vendredi 6 avril 2007 par Fraternité Matin

La Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l'Etat de Côte d'Ivoire (MUGEFCI) est secouée par une crise depuis le licenciement, par le conseil d'administration du colonel Yao Touré Albert, le 6 février 2007. Le conseil avait sollicité les services du conseiller technique du DG, chargé des études et de la déconcentration des services, M. Goze Tapé Achille, pour un intérim d'un mois, le temps de doter définitivement la structure d'un patron.
Au terme de l'échéance, un appel à candidatures a été lancé par un cabinet de la place, auquel le DG intérimaire a soumissionné. Alors que les résultats le donnent favori, selon lui, le conseil d'administration se rétracte et nomme un nouvel intérimaire, cette fois-ci un membre du conseil, à savoir Traoré Dohia, pour une durée de trois jours, en attendant que soit trouvée une compétence interne pour gérer la structure.
La passation des charges entre le nouvel élu et le DG intérimaire devait avoir lieu le vendredi 29 mars dernier au siège. C'est en ce moment qu'entrent en scène des personnes non identifiées, visiblement là pour empêcher la passation. Aux environs de 9h, elles franchissent le portail de la mutuelle, à la grande stupéfaction des employés, qu'elles molestent et dépouillent de leurs biens (argent, bijoux), quand certains exigeaient, selon les employés, le maintien à la tête de la structure, de M. Goze.
Certains employés affirment que ces personnes non identifiées, toujours sous la menace des armes, réclamaient curieusement la tête du directeur général de la Mutuelle d'épargne et de crédit des fonctionnaires (MUCREFCI), Kplé Armand, actuaire de formation, tout comme le directeur général intérimaire Goze, par ailleurs du même corps. M. Kplé, spécialiste de mathématiques appliquées à la gestion des risques financiers d'assurances et de caisses de retraite (actuaire), est considéré comme l'éminence grise de Yao Touré. Car à la base de plusieurs projets financiers. Ayant pris un autre responsable pour cible, les agresseurs l'ont dépouillé de cinq millions. Sous le choc, les employés ont dû regagner leurs domiciles sans avoir assuré les prestations aux abonnés, ce jour.
Depuis la MUGEFCI est sans patron. La passation, reportée à lundi, n'a pas eu lieu finalement, le directeur étant en repos médical. La situation est préoccupante. L'entreprise baigne dans une atmosphère délétère faite de délation et de tracts dénigrant tantôt le directeur général intérimaire, accusé de faire du faux tantôt le doyen Adiko Niamkey, à qui il est reproché de s'accrocher au pouvoir, en dépit de son grand âge.
Le Collectif des syndicats et associations membres de l'assemblée générale de la MUGEFCI, à l'affût pour faire son entrée dans cette structure, a tenu un point de presse mercredi dernier à l'hôtel du district. Il s'agissait, selon le président et ses camarades responsables syndicaux, de rappeler à l'ordre le conseil d'administration, dont le mandat arrive à expiration le 17 avril prochain. Prenons l'opinion nationale et internationale à témoin quant à la nécessité du respect de la légalité, seul gage de la paix sociale . Les intervenants brandissent les textes, principalement l'article 33 régissant la MUGEFCI : Le conseil d'administration se renouvelle tous les quatre ans. Dans tous les cas, aucun administrateur ne peut exercer plus de deux mandats . Ils affirment que l'actuel conseil d'administration est arrivé en 1998, à l'issue d'une assemblée générale mixte. Le dernier mandat de quatre ans leur a été octroyé le 17 avril 2003. Par ailleurs, hormis un administrateur, les autres membres sont à leur deuxième mandat. Il n'est point question de leur accorder un délai de grâce, car le doyen Adiko, président du conseil d'administration, aurait dû, à les entendre, songer au renouvellement de cette structure. Cela, dès son arrivée, suite au décès de Begnana Bogui Jean-Baptiste, le 18 octobre 2006. Au lieu de cela, constatent-ils, le conseil d'administration dirigé par le doyen Adiko Niamkey s'est assigné comme priorité le limogeage du directeur général trouvé en place. Ce, pour des motifs non encore étayés. Ainsi, fut ouvert le bal .
Au nombre des griefs que ces syndicalistes ont contre le doyen, figure le licenciement du colonel Yao Touré. Ils ne comprennent pas que cet homme ayant réussi un bilan excédentaire de 8 milliards soit limogé sans aucune explication, et surtout sans qu'un audit de sa gestion ait été réalisé.
Approché, le conseil d'administration n'a pas souhaité pour l'heure, s'exprimer, promettant de convoquer sous peu les journalistes à une conférence de presse au cours de laquelle, toutes les explications leur seront données.
Me Dakouri et ses camarades affirment pour leur part s'être remis au procureur de la République, à qui un courrier a été adressé, aux fins d'attirer son attention sur la situation qui prévaut dans l'unique structure de sécurité sociale des fonctionnaires de Côte d'Ivoire.

Option : Comme un jeu

Depuis le décès de Begnana Bogui Jean-Baptiste, dont le nom était pratiquement associé à la MUGEFCI, la sérénité n'a pas encore gagné les responsables. Six mois après, le directeur général est limogé. Un autre nommé pour un mois. Au terme de l'intérim, un appel à candidatures est fait, dont on ne tient pas compte parce qu'on ne veut pas du directeur général postulant. Mieux un intérimaire est nommé pour trois jours. Le collectif des syndicats et associations membres de l'assemblée générale a raison de parler de bal. Parce qu'en réalité, c'est à un bal que les adhérents sont invités dans cette structure qui génère plus de huit milliards de nos francs. Seuls les initiés en comprennent les raisons. Dommage que le nom du doyen Adiko Niamkey, syndicaliste émérite, soit associé au cafouillage, que certains ont vite fait de lui attribuer. Parce que, selon eux, dès son arrivée à la tête de la structure, il n'a pas cherché à gérer la transition mais plutôt à dégommer le directeur, au motif qu'il aurait détourné des deniers. Le doyen est accusé en plus de s'accrocher au pouvoir, alors qu'à l'UGTCI, il a passé la main à cause de son grand âge. Si vivre longtemps est perçu comme un avantage, en cette période où l'espérance de vie a beaucoup baissé, il est vu aussi comme une tare. Dans ce cas précis, les détracteurs du doyen sont convaincus de ce qu'il est aux ordres. Les choses se passent comme dans un jeu. Cependant, ici, le jeu peut s'avérer dangereux. Parce que les actes des personnes non identifiées, ayant fait intrusion, vendredi dernier, à la MUGEFCI, où elles ont molesté certains employés, emporté leurs biens et même tenté de fracturer des portes, auraient pu causer des pertes en vie humaine. Les employés, pour leur part, se plaignent de n'avoir bénéficié jusque-là d'aucun geste de compassion, de la part des administrateurs.

Focus : Historique de la Mugefci

I- FONDEMENTS DE
LA CREATION DE
LA MUTUELLE
Devant l'accroissement des charges résultant de la gratuité des soins, le ministre de la Santé Publique et de la Population d'alors, Monsieur Hippolyte Ayé, indiqua l'impossibilité pour l'Etat de continuer à supporter l'intégralité des dépenses de santé.
C'est pourquoi, certains avantages matériels accordés aux fonctionnaires, et agents de l'Etat, furent soit supprimés, soit fortement réduits.
Pour accéder aux doléances présentées depuis plusieurs années par les représentants des personnels de l'Etat, et notamment par la Fédération nationale des syndicats de la Fonction publique et assimilés de Côte d'Ivoire, concernant la compensation de ces avantages, le ministre de la Fonction Publique, M. Joseph Ehoué Tadjo, mit à l'étude, en 1970, un projet de création d'une Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l'Etat.
Sur rapport conjoint de MM. Joseph Ehoué Tadjo, ministre de la Fonction publique, Hippolyte Ayé, ministre de la Santé publique et de la Population, Henri Konan Bédié, ministre de l'Economie et des Finances et Albert Vanie Bi Tra, ministre du Travail et des Affaires sociales, le Président de la République prit le décret n° 73-176 du 27 avril 1973, portant création d'une Mutuelle générale des fonctionnaires qui a pour objet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie de ses adhérents et de leurs ayants-droit, au moyen d'un système d'entraide et de solidarité, tendant à réparer les risques sociaux...
II - STATUT JURIDIQUE
La Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l'Etat (MGFAE) constituait une direction du ministère de la Fonction publique. Après étude, la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l'Etat a-t-elle été transformée en organisme de droit privé régi, par la loi du 1er avril 1998, relative aux sociétés de secours mutuels, lors de l'assemblée générale constitutive du 29 novembre 1989.


III - BENEFICIAIRES
Intéressant tout d'abord essentiellement les magistrats de l'ordre judiciaire, les fonctionnaires et agents temporaires de l'Etat en activité ou à la retraite ainsi qu'à leurs ayants-droit, le bénéfice des prestations de la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l'Etat fut ensuite étendu, au 1er octobre 1977, aux militaires en activité, et au 1er janvier 1985, aux militaires à la retraite et à leurs ayants-droit.
Les ressources de la mutuelle proviennent donc essentiellement des cotisations de ses adhérents. Qui sont soumis au paiement d'une cotisation prélevée mensuellement sur leurs rémunérations par les organismes payeurs.

IV - PRESTATIONS
Depuis sa création, les prestations prises en charge par la mutuelle sont les suivantes:
les produits pharmaceutiques;
- les soins et prothèses dentaires;
- les verres, correcteurs et leurs montures dont les tarifs de responsabilité, fixés par arrêté du 28 février 1975, ont été améliorés le 4 avril 1985.
Le taux de remboursement est passé de:
- 60 % au 1er janvier 1975;
- à 65 % au 1er janvier 1976;
- et 70 % depuis le 1er novembre 1986.
Le mode de règlement des prestations est celui du tiers payant?.
Le premier directeur fut Ahua Kassi, en 1990. M. Yao Touré Albert lui a succédé en1998. A l'arrivée de ce dernier, la mutuelle avait un déficit d'environ 7 milliards de FCFA.


Repères

Composition. Le conseil d'administration est composé de trois organisations syndicales, à savoir: l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI), la Fédération des syndicats autonomes de Côte d'Ivoire (FESACI) et les syndicats non affiliés. Le président Adiko a trois vice-présidents, à savoir: Mme Doumbia Salimata (1ère), Traoré Dohia (2e) et Guemené Alfred (3ème). L'UGTCI est majoritaire, avec 10 membres.

Boycott. Le limogeage de Yao Touré n'a pas eu l'assentiment de tous les administrateurs. L'UGTCI, majoritaire au conseil, a pris la décision de façon unilatérale, sans en référer aux autres membres.
Quant à Yao Touré, qui avait reçu les félicitations de l'assemblée générale, en 2006, pour bilan positif, il est parti sans répondre aux accusations de détournements de fonds.

Marcelline Gneproust

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