samedi 7 avril 2007 par Notre Voie

Emile Kima est Burkinabé d'origine. Arrivé avec ses parents en côte d'Ivoire à l'âge de six mois, il a aujourd'hui, quarante ans. Marié à une ivoirienne originaire d'Adzopé, cet ancien rugbyman qui a porté les couleurs de l'équipe nationale de Côte d'Ivoire se présente volontiers comme le produit achevé de la fraternité ivoiro-burkinabé. Depuis le début du dialogue direct, il a pris la tête d'une caravane pour appeler Ivoiriens et Burkinabé à réapprendre à vivre comme avant. Entretien.

Notre Voie : Pourquoi un comité de soutien au président Blaise Compaoré et au CDP son parti politique en Côte d'Ivoire ?
Emile Kima : J'ai créé ce comité de soutien parce que j'aime bien le président Compaoré et les actions qu'il pose en faveur de tous mes compatriotes. Depuis qu'il est au pouvoir, quand je vais à Ouagadougou, qui est ma terre natale, je vois qu'il y a beaucoup de progrès. Or je pense que quelqu'un qui travaille bien doit être encouragé. Voilà pourquoi j'ai créé le comité de soutien au CDP aux actions du président Blaise Compaoré.

N.V. : Est-ce à dire que le travail que fait la section ivoirienne du CDP ne vous satisfait pas ?
E.K. : Je n'ai pas de problème avec la section du CDP en Côte d'Ivoire. Nous nous entendons d'ailleurs très bien. Notre secrétaire de section est associé à tout ce que nous faisons et je peux vous assurer qu'il nous encourage.

N.V. : Depuis quelques jours votre structure entreprend une tournée dans le district d'Abidjan. A quel besoin répond cette tournée ?
E.K. : Je fais cette tournée pour dire à mes compatriotes que cette terre de Côte d'Ivoire nous profite à nous tous. Et que si elle a un problème, c'est notre problème à tous, Ivoiriens et Burkinabé. Ici, c'est comme si nous étions à Ouagadougou. Donc s'il y a un problème et que nous pouvons faire quelque chose pour aider à resoudre ce problème, il n'y a pas de raison que nous ne le fassions pas. C'est pourquoi je demande à tous mes compatriotes de sortir pour soutenir le CDP, le dialogue direct et travailler au retour de la paix en Côte d'Ivoire. Parce que, sans la paix, tout ce que nous faisons sera réduit à néant. C'est avec la paix qu'on peut faire aboutir des projets. Pour nous donc, le dialogue direct est le bienvenu. C'est pourquoi je sillonne le district d'Abidjan pour appeler mes compatriotes à sortir pour soutenir ce dialogue direct. Surtout que c'est notre président qui en est le facilitateur. Nous prions pour que ça marche, et je pense qu'il n'y a pas de raison pour que ça ne marche pas.

N.V. : Quelle est la réaction de vos compatriotes à votre message ?
E.K. : C'est une bonne réaction. Ils me reçoivent très bien et m'encouragent. Ils sont contents que quelqu'un vienne taper à leur porte pour leur dire que la Côte d'Ivoire et le Burkina forment un même pays. La Côte d'Ivoire et le Burkina, c'est monsieur et madame. Ce qui s'est passé, c'est une brouille. C'est du passé. C'est pourquoi j'appelle Ivoiriens et Burkinabé à tourner la page. Nous Burkinabé, nous sommes très nombreux en Côte d'Ivoire et nous n'avons aucun intérêt à ce que ce pays brûle. On veut être solidaire, pour que tout marche.

N.V. : Jusqu'à un passé très récent, notamment au début du dialogue direct, les relations entre le Burkina et la Côte d'Ivoire étaient très tendues. Comment gériez-vous cette situation ?
E.K. : Chaque pays a une histoire. Et, ce qui est arrivé à la Côte d'Ivoire fait aujourd'hui partie de son histoire. Pour moi, tout ce qui est arrivé devait arriver. Et en tant que croyant, je dis qu'on peut dribbler tout le monde, sauf Dieu. Aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé, on assiste à un changement. Parce qu'autant les Ivoiriens ont perdu, les Burkinabé ont perdu. Je pense qu'on doit oublier, sinon on ne pourra pas avancer. Il faut que notre génération puisse le comprendre. Il faut que les Africains le comprennent.

N.V. : Malgré votre volonté d'aller de l'avant, est-ce que vous évoquez quand même avec vos compatriotes les problèmes qui les préoccupent ?
E.K. : Quand j'écoute mes compatriotes, le sentiment que j'ai, c'est qu'il ne faut pas trop se fier aux propos des hommes politiques si vous ne voulez pas être divisés. Moi, je suis burkinabé et ma femme est ivoirienne. Mais elle est aujourd'hui burkinabé de par ce mariage. Nous avons déjà plus de dix ans de mariage. Si je veux la nationalité ivoirienne, il y a une voie à suivre. Je fais mes papiers et, si je le mérite, on me la donnera. Les burkinabé sont des gens intègres et sans histoire. Si vous allez jusque dans les plus petits campements, vous verrez des burkinabé. Donc je pense que tout ce qu'on évoque est plutôt monté en épingle par les hommes politiques.

N.V. : Vos compatriotes ont-ils le sentiment d'être détestés et dépossédés de leurs biens en Côte d'Ivoire ?
E.K. : Certains disent effectivement parfois avoir été dépossédés de tel ou tel bien. Mais moi, je pense que c'est parce qu'il y a eu la guerre. Sinon, avant, il n'y avait pas tout ça. Un burkinabé ne s'était jamais plaint auparavant. Il faut que mes compatriotes comprennent que quand il y a la guerre, tout peut arriver. Sont-ils les seuls à avoir perdu quelque chose dans cette guerre ? Les ivoiriens aussi ont payé un lourd tribut à cette guerre. Et, avec eux, tous les autres africains et nos autres frères qui vivent avec nous ici. C'est pourquoi on ne doit pas utiliser ces problèmes supposés ou réels pour accentuer la fracture. La guerre ne trie pas. Elle ne choisit pas Pierre au détriment de Paul. Je pense que nous devons aller de l'avant, au lieu de retourner le couteau dans la plaie. C'est ce que j'essaie de faire comprendre à mes compatriotes. Je leur demande de se mettre au-dessus de tout ça pour réapprendre à vivre avec leurs frères ivoiriens dans la confiance.

N.V. : Certains de vos compatriotes qui sont à peu près dans la même situation que vous se plaignent de ne pas être intégrés. Qu'en pensez-vous ?
E.K. : Moi, personnellement, je n'ai pas ce problème. On n'a pas ce problème. Il ne faut pas que les gens extrapolent leurs propres difficultés. Je vous dis que tout ce qui arrive, c'est à cause de la guerre. Et, en pareille circonstance, chacun se lève et dit n'importe quoi. Certains esprits malins en profitent. Mais nous ne connaissons pas de problème d'intégration en Côte d'Ivoire.

N.V. : Un des problèmes qui intéressent vos compatriotes, c'est celui des conflits fonciers. Est-ce qu'ils vous en parlent ?
E.K. : Aujourd'hui, mon combat, c'est la paix. Parce que c'est avec la paix qu'on peut tout faire. Pour les autres problèmes que vous évoquez, je pense qu'une fois la paix revenue, je fais confiance à nos deux chefs d'Etat pour regarder la situation de près et trouver des solutions justes pour les ivoiriens et pour les burkinabé.

N.V. : Dans vos meetings, que dites-vous concrètement pour traduire cet état d'esprit ?
E.K. : Je dis à mes compatriotes que la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso sont appelés à vivre ensemble. Je leur dis qu'aucun être humain ne peut vivre sans intestin. Je les invite à la communion avec leurs frères ivoiriens. Quand nous organiserons bientôt l'apothéose, nous mettrons burkinabé et ivoiriens ensemble pour montrer à l'opinion nationale et internationale que nous n'avons pas de problème avec les ivoiriens. Les ivoiriens n'ont pas de problème avec les burkinabé. Bien au contraire, ils sont appelés à vivre ensemble. Il y a un métissage, il y a l'histoire. Il y a beaucoup de chose, qui nous lient pour qu'un burkinabé fasse des palabres avec un ivoirien. Aujourd'hui, quand je vais à Ouagadougou, c'est comme si j'étais à Abidjan. Sur l'avenue Kouamé Nkrumah jusqu'à Ouaga 2000, la musique qu'on écoute, c'est la musique ivoirienne. Quand un burkinabé vient à Abidjan, il se sent chez lui. C'est ça notre combat.



Interview réalisée par Guillaume T. Gbato

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