mercredi 4 avril 2007 par Le Front

Accusé et accablé de toutes parts dans la crise qui secoue la Poste de Côte d'Ivoire, Zéhi Sébastien réagit. Dans cet entretien, il explique les circonstances de sa révocation qu'il juge illégale et dit ne pas être protégé par un quelconque parti politique encore moins par une main obscure. D'ailleurs, il met quiconque au défi de prouver sa mauvaise gestion devant les tribunaux et appelle tous les agents de la Poste à reprendre le travail.


La poste de Côte d'Ivoire traverse une crise du fait que vous refusez de quitter la direction de l'institution, bien que votre ministre de tutelle vous ait limogé. Pourquoi vous accrochez-vous au poste de DG de la Poste ? Que se passe-t-il ?

Merci beaucoup. Il se passe que des agents qui veulent me voir quitter la Poste de Côte d'Ivoire, continuent de s'acharner à faire fermer les bureaux. Ils refusent de travailler et ils sacrifient hélas la poste sur l'autel de leurs rancunes contre moi, Zéhi. Sachez que Zéhi Sébastien ne s'accroche pas à son poste. Zéhi a tout simplement été mal révoqué. Si ma révocation s'était passée dans les normes, je me serais exécuté et je serais aujourd'hui à un autre poste où ailleurs, pour faire avancer le pays pour lequel je travaille. En ce qui concerne donc ma révocation, les textes et la procédure n'ont pas été suivis. Le DG de la poste est certes nommé par le conseil d'administration. Mais, il y a d'abord un comité de nomination à la primature qui siège et qui transmet sa proposition de nomination au président de la République qui a le dernier mot. Une fois qu'il a entériné la nomination, le ministre de tutelle est saisi, ainsi que le conseil d'administration qui se réunit pour faire appliquer la décision. Dans la démarche de révocation qui me visait, il fallait que le parallélisme des formes soit respecté. Il aurait fallu que le conseil d'administration fasse un rapport au ministre de tutelle qui, à son tour, saisit la hiérarchie qui a entériné ma nomination. Ou alors, que le conseil d'administration s'en tienne aux termes du traité de l'Ohada qui fonde les textes de la Poste.

Que disent ces textes ?

Les textes disent que, d'abord, la révocation du directeur général doit être inscrite à l'ordre du jour de la réunion du conseil d'administration. Et que cette réunion soit être convoquée 15 (quinze) jours avant. Ensuite, les délibérations doivent se faire en présence de la moitié, au moins, des membres du conseil d'administration. Une fois que ces conditions sont réunies, on peut alors prononcer la révocation du directeur général. En ce qui concerne mon cas, ça n'a pas été ainsi. La réunion a été convoquée le 1er septembre 2006, et la révocation a été prononcée le 4 septembre. Vous voyez bien que le délai des 15 jours n'a pas été respecté. Ensuite, l'ordre du jour indiquait simplement situation sociale à la Poste de Côte d'Ivoire et information . Il n'y avait pas le point de ma révocation à cet ordre du jour. Il n'y avait même pas un point de divers inscrit, qui aurait pu laisser penser, par interprétation, qu'à ce niveau, l'on aurait débattu de mon limogeage. Rien de tout cela. Troisième élément, les délibérations n'ont pas pu réunir la moitié des membres du conseil d'administration. Cela a été fait en deçà de la moitié. Au moment des délibérations, il n'y avait plus que 4 (quatre) personnes sur 9 (neuf) administrateurs. Or, en l'espèce, quand il s'agit de personne, la moitié de 9 ce n'est pas 4 mais plutôt 5. Ma révocation était donc illégale. Ce sont donc tous ces points d'anomalie que j'ai portés devant la justice. On invoque pour me salir, des actes de mauvaise gestion, de détournement de fonds. Mais tout cela n'est inscrit nulle part sur le procès verbal de la réunion du conseil d'administration. Donc, je ne m'accroche pas. Je veux que les normes soient respectées. Il faut que nos conseils d'administration prennent les décisions qui sont de leur ressort, dans les règles. Et la cour d'appel du tribunal d'Abidjan m'a donné raison. Cela doit servir de leçon.

Certes, la cour d'appel vous a réhabilité. Mais une décision de la cour suprême a suspendu la décision de la cour d'appel, jusqu'à nouvel ordre. Mais malgré tout, vous avez réquisitionné les forces de l'ordre pour vous réinstaller. N'est-ce pas un coup de force ?

Vous savez, la République est la plus grosse institution qui inclut les autres institutions, y compris la présidence de la République. Vous me faites beaucoup d'honneur et vous faites de moi un homme super-puissant en disant que je me suis mis au-dessus, moi Zéhi, de toutes les institutions du pays, pour réquisitionner les forces républicaines. Soyons sérieux ! La réalité juridique est tout simplement qu'un arrêt qui a été déjà exécuté ne peut pas être suspendu. On ne peut pas suspendre ce qui est passé. La loi dispose pour l'avenir. Dans le cas d'espèce, l'ordonnance de la Cour suprême est inexistante aux termes de la loi. Elle est sans valeur juridique. Elle est sans objet parce que le sursis à exécution doit intervenir avant l'exécution de la décision de justice. J'ai été réinstallé le 6 février 2007, l'ordonnance de la Cour suprême est intervenue le 14 février et est parvenue à la direction de la poste le 15 février, soit 10 jours après l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel. C'est la postériorité de cette ordonnance de la cour suprême qui lui enlève tout effet. Et c'est pour cela que je suis suivi par la République qui a demandé à ses forces de sécuriser ma présence et mes activités. C'est ce que la direction générale de la police fait, pour me permettre de travailler.

Les syndicats de la Poste se sont mobilisés pour demander votre départ. Tout porte à croire que le personnel de la Poste ne veut plus de Zéhi.

Il n'est pas juste de dire que les syndicats de la Poste ne veulent plus de moi. C'est de la manipulation. Il y a 5 (cinq) syndicats aujourd'hui à la Poste de Côte d'Ivoire. Mais c'est le Synapostel seul qui s'est jeté dans la mêlée de ma destitution. Ce n'est vraiment pas un problème pour moi. C'est plutôt le Synapostel, qui veut me voir partir, qui a un problème. Ce syndicat est dirigé par Houphoué Kouadio qui est à la retraite aujourd'hui et qui appartient à Côte d'Ivoire Télécom. Il n'appartient pas à la Poste de Côte d'Ivoire. Les syndicats, c'est l'affaire des travailleurs d'une entreprise donnée. Si vous n'appartenez pas à une entreprise, vous ne pouvez pas y conduire une activité syndicale. C'est dans cette situation que Houphoué Kouadio se trouve. Et c'est lui seul qui a engagé son seul syndicat dans des actions visant à me faire partir. Il parle de détournement et de malversation sans jamais apporter la moindre preuve. Je crois même qu'une plainte a été déposé en pénal contre moi. Mais je suis bien là. Voyez, vous-mêmes, le caractère farfelu de ces accusations fantaisistes.

Mais vous avez été récemment à la police économique

Je n'ai jamais été convoqué à la police économique. C'est vrai que j'y étais la dernière fois. Mais c'était pour moi-même, porter plainte contre des agents qui ont disparu avec les coffres-forts de bon nombre de bureaux de la poste. Mais quand vous convoquez, pour en revenir au Synapostel, quelqu'un sans fournir la preuve de ce que vous alléguez, votre plainte ne peut pas prospérer.

Des accusations de détournements de fonds ont été portées contre vous. Vous n'avez pas réagi. Votre silence est-il un aveu de culpabilité ?

Non ! Vous savez, établir la culpabilité de quelqu'un est du ressort de la justice. Celui qui m'accuse et qui prétend avoir des preuves contre moi, n'a qu'à saisir la justice. Pour que ma culpabilité soit établie. Et c'est à partir de ce moment que Zéhi réagira. Sinon, j'ai pris de la hauteur par rapport à la campagne de presse, d'intoxication et de désinformation qui vise à me salir gratuitement. C'est la méchanceté des hommes. Je ne fais pas leur jeu, le jeu malsain de ceux qui veulent me voir partir. C'est peut-être pour cela que vous considérez que je garde le silence et que ce silence-là vaut culpabilité. Non ! Donc, j'attends que ceux qui m'accusent de tous les maux, se retrouvent avec moi devant le juge et qu'ils prouvent les prétendus détournements de fonds qui sont relatés à longueur de journée dans la presse. Mais parler est une chose et prouver de façon tangible ce qu'on affirme est une autre. Ou mesure toute la mauvaise foi de ceux qui m'en veulent.

Aujourd'hui, beaucoup de bureaux de poste sont fermés. Est-que votre acharnement à rester à la direction générale ne va pas précipiter la Poste de Côte d'Ivoire dans le gouffre ?

Je ne suis pas acharné à m'accrocher. Il n'y a aucun entêtement de ma part. Nous sommes tous des Ivoiriens et nous qui avons été désignés par le président de la république pour être à la tête des entreprises et des institutions avons des missions. Nous nous battons donc pour les remplir, au mieux, dans l'intérêt supérieur de la nation. Sinon je ne m'accroche pas et je ne m'entête pas du tout. Aujourd'hui, il y a 102 bureaux qui travaillent sur les 125 qui existent à la Poste de Côte d'Ivoire. Donc il n'est pas juste de dire que 98% des bureaux de Poste sont fermés. Je vais vous faire une confidence : nous avons enregistré une clientèle particulière au bureau 17 du Postel 2001. Il y a des membres du Synapostel qui viennent acheter des stickers et des timbres, alors qu'ils ont travaillé à faire fermer les bureaux. Si Abidjan 17 n'était pas ouvert, ces membres du Synapostel seraient comme tous les Ivoiriens en difficulté. Ils doivent comprendre le caractère insensé des actes de sabotage qu'ils ont posés. Je m'emploie à ouvrir les autres bureaux qui sont fermés. Et chaque fois que je nomme un nouveau receveur, le bureau rouvre systématiquement. C'est une préoccupation pour nous. Mais la réouverture des quelques bureaux qui restent est une question de jour et cela ne saurait tarder. Il faut que la Poste de Côte d'Ivoire puisse tourner à plein régime, normalement, pour que la clientèle soit satisfaite.

On vous reproche d'avoir fait violenter des agents et ouvert des bureaux par la force en réquisitionnant les forces de police. Certains disent que vous agissez ainsi parce que c'est votre parti, le Fpi, qui vous protège à cause de la manne financière postale. Que répondez-vous ?

La Poste de Côte d'Ivoire ne saurait appartenir au Fpi. J'ai occupé beaucoup de postes de direction à la poste depuis que j'y suis entré. J'ai beaucoup apporté à tous les directeurs généraux qui m'ont précédé. On me considérait toujours comme quelqu'un de dévoué et c'est sans doute pour cela que l'on m'a fait confiance pour me confier la direction de la Poste. Ce n'est pas pour mon appartenance à tel ou tel parti que je suis là. Les choses doivent se faire dans la légalité. Il ne faut pas qu'on dise que c'est la maison du Fpi. Ce parti n'a rien à voir avec la direction de la poste. Zéhi Sébastien travaille pour la république et il croit en la justice de son pays. Demain je partirai, avec le sentiment d'avoir servi la poste de mon pays. Mais si des gens veulent me faire partir, qu'ils respectent la procédure sinon, je reviendrai.

Vous avez toujours des problèmes avec le conseil d'administration. Qu'est- ce qui vous divise ? Est-ce l'argent ?

Chacun fera ses interprétations. Le conseil d'administration a sans doute voulu saisir l'occasion de la protestation du Synapostel pour m'écarter illégalement. Mais il l'a fait dans la plus grande précipitation et complètement à l'envers. Sachez surtout qu'au moment où l'on cherchait à me révoquer, j'avais réussi à obtenir du ministère de l'Economie et des finances une subvention de 1 milliard de fcfa. Ce que la poste de Côte d'Ivoire n'a jamais pu obtenir. Alors, votre question est pertinente. Peut-être que, ayant fait le contour de l'acquisition de ce milliard, le conseil d'administration s'est dit qu'il y avait quelque chose à prendre, une fois Zéhi parti. Effectivement, de retour des 5 (cinq) mois que j'ai passés à la maison, il ne restait plus rien du milliard dans les caisses. Le milliard a disparu. Vous avez peut-être raison.

Mais où est donc passé ce milliard ?

Ceux qui sont censés l'avoir géré en mon absence peuvent répondre à cette question. Moi je l'ai obtenu sur papier et on me l'a signifié. Mais, je n'avais pas encore pu obtenir la liquidation de cet argent auprès du Trésor public, quand j'ai été contraint de partir pour 5 mois. L'organisation provisoire en place, en mon absence, a fait les démarches et a pu obtenir la liquidation de cet argent. J'arrive, pas trace du moindre centime. Ce sont les traces de l'utilisation de ce milliard que je cherche à réunir maintenant.

M.Zéhi, si la cour suprême venait à vous débouter, est-ce que vous accepteriez de partir cette fois ?

La cour suprême est la plus haute juridiction de Côte d'Ivoire. Je me plierais forcement à sa décision. Quand l'ordonnance est arrivée le 15 février 2007, j'ai passé 3 jours à la maison. Ce n'est que le 19 février que la république est allée me chercher pour me réinstaller. Je ne suis pas un rebelle à la loi. Au contraire, je me bats pour la faire respecter. Si la cour suprême déboute Zéhi, c'est que mes adversaires ont gagné. Et je me plierais à cette décision. Cela dit, j'ai un appel à l'endroit de tous les travailleurs de la Poste de Côte d'Ivoire, en particulier ceux qui ont fait le choix malheureux d'arrêter le travail. Ils ont une responsabilité vis-à-vis de l'Etat, de la nation et de la population. Nous avons le devoir d'être solidaires pour le bon fonctionnement de la poste de Côte d'Ivoire, mais surtout pour la satisfaction de notre clientèle. Aujourd'hui, l'heure est au dialogue direct. J'invite donc tous les collaborateurs à se remettre au travail. L'heure est à la mise en place d'un nouveau gouvernement pour réorienter les choses dans le sens de la paix, de la concorde et de l'union. Nos amis qui ont saboté l'activité et qui ont fait du vandalisme sur les installations, doivent revenir à la raison car nous sommes-là. Ensemble, regardons dans la même direction. Mais je rappelle que la Poste, ce n'est pas un moulin où l'on entre ou sort quand on veut.

Que faites-vous alors de la décision de votre tutelle de vous révoquer ?

Il faut savoir qu'à la poste, il y a deux tutelles. Le ministère des Ntic qui est la tutelle administrative et technique et le ministère de l'Economie et des Finances. Le ministère de l'Economie est le coordonnateur des sociétés d'Etat. Il est le représentant de l'Etat actionnaire et il doit être partie prenante à toute décision grave. Or, en ce qui concerne mon cas, le représentant du ministère de l'Economie et des Finances a claqué la porte du conseil d'administration car il comprenait mal toutes ces entorses à la procédure. Ensuite, les représentants des ministères de la sécurité et de la défense ont aussi claqué la porte ce fameux jour. Si donc les deux tutelles ne se mettent pas d'accord, on ne peut pas avancer. Pour établir, par exemple, que des malversations ont été faites, il faut qu'un audit commandité par le ministère de l'Economie et des Finances fasse la lumière sur les choses. Dans leur affaire, il n'y a pas un audit qui m'accable. Je suis donc propre. Je ne me reproche rien. Seul un rapport d'audit peut juger ma gestion. Plus grave, c'est un conseil d'administration dont le mandat est arrivé à expiration qui s'acharne contre moi. Une telle démarche tombe forcement à l'eau.



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