jeudi 5 avril 2007 par Le Nouveau Réveil

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Secrétaire général du Gouvernement,
Mes chers collaborateurs,
Mesdames et Messieurs,
En recevant le témoin des mains du Premier Ministre Seydou Elimane Diarra, il y a quinze mois, j'ai dit la joie que m'inspirait alors la cérémonie de passation des charges. C'était en effet le cadet qui prenait le relais de l'aîné, c'était l'ami qui recueillait l'héritage considérable d'un ami. Au bout de quinze mois, nous voici parvenus à une autre étape de notre longue marche vers la paix. Tout au long de ce parcours semé d'embûches, je me suis efforcé d'ajouter ma part personnelle à l'héritage que j'ai reçu de mon prédécesseur. C'est donc un patrimoine augmenté que je vais transmettre à mon tour à mon successeur, le Premier Ministre SORO Kigbafori Guillaume, que je considère à la fois comme un fils et un ami.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
Au moment de quitter mes fonctions, je voudrais jeter avec vous un regard rétrospectif sur le chemin que nous avons parcouru ensemble. En prenant le service de la Côte d'Ivoire, je n'étais pas en terre inconnue. En effet, de Dakar où me retenaient mes fonctions de gouverneur de la BCEAO, j'avais pu me rendre compte que la crise ivoirienne ne connaissait pas de répit parce que la confiance entre les protagonistes faisait défaut. J'avais pu me rendre compte que la défiance était partout la règle et qu'il était extrêmement difficile d'accorder les parties dans une telle ambiance. J'avais observé, au surplus, que la méfiance, ancrée au sommet de l'Etat, gagnait la masse de nos concitoyens et menaçait de saper les bases de l'unité nationale.
Le diagnostic ainsi posé, il me restait, en prenant la tête du gouvernement de Transition, à trouver le remède approprié à la maladie et à rechercher les moyens de son administration judicieuse. Puisque la détérioration de la situation résultait d'un manque de confiance, j'ai placé la restauration de la confiance au premier rang de mon action. J'étais en effet convaincu que si nous ramenions la confiance, les Ivoiriens seraient en mesure de sauver leur pays meurtri par cinq longues années d'affrontements, de souffrance et de misère.
Mais, nous savons tous que la confiance ne se décrète pas. Elle se construit. C'est pourquoi, j'ai entrepris de la semer patiemment dans le terreau ivoirien, en veillant scrupuleusement à l'entretenir par des soins quotidiens. Des actions plus visibles l'ont manifestée : je pense notamment aux différentes rencontres entre les principaux acteurs de la scène politique ivoirienne. Mais, beaucoup d'autres actions, bien plus décisives, ont été menées dans la discrétion indispensable à leur succès. Le résultat de tous ces efforts est là, sous nos yeux, car le dialogue, fils de la confiance, est redevenu chez nous une vertu. Mieux, le " dialogue direct " entre le chef suprême des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire et le chef des Forces armées des Forces nouvelles, est le fruit le plus mûr de la doctrine que je n'ai cessé de professer dès ma prise de fonction. Le dialogue et la confiance sont les deux piliers sur lesquels repose désormais la paix.
Chacun peut noter que l'espoir est revenu au sein de la population, que les élans de fraternité et de solidarité ont refait leur apparition, et que, se sentant davantage en sécurité, les populations mènent leurs activités avec moins de crainte. Il n'a pu échapper à personne que la zone de confiance n'est plus qu'une frontière virtuelle et que les mouvements de populations entre le Nord et le Sud de notre pays se sont intensifiés. Ces embellies ont été possibles parce que l'idée de la paix a fini par gagner les c?urs.
J'ai la conviction que la Côte d'Ivoire est en meilleur état qu'il y a quelques mois et que les Ivoiriens sont en meilleur état d'esprit. En effet, tant que perdureront la confiance et le dialogue dans la sincérité, nous pouvons être persuadés que la paix s'installera durablement dans notre pays.
Il importe de ne plus perdre de vue que la paix véritable n'est pas un vain mot qu'on répète à souhait. Elle ne va pas sans justice, ni respect des droits humains. Elle s'accommode mal des comportements bellicistes et des violences de toute nature, verbale et physique.
Je voudrais, à présent, m'acquitter de ma dette envers le peuple ivoirien, en lui adressant mes pensées les plus affectueuses et mes remerciements les plus sincères, pour m'avoir constamment apporté son soutien. Je lui sais gré d'avoir empêché la destruction du pays grâce à sa grande capacité d'autodérision. Même au milieu des plus grands périls, les Ivoiriens ont été sauvés du désespoir par leur sens de l'humour et de la fraternité.
Qu'il me soit également permis d'exprimer toute ma gratitude à la Communauté internationale pour son appui constant à la Côte d'Ivoire et pour la sollicitude dont elle n'a cessé de m'entourer. Permettez-moi, notamment, de décerner une mention spéciale aux Chefs d'Etat de la CEDEAO, de l'Union Africaine, et à leurs compatriotes.
Je ne saurais oublier le chef de l'Etat à qui je dis ici toute ma reconnaissance pour toutes les actions fructueuses que nous avons conduites ensemble pour le plus grand bien de notre pays. J'étends ces remerciements à tous les responsables politiques, administratifs et militaires ainsi qu'à la presse qui m'a toujours accompagné tout au long de ma mission.
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Secrétaire général du gouvernement,
Mesdames et Messieurs,
L'artisan a beau s'acharner à l'ouvrage, ce n'est qu'un être humain et aucune ?uvre humaine ne saurait être parfaite. C'est donc à mon grand regret que je n'ai pu aboutir à l'organisation des élections promises à nos concitoyens. Comment, du reste, la Côte d'Ivoire aurait-elle pu engager des consultations électorales, quand le ciment de la confiance n'était pas encore consolidé ? Nous savons que la résolution définitive de la crise ivoirienne sera une ?uvre de longue haleine, dont les élections constituent le point d'orgue. La confiance est revenue. Un environnement propice à l'organisation de ces élections que les Ivoiriens appellent de tous leurs v?ux est ainsi créé.
Monsieur le Premier ministre,
Vous voici investi de la lourde tâche de poursuivre et de mener à bonne fin, la mission entamée. Vous êtes, au même titre que le chef de l'Etat, un des protagonistes de la crise que traverse notre pays depuis le 19 septembre 2002. Vous connaissez parfaitement les axes essentiels du programme de sortie de crise.
Ce n'est donc pas à vous que j'apprendrai que le gouvernement doit identifier les populations vivant sur notre sol, parce que le droit d'avoir un titre d'identité est un droit inaliénable.
Il vous faudra aussi procéder au désarmement, au démantèlement des milices et à la réinsertion des ex-combattants, car ce n'est pas tout de faire cesser les hostilités, encore faut-il créer, pour ceux à qui on a retiré les armes, les conditions de leur réinsertion réussie dans la société. Il convient de leur apprendre à vivre suivant les règles du droit et non selon le pouvoir de la force. Cet aspect de la feuille de route est le plus sensible, car il s'agit d'un travail sur le matériau humain.
Il faudra en outre assurer, dans les zones qui en sont pour le moment dépourvues, le retour effectif de l'Administration, de toute l'Administration.
Identification, Désarmement, Démobilisation, Réinsertion, Démantèlement des milices et Redéploiement de l'Administration : si ces opérations aujourd'hui largement engagées, sont menées à leur terme, alors le reste sera plus facile à mettre en ?uvre. En effet, dès que la menace des armes et des groupes armés aura disparu et que l'Administration aura été redéployée, le champ sera alors libre pour l'organisation d'élections ouvertes, libres, transparentes et crédibles dans le délai prévu par les Accords de Ouagadougou. Et vous n'ignorez pas que sur chacun de ces points, le Gouvernement auquel vous avez appartenu et dans lequel vous étiez le numéro deux, a largement fait avancer les choses.
Monsieur le Premier ministre, je ne vous rappelle ces missions que pour mémoire, car vous en connaissez aussi bien que moi les contraintes et les difficultés. Votre tâche consistera à mener de front l'action gouvernementale ordinaire et le programme de sortie de crise que voilà ! Mais, connaissant vos qualités, je ne doute pas que vous saurez trouver les démarches indispensables au succès de ces missions. Pour ma part, je vous adresse tous mes encouragements. Evidemment, vous pourrez compter sur mon soutien et sur celui de tous les Ivoiriens épris de paix pour aider à la réussite de votre mission.
Monsieur le Premier ministre,
Le plus beau présent que vous puissiez offrir à vos compatriotes, est de leur apporter enfin la paix, je veux dire, une paix définitive et durable. Soyez persuadé que, dans l'accomplissement de la rude tâche qui vous attend, tous mes v?ux de succès vous accompagnent.
Outre la paix, vous avez aussi la lourde responsabilité de ramener notre pays dans le giron de la démocratie et du progrès. Pour ce faire, il vous faudra faire en sorte que le comportement citoyen et la tradition républicaine imprègnent tous les Ivoiriens et inspirent toutes les actions publiques et privées.
En ce qui me concerne, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Secrétaire général du Gouvernement, Mesdames et Messieurs, je poursuivrai mon combat pour la paix et le développement, en tous temps et en tous lieux. Ce combat n'a pas de fin. C'est une action au long cours, qui ne requiert que de la volonté. J'ai la volonté de servir mes compatriotes. J'ai l'ambition, à quelque niveau que ce soit, d'?uvrer toujours pour la vérité, la justice, la fraternité, la solidarité et le développement. Pour l'amour de la Côte d'Ivoire et de mes compatriotes, je m'y engage de toutes mes forces.
Plein succès à votre entreprise et que la Côte d'Ivoire sorte enfin de la tragédie qui l'étrangle.
Vive la Côte d'Ivoire une, paisible, fraternelle et indivisible.
Je veux maintenant m'adresser à la Côte d'Ivoire, notre chère Patrie :
Que la Paix soit dans tes murs ;
La tranquillité dans tes palais ;
A cause de mes frères et de mes amis,
Je veux dire Paix pour toi ;
A cause de la maison du Seigneur, Notre DIEU,
Je veux demander pour toi le bonheur.
Je vous remercie.
Charles KONAN BANNY

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