vendredi 6 avril 2007 par L'intelligent d'Abidjan

En 1980, feu le Président Félix Houphouët Boigny a procédé à démocratisation du paysage politique en instaurant en lieu et place de la désignation, des consultations électorales pour tous les postes politiques. Cela a donné lieu à toutes sortes de déchirement entre les frères politiques du parti unique. Yyacinthe Kakou, s'en est inspiré pour créer une pièce. " On se chamaille pour un siège ", comédie qui selon l'auteur va plus loin en relatant une histoire vraie qui s'est produite dans ce tintamarre électoral entre une personne et sa mère dans la région de Man. C'est donc une métaphore qui renvoie à la réalité actuelle car le " thème du pouvoir est le même dans l'espace et le temps ". Ainsi les six tableaux de l'?uvre mettent en scène Djinan, un ancien combattant qui croit dur comme fer que l'ouverture du paysage politique lui sera favorable, sa fille Tinanoh, une jeune citadine et le député sortant Boka. Le père qui ne conçoit pas qu'une femme soit dans l'arène politique et de surcroît sa fille, considère cela comme un affront et va jusqu'à mettre en doute sa paternité au point de la renier. " Tu n'es plus ma fille ! Je ne suis plus ton père ! Trouve -toi un autre père ! ", affirme- t-il à la page 92. Boka député sortant, tout en reconnaissant qu'il n'a fait que se servir prétend que " c'est plutôt le gouvernement qui veut me maintenir coûte que coûte à la tête de votre circonscription. " Se tenant à équidistance des chapelles politiques, Hyacinthe Kacou plonge le lecteur dans la réalité de la lutte pour le pouvoir. Une course effrénée à la recherche du gain facile, de l'enrichissement illiciteTous les avatars du pouvoir sont passés au peigne fin dans une dérision propre à l'ivoirienne. Une comédie certes, mais une comédie pour rappeler que l'arène politique et son corollaire d'élections, avec ses intérêts de clocher, les querelles de chapelles, demeurent inchangeables. L'effet du temps n'a pas eu raison des conflits passé-présent, tradition modernisme, dictature démocratie, discrimination sexuelle, paix-désordre, incivisme... qui ont et auront toujours droit de citer dans les pays en développement notamment en Afrique. " On se chamaille pour un siège " plus deux décennies après, arrive chez Vallesse Edition comme un couperet pour révéler une fois encore la triste réalité de l'actualité ivoirienne. Jouée pour la première fois par le Lycée Moderne de Man et primée au 1er festival national du théâtre scolaire et Universitaire en 1982 à Bouaké cette pièce écrite en 182 pages est le second ouvrage que publie la jeune maison Vallesse Edition qui entend ne pas avoir la part congrue et s'affirmer ainsi au monde des belles Lettres comme un promoteur incontournable de la culture ivoirienne. Ce texte indémodable est parcouru assez aisément d'autant plus que le style utilisé par l'auteur est au confluent du " Noutchi " ivoirien, du langage à la fois populaire et vulgaire. Dans une forme accessible à toutes les couches sociales, Hyacinthe Kacou entend tourner à la dérision les politiques pour détendre sans doute l'atmosphère qu'ils ont contribué à rendre suffocante en les peignant sur la page de couverture comme des pantins, des bouffons, des gamins qui doivent plutôt faire mourir de rire la population comme dans les bandes dessinées. Ceci pour dire que l'Afrique finira de se chamailler pour un siège et sortira des sentiers battus.

Francis Yedan

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023