samedi 7 avril 2007 par Notre Voie

Charles Konan Banny, ancien Premier ministre de Côte d'Ivoire, était hier, l'invité de Radio France Internationale (RFI). Il dresse dans cette interview, son bilan à la tête de la primature et lève un coin de voile sur ses ambitions politiques.

RFI : Charles Konan Banny bonjour. Est-ce que ce n'est pas frustrant de ne pas achever ce qu'on a commencé ?
Charles Konan Banny : Si, un peu. Il faut être franc. Surtout lorsqu'on a la foi. Mais comment voulez-vous organiser des élections où il n'y a pas de confiance ? J'ai surtout travaillé pour le retour de la confiance () avec les heurts et les malheurs que vous savez, disons les hésitations, les blocages des uns et des autres. Voilà pourquoi nous n'avons pas pu organiser les élections. Mais je pense que ce n'est que parti remise, je l'espère.

RFI : Alors, les heurts et malheurs, comme vous dites, les premiers mois, vous disiez, je vais faire tandem avec Laurent Gbagbo. Pourquoi, le tandem a-t-il fait une sortie de route ?
C.K.B : Il a fait une sortie de route, peut-être parce que nous n'étions pas de bons cyclistes, l'un et l'autre. Je me souviens un jour sur RFI vous m'avez demandé qui est devant ?

RFI : Et qui va tenir le guidon ?
CKB : Voilà, vous vous souvenez ?

RFI : Oui, oui !
CKB : Le président Gbagbo et moi, nous avions une différence. C'est que lui est candidat aux prochaines élections et moi, je ne le suis pas. Il a dû avoir des malentendus et je crois que ça n'a pas manqué, entre lui et moi, puis qu'à un moment donné, comme une espèce d'obsession a envahi le personnel politique à l'idée qu'en fait, Banny est un candidat potentiel, donc il devient un adversaire et il faut le combattre. Alors que moi, je me considéraits comme un homme de mission. Je sais que je ne tenais pas le guidon.

RFI : Et est-ce que vos relations avec Laurent Gbagbo ne se sont pas envenimées un peu plus, quand l'ONU, le 1er novembre a voulu vous donner le pouvoir de signer des décrets ?
CKB : Je crois que c'est un peu ça. C'est la preuve par neuf, selon certains, que je voulais parachever au plan constitutionnel un coup d'état qui n'avait pas réussi. Alors que vous savez que j'ai toujours cherché le compromis.

RFI : Est-ce que la communauté internationale ne vous pas lâché ?
CKB : Elle s'est lâchée elle-même. Qu'est-ce que c'est qu'un pouvoir sans moyen ?

RFI : Et vous-même, n'avez-vous pas commis une erreur justement, celle de surestimer le pouvoir de la communauté internationale face à celui de Laurent Gbagbo.
CKB : Je suis quelqu'un qui est ouvert sur l'extérieur, mais qui considère que, sur toutes les questions, les africains doivent d'abord se prendre en charge. Vous avez déjà oublié tout ce que nous avons fait pour que les différents acteurs se parlent en Côte d'Ivoire plutôt qu'à l'étranger ? Vous avez oublié Yamoussoukro I, II, III, IV ? N'ayons pas la mémoire sélective et courte.

RFI : Alors, vous dites que vous avez marqué l'essai et qu'il reste à le transformer. Mais que répondez- vous à ceux qui disent que vous avez, en fait, botté en touche ?
CKB : D'abord, vous savez qu'en rugby, tout ce qui se rapproche de la ligne de touche de but, c'est bien.

RFI : Oui, c'est vrai.
CKB : Bon à la limite j'accepte ça. Je botte à un mètre de la ligne de touche de but, je fais une rentrée en touche et je marque l'essai.

RFI : Est-ce que vous n'avez pas trop tergiversé quelquefois ?
CKB : Certainement ! Mais, nous sommes dans un processus de recherche du consensus. Les tergiversations n'étaient pas du temps perdu. Ma mission, c'était de réconcilier les principaux protagonistes. Aujourd'hui, ces protagonistes sont réunis dans une même salle. Est-ce que ce n'est pas ça l'essence- même de ma mission ? Le président Gbagbo et Guillaume Soro se partagent le pouvoir et se retrouvent dans une même salle pour discuter. Je considère donc que mon devoir est accompli et ma mission n'est pas terminée. Et puis voilà.

RFI : Au début de votre mandat, vous avez pris vos distances avec MM. Bédié, Ouattara et Soro. Du coup, ils ne vous ont pas beaucoup aidé dans l'adversité. Est-ce que vous ne regrettez pas aujourd'hui d'avoir fait cavalier seul ?
C.K.B. : Je n'ai jamais pris mes distances avec qui que ce soit. J'ai été à équidistance des parties en conflit. C'est différent !

RFI : Alors, le nouveau premier ministre, lui, n'est pas du tout à équidistance. C'est l'un des acteurs, comme vous dites. Est-ce que ce nouvel attelage peut marcher ?
CKB : Dès lors que les deux protagonistes sont aux commandes, j'ai tendance à croire qu'ils ont plus de moyens que moi. Par exemple, ils ont des troupes pour sécuriser les opérations d'audiences foraines. Ce que je n'avais pas moi.

RFI : Est-ce qu'en faisant venir Guillaume Soro à la primature, Laurent Gbagbo ne cherche pas à affaiblir le grand leader politique du nord Alassane Dramane Ouattara ?
CKB : C'est possible ! En politique, affaiblir l'adversaire fait partie du jeu. Mais, avant ce calcul politique ou politicien, on n'a pas besoin de sortir de la crise. Et, pour sortir de la crise, il faut être sincère et déterminé.

RFI : Charles Konan Banny, vous avez dit récemment : je ne suis plus gouverneur, je ne suis plus premier ministre, mais personne ne pourra m'enlever ma citoyenneté ivoirienne?. Est-ce que ça veut dire que vous serez candidat à la prochaine présidentielle ?
CKB : Franchement, je n'en sais rien. Et là, je ne suis pas en train de parler la langue de bois. Je n'en sais strictement rien. Mais, moi, mon combat n'est pas un combat pour un poste. Mon combat, c'est pour faire triompher des valeurs. Quelles sont ces valeurs, là? En tout cas, je vais vous dire celles que je voudrais voir disparaître. Tout ce qui est autour de la haine, de la division, du mensonge et des demi-vérités. Tout ce qui est autour de la malhonnêteté, de la mauvaise gouvernance.

RFI : Alors pour diffuser ces valeurs, est-ce que vous allez créer un parti ?
CKB : Non ! Ça ne fait pas parti de mes projets.

RFI : Allez-vous entrer dans la grande maison PDCI comme vous dites ?
C.K.B : Vous vous souvenez que quand je suis arrivé, j'ai dit que je suis équidistant, mais personne ne peut me chasser de la maison du père.

RFI : Mais vous n'êtes pas membre en tant que tel du PDCI aujourd'hui ?
C.K.B. : On peut toujours devenir membre.

RFI : Et si vous revenez au PDCI, est-ce que vous vous mettrez au service du candidat Henri Konan Bédié ?
C.K.B. : Ce n'est pas comme cela qu'il faut voir les choses. Un parti défend une cause. Le reste vient après.

RFI : Et vous serez peut-être candidat à la candidature à l'intérieur du PDCI ?
C.K.B. : Ah ! Qu'est-ce que vous êtes pressé. Mes réflexions ne sont pas orientées dans ce sens.

RFI : Pourriez-vous soutenir une candidature Henri Konan Bédié ?
C.K.B : Pourquoi pas ? Il a été ancien président. Et lui aussi pourra soutenir une autre candidature s'il s'avère qu'il y a d'autres candidats en dehors de moi-même. Il y a tellement de personnes qui peuvent prétendre à cela au sein du PDCI. Mais ça ne se ramène pas à une affaire de Konan-Konan. Mais c'est vrai que toutes ces questions que vous posez devront être tranchées. Mais est-ce qu'on ne peut pas attendre le moment venu ?
Propos retranscrits par
Coulibaly Zié Oumar
sur RFI

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