Depuis 72 heures, la Côte d'Ivoire a un nouveau gouvernement. Rendue publique samedi dernier, cette nouvelle mouture de l'équipe gouvernementale suscite bien des inquiétudes.
La primature et cinq petits ministères dont notamment la Justice, la Solidarité et les victimes de guerre, l'Enseignement technique, le Commerce, le Tourisme et l'artisanat, ainsi que l'Intégration. Voici, pêle-mêle, ce qu'ont obtenu les Forces nouvelles dans le gouvernement rendu public eu égard à la taille et au poids de leur mouvement. Mais aussi et surtout vu tout le processus qui a conduit à la formation de l'équipe. Les Forces nouvelles, en effet, sont l'un des deux belligérants de la crise ivoirienne. C'est d'ailleurs à ce titre qu'elles sont allées dialoguer directement avec l'autre belligérant en l'occurrence, le camp présidentiel. A deux donc, le pouvoir et l'opposition armée ont tracé, à Ouagadougou un mois durant, le cadre institutionnel de la nouvelle transition qui a vu partir l'ancien premier ministre Charles Konan Banny. Lors des négociations et juste avant, l'on a appris que Guillaume Soro exigeait des garanties, pour être plus précis, des pouvoirs avant d'accepter le poste de Premier ministre que lui proposait Gbagbo. On ne sait pas jusqu'au jour d'aujourd'hui, si Soro a eu les pouvoirs qu'il attendait de Gbagbo ou si ce dernier a délégué à son premier ministre les pouvoirs qu'il réclamait. Mais de façon officielle, il semble que non. La presse n'a pas encore connaissance d'un quelconque pouvoir que le Pr aurait délégué à son PM. Pourtant, il (le PM) en avait fait un préalable à la signature de son décret de nomination. Il n'empêche. Soro a accepté d'être le premier ministre de Gbagbo après avoir déclaré haut et fort que ce poste ne l'intéressait outre mesure. Dans le gouvernement rendu public la veille de la fête de Pâques et dont il est le chef, Guillaume Soro et ses camarades y présentent piètre figure. De par sa composition et l'ordre protocolaire, les Forces nouvelles sont au dernier plan. D'abord par sa composition. Aucun ministère de souveraineté. Ensuite dans l'ordre protocolaire, on a constaté qu'en l'absence du président de la République et en cas d'empêchement du Premier ministre, tout échoit au FPI. L'intérim sera assuré par Bohoun Bouabré, ministre d'Etat qui vient juste après Soro, donc qui en est le numéro deux. Soit par Désiré Tagro, tout puissant ministre de l'Intérieur. Soit encore par Amani N'guessan, ministre de la Défense. Le ministre des Affaires étrangères qui figure en bonne place dans un gouvernement normal est en cinquième position. Cette ossature de l'équipe a fait dire à des observateurs de la vie politique ivoirienne que ce gouvernement présente le faciès d'un gouvernement d'ouverture. C'est-à-dire que c'est comme si l'on était sorti des élections avec la victoire du FPI et qui fait un clin d'?il à son opposition. Il ressemble trait pour trait, ce gouvernement, à celui du 05 Août 2002. Où on retrouverait à la Sécurité Boga Doudou, Lida Kouassi à la Défense, Abou Drammane Sangaré aux Affaires étrangères, Bohoun Bouabré à l'Economie et aux Finances et Oulaï Siené à la Justice. Puis, il y a eu la guerre et il y a eu Marcoussis. Et un nouveau gouvernement. Avec une entrée fracassante et remarquée au gouvernement. Pêle-mêle Guillaume Soro à la Communication, Issa Diakité à l'Administration territoriale, des personnalités neutres à la Sécurité et à la Séfense, Michel Gueu au Sport et Loisirs, un haut cadre des Forces nouvelles à la Recherche scientifique. Dans le gouvernement de Banny, le premier responsable des Forces nouvelles monte numéro deux du gouvernement. Et quelques postes stratégiques sont concédés aux ex-rebelles. Comment se fait-il, alors que dans ce gouvernement où la primature est entre leurs mains, les Forces nouvelles héritent des portefeuilles insignifiants ? Etaient-elles omnibulées par la primature ? Est-ce pour ce seul poste significatif qu'elles ont pris les armes ? Et si leurs adversaires et ceux qui les dénigrent en déduisaient que leur leader a bradé la lutte ? Des questions. De simples questions. Rien que des questions.
Paul Koudou