lundi 16 avril 2007 par Fraternité Matin

Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ne nous soumettez pas à la tentation, mais délivrez nous du mal. Amen?. C'est par ces phrases fortes que se termine la prière chère aux chrétiens: Notre père. En la récitant hier à l'Eglise, au Temple, ils avaient encore en mémoire les propos du Premier ministre Soro Guillaume à l'occasion de son premier message à la Nation en sa qualité de Chef du Gouvernement. Ce discours était très attendu. Les Ivoiriens souhaitaient surtout entendre un seul mot: pardon!
Avec subtilité et intelligence, le Premier ministre a prononcé le mot que des millions d'Ivoiriens attendaient de lui pour soulager leur peine, pour attendrir leur c?ur et préparer leur esprit à la paix par le pardon. La guerre a fait beaucoup de mal à notre pays. Nous en sommes tous responsables à des degrés divers.
De secrétaire général des Forces nouvelles, je suis aujourd'hui le Premier ministre de tous les Ivoiriens. En cette qualité et au nom de l'institution que j'incarne, je demande pardon pour tous et au nom de tous?.
D'ailleurs, dans sa très grande majorité, la presse a perçu ce message et en a fait le principal titre de sa parution du week-end. Il importe désormais de comprendre que le succès du processus actuel de paix repose sur la co-responsabilité. Finie l'heure des blâmes sans nuances et des procès.
Que la pierre soit allée à l'?uf ou que ce soit l'?uf qui ait été jeté sur la pierre, le résultat est le même : l'?uf a été cassé. La guerre fratricide qui a divisé la Côte d'Ivoire en deux pendant des années est une plaie à guérir, à cicatriser. Après des années de pourparlers avortés et d'accords inopérants qui ont eu pour conséquence d'agrandir la fracture entre le Nord et le Sud, de démultiplier le nombre des pauvres, la sagesse commandait de taire les questions d'amour-propre, de susceptibilité, d'ego et de vanité.
Avec la conclusion de l'Accord de paix de Ouagadougou, l'arrogance du vainqueur a fait place, dans les deux camps, à l'humilité de ceux qui veulent aller à la paix. Force est de reconnaître le rôle important joué dans la pacification des c?urs par l'intelligente et opportune caravane de la paix initiée par Blé Goudé. A sa suite, toute la galaxie patriotique, que la presse française aimait désigner sous l'appellation de farouches partisans de Gbagbo, a entonné l'hymne de la paix à travers des meetings de sensibilisation à la paix. La fin des invectives et des propos hostiles a, petit à petit, mis en confiance ceux qui étaient encore en proie au doute en Zones Forces nouvelles. On assiste également dans la presse au retour du bon ton, responsable, qui ne signifie pas qu'elle renonce à son esprit critique. On le voit, toutes les énergies et toutes les intelligences se conjuguent pour donner une chance à la paix, sans laquelle la Côte d'Ivoire, pays phare et locomotive de l'Afrique de l'Ouest, contrarierait inexorablement son développement et compromettrait inéluctablement les efforts des autres pays arrimés à son train. C'est ce que semblent avoir compris tous ceux qui, à l'extérieur (CEDEAO, Union africaine, Union européenne, ONU..), apportent quotidiennement leur soutien au processus de paix enclenché et promettent leur aide à la reconstruction du pays.
Pour mériter la confiance de l'extérieur, les Ivoiriens doivent démontrer leur ardent désir de vivre de nouveau ensemble, dans un seul et même pays, uni, fraternel, ouvert, hospitalier. Comme le leur recommande vivement le Premier ministre Soro Guillaume, ils doivent sortir des logiques d'affrontement. Pendant cinq ans, nous l'avons fait sans résultat. Nous nous sommes mesurés, injuriés, battus, tués sans résultat. Changeons de cap?.
Quelle leçon tirer de ce message à la nation? Il démontre à merveille qu'une symphonie s'est instaurée à la tête du pays. Le Premier ministre et le Chef de l'Etat ont presque les mêmes thèmes d'interpellation ou de mobilisation des Ivoiriens. Le 2 janvier 2007, le Président Laurent Gbagbo a fait encarter dans Fraternité Matin des v?ux de paix en ces termes: J'invite chacun à l'ouverture d'esprit, à la tolérance envers les autres et à la détermination à obtenir la paix pour la Côte d'Ivoire. Bonne et Heureuse année 2007?
A l'occasion de ses v?ux officiels à la Nation, il a lancé un vibrant appel en faveur de la paix. Je demande encore une fois ce soir à ceux qui ont pris les armes de les déposer, de venir au dialogue. Je demande à la classe politique de quitter définitivement la voie des armes. Puisse l'année 2007 être l'année de la paix et des élections! L'année de la réunification du pays, l'année de la réconciliation nationale. C'est mon v?u le plus cher?.
Mieux encore, après la signature de l'Accord de paix de Ouagadougou, il a adressé le 9 mars un message à la nation dans lequel il a fait savoir qu'il n'y avait pas de victoire d'un camp sur un autre. C'est la victoire de tout le peuple ivoirien?. Il a particulièrement insisté sur le rôle primordial de la presse, tant nationale qu'internationale. Il l'a suppliée de s'approprier cet accord, tout comme les jeunes, les femmes, la société civile, les travailleurs et les partis politiques. Il a prié les Ivoiriens d'apprendre à pardonner pour rendre la réconciliation possible et leur permettre de vivre ensemble dans la fraternité retrouvée. Le Premier ministre les enjoint à son tour de faire preuve de professionnalisme et de discernement dans le traitement de l'information?. Il leur a confié un important chantier: celui de travailler à l'amélioration et au repositionnement de l'image de la Côte d'Ivoire.


En définitive, le chef du gouvernement s'inscrit résolument dans la vision de la co-gestion responsable définie à Ouaga, avec pour principe fondateur la cohabitation dans le respect des différences. C'est en parlant de la formation laborieuse du gouvernement qu'il définit sa philosophie d'action en tant que Premier ministre : J'ai choisi la voie du compromis et du dialogue. Et j'entends, dans la mesure du possible et pour ce qui dépend de moi, privilégier l'approche consensuelle dans la mise en ?uvre de l'accord et dans mes relations avec les autres responsables politiques ivoiriens?. Tous ceux qui souhaitaient avec jubilation des duels au sommet de l'Etat ou des relations tendues avec les autres acteurs politiques risquent d'être déçus : Soro Guillaume refuse d'être un gladiateur qu'on pousse dans l'arène en l'ovationnant (avec beaucoup d'hypocrisie et au nom d'intérêts égoïstes particuliers). Dans le contrat de confiance qu'il entend établir avec les Ivoiriens, il s'est engagé à faire preuve d'impartialité et à toujours privilégier le dialogue et la concertation dans l'exercice de mes fonctions?. Concertation permanente avec le Président de la République. Concertation permanente avec le peuple?. Quand, enfin, il achève son message par cette formule, Que Dieu bénisse notre chère patrie?, il confond tous ceux qui faisaient le reproche au Président Gbagbo de conclure tous ces discours par des incantations religieuses.
Et maintenant? Chacun doit accepter de pardonner. Le PDCI doit accepter de pardonner le coup d'Etat de 1999; le RDR doit accepter de pardonner les humiliations faites à Ouattara et à ses militants; le FPI doit accepter de pardonner le coup d'Etat du 19 septembre 2002 qui s'est mué en rébellion; l'UDPCI doit accepter de pardonner la mort tragique de Guéi. Tous ceux qui ont été victimes de l'Ivoirité, de l'Exclusion, de la Xénophobie, du délit de patronyme ou de religion doivent accepter de pardonner. Pardon, pardonnez à tous ceux qui vous ont offensés!
Et empruntons, ensemble, le chemin qui mène à la paix. La vraie.


Par
Jean-Baptiste Akrou

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