de papillon pour te verbaliser, un autre agent t'arrête, tu n'as pas de pièces, tu payes encore. C'est tout cela qu'on a appelé xénophobie. Mais c'est de notre propre faute. Qu'est-ce qu'il faut préconiser ? Il faut tout faire pour que l'identification dont on parle puisse se faire dans la sérénité et que tous les Ivoiriens et tous ceux qui vivent dans ce pays aient des pièces pour circuler. S'il est étranger, il faut qu'il ait des pièces d'étranger pour circuler tranquillement. Et si c'est fait ainsi, nous serons prêts à les défendre. Là où ils seront interpellés de façon injuste, de façon humiliante, on est prêts à les défendre. Mais il n'a pas de pièces et comme nous veillons sur la sécurité de la Côte d'Ivoire, on ne sait pas qui est qui ? Donc c'est cela qui fait un peu les problèmes de ce pays. Voilà ce que je voulais dire sur ce dossier de xénophobie.

Que faire ?
La méthode utilisée est de leur expliquer qu'il ne s'agit pas de xénophobie. Mais c'est ce qu'on leur dit. Puisqu'il y a des personnes qui veulent envenimer la situation, elles donnent d'autres explications. Des hommes politiques en l'occurrence. On dit : toi on t'a contrôlé parce que tu es en boubou. Toi on t'as contrôlé parce que tu es musulman . Et quand on lui dit ça, le pauvre va raconter ça à son voisin et ainsi de suite ; cela devient un problème national. En 2003 quand j'ai fait ma tournée à Adjamé, quelqu'un a témoigné qu'une personne en tenue est allé sur le marché et a dit : Donnez-moi l'argent. Comme Gbagbo ne me paye pas, je suis venu pour racketter . La femme qui a vu l'homme en treillis pense qu'il est républicain ; donc elle accuse l'Etat. Mais comment une pauvre dame qui est assise au marché peut faire la part des choses ? Nous avons du travail à faire. Un travail de sensibilisation. Vous les journalistes, tout le gouvernement, nous devions expliquer ça aux uns et aux autres pour dire que nous avons nos problèmes. Nous sommes des hommes qui avons des comportements quelque peu désordonnés, d'escroc quelquefois ; mais tout ça c'est la société. Et c'est en dénonçant ces cas-là que nous arriverons à construire une société humaine, d'hommes honnêtes. C'est un dossier très complexe, mais c'est ensemble qu'on peut y arriver.

Pérenniser la paix
Dans nos traditions africaines, on ne peut pas aller vers une personne et lui demander de pardonner sans apporter un présent, un symbole. Effectivement, quand je vais dans les différentes localités, après avoir discuté avec les parents, je suis obligé de payer leur boisson. Même les négociations que nous menons ne sont pas souvent officielles. On mène beaucoup de négociations souterraines dans le bois sacré. C'est-à-dire qu'on prend une personne qui est influente sur le terrain pour aller déblayer le terrain avant qu'on arrive. Et tout cela il faut payer. Le cadre qui est assis ici s'en fout de votre réconciliation. Mais tu as besoin de lui, il faut le mettre en mission et tout cela demande de l'argent. Il faut payer tout ce qu'on fait et c'est coûteux. Donc on a besoin d'argent. Même quand on a fini, il faut laisser surplace quelque chose qui puisse veiller sur la paix. On appelle ça Comités locaux de réconciliation par exemple. La nouvelle démarche depuis un certain temps et le gouvernement ne nous a pas toujours suivi, par manque de moyens certainement, on a toujours dit que là où l'on règle les problèmes, il faut mettre en place une structure, une activité qui puisse permettre aux jeunes d'être occupés. Et c'est ce que nous avons pu avoir avec le GTZ (coopération allemande de développement : ndlr). Donc créer des activités génératrices de revenus pour que les jeunes soient occupés. C'est parce que nos jeunes ne sont pas occupés qu'ils sont prêts à aller à des affrontements. Ils ont des comportements belliqueux parce qu'ils ne sont pas occupés. Il faut les occuper ; c'est pourquoi nous avons salué la création du service civique par le Président de la République. Le service civique va s'adresser aux jeunes ex-combattants, mais aussi à tous les jeunes. Il manque aussi un volet, qui est celui de la crise villageoise de tous les jours. Donc il faut chercher des compléments à ce volet pour que ce soit un tout. On appelle ça un projet intégré. Et l'autre projet paix et développement qui est un projet intégré est bien venu pour régler ce genre de problème.

Accord de Ouaga
Etre impliqué ou ne pas l'être dans les accords de Ouaga n'est pas le plus important. Le plus important, ce sont les résultats que ces accords me donnent. Aujourd'hui, je reconnais que ces accords sont devenus comme un accélérateur du processus de réconciliation en Côte d'Ivoire. Le Président Gbagbo, le Premier ministre Soro, vous les avez vus à Yamoussoukro, à Tiébissou, à N'gatadolikro. Il n'y a pas meilleure image qui puisse aujourd'hui me permettre d'agir sur le terrain. Les populations vont tirer les conséquences de ces images. C'est un appui, un outil formidable pour moi pour aller à la réconciliation parce que mes collaborateurs et moi avons beaucoup souffert sur le terrain. Sur le terrain, on nous dit que nous parlons de paix, mais il suffit que les deux se mettent d'accord pour que nous aussi nous nous entendions. Aujourd'hui qu'ils sont d'accord, qu'est-ce qu'on fait sur le terrain ? C'est pourquoi je suis heureux de constater que les jeunes emboîtent le pas à leurs leaders.

Rapport avec les Forces nouvelles
J'entretiens des rapports de courtoisie avec les Forces nouvelles. Ce sont des jeunes que j'ai côtoyés dans le premier gouvernement. Mais comme ils sont de l'autre côté, je n'ai pas d'autorité sur eux. Je suis leur aîné pour la plupart et nous avons de très bons rapports de courtoisie. Avec Tuo Fozié, Gueu Michel et Koné Messamba qui étaient ministres, c'était formidable quand on se retrouvait. Et on se voue une considération mutuelle. Mais en même temps que nous avons ces rapports, on joue un peu à cache-cache. Il y a des moments quand j'ai envie de faire certaines choses, ils sont d'accord. Et au moment où tout doit se concrétiser, ils trouvent des arguments pour ne plus que ça se passe. Parmi les hommes politiques, comme j'ai eu à le dire, il y a beaucoup d'hypocrisie. A l'époque, ce que je faisais ne les arrangeait pas. Mais ils acceptaient, et après ça ne se réalisait pas. Quand ils sont prêts, moi je ne le suis pas. Et quand je suis prêt, eux ne le sont pas. Je pense qu'avec la situation actuelle, nous avons en commun un projet de futur pour la Côte d'Ivoire. C'est ce que nous avons vu récemment. Les jeunes des Forces nouvelles et moi avons de bons rapports. Je suis déjà allé animer des conférences débats. Je devrais célébrer une cérémonie de réconciliation que les jeunes des ONG de là-bas ont initiée. Mais avec les événements, on n'a pas encore réussi à tout ficeler. Ils sont inscrits dans le processus de réconciliation, il n'y a pas de raison qu'on n'aille pas plus loin.

Propos recueillis par Paulin Zobo
Brou Parfait
Edgard Yéboué
Nimatoulaye Ba
Hervé Koutouan
Casimir Djézou
Coordonnateur Michel Koffi

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023