mardi 15 décembre 2009 par Le Temps

L'Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle (Insaac) organise depuis le 8 décembre jusqu'à ce jour 15 décembre en son sein des journées portes ouvertes. En marge de ces journées, le temps a rencontré le Directeur général de cet établissement, Dr Bini Kouakou. Interview.

Monsieur le Dg, quand on jette un regard sur la scène musicale ivoirienne, on note que 80% des artistes chanteurs qui marchent se sont formés sur le tas. Comment peut-on expliquer cela?
Les créations sont parfois innées. Mais ces créations, pour se mettre dans un monde moderne, ont besoin d'un certain nombre de mesure. C'est pour cela que nous sommes obligés de quitter l'informel pour aller vers le formel. Ce qui est déjà mis en place et dont on connait les mouvements. Voyez aujourd'hui, au niveau économique, il y a certains aspects qui manquent au ministère de l'Economie et des finances. Il y a un secteur très important qui échappe aux structures de l'Etat, c'est-à-dire l'informel. En ce qui concerne les arts, la culture, il y a des talents. Des musiciens qui ont des talents. Ces talents qui sont issus des familles de musiciens. Ils ont revu l'histoire, leurs parents et disent être nés de parents eux-mêmes artistes. Ils ne sont pas allés à l'école. Pour entrer à l'Insaac, il faut avoir le bac. Quelqu'un a des talents, il n'est pas allé à l'école, on fait quoi ? Vous allez lui dire de s'abstenir, parce qu'il n'est pas allé à l'école ? Donc il y a des gens comme ça. J'ai reçu une jeune fille. Elle chante très bien. Elle danse très bien. Je lui ai donc demandé son niveau. Elle m'a répondu qu'elle n'a fait que la classe de Ce1. Est-ce qu'on peut empêcher celle là d'exprimer ses talents ? Non, donc s'il y a des gens qui ne sont pas formés, c'est dû au fait qu'ils n'ont pas le niveau. J'ai vu ce jeune Alamo, un talent en animation. Nous l'avons pris au Cafac, mais n'ayant pas le bac, il ne pouvait pas produire un mémoire. Il n'a pas les aptitudes. C'est pour cela que nous avons le conservatoire national de musique pour ceux qui ont ces talents. Vous voyez, il y a des groupes de danse que nous avons identifiées. A Edonbié, dans le département de Bondoukou, Il y a une jeune fille dans un groupe qui danse bien. Les éléments de ce groupe chantent bien, ils dansent bien. mais dans le cadre actuel de la modernité, du point de vu de la chorégraphie, du point de vu de l'occupation scénique, il y a des insuffisances. Nous avons demandé que ce groupe vienne nous rencontrer. Nous avons demandé tout simplement qu'on prenne en compte celui qui va partir les former. Prendre en compte son hébergement, sa nourriture Mais cela n'a pas été possible.

Qu'est-ce qu'il a manqué ?
Moi, j'ai fait partir quelqu'un que je paye, mais pour qu'il soit là-bas dans un village où il n'ya pas d'hôtel il faut qu'il soit reçu par des gens. Que faut-il pour entretenir quelqu'un ? Il faut juste à manger au moins et qu'il soit hébergé. Mais ils disent qu'ils ne sont pas en mesure de le prendre en charge. Qu'est ce qu'on peut faire ? Sinon, c'est tout ce qui fait partir de l'art. Nous devons aider les autres aussi à se former en leur donnant des rudiments pour que ce qu'ils présentent puisse être accepté d'une manière générale.
Le conservatoire national de musique est une structure ouverte à tout le monde, à tout âge, pour venir faire la pratique des instruments. Pour chanter, il y a quand même des canons. Aujourd'hui, de façon brute, voyez-vous comment Amédée Pierre, lors de l'hommage qui lui a été rendu au palais de culture, a montré l'exemple. Il a fait venir ceux qui avaient fait le chant traditionnel. Il a joué les deux versions. On a vu comment il a modernisé la chanson. Et c'est cela aussi notre rôle, notre 3e mission. C'est de partir des créations traditionnelles pour les rendre modernes. Il y a des instruments aujourd'hui qui peuvent accompagner ceux qui chantent pour leur donner du poids. Ils peuvent apprendre au conservatoire national de musique.

Et pourtant, les artistes formés à l'Insaac, on en voit peu, sur la scène musicale, comment expliquez- vous cela ?
Ceux que nous formons sont dans les bureaux. Ce sont les documentaristes, les bibliothécaires, les archivistes. Ceux-là, ils n'ont pas besoin de faire le tapage. Ce qu'il y a lieu de faire, c'est de les insérer dans le tissu socio-économique. Mais c'est en fonction parfois des postes disponibles. Il n' y a pas que ceux-là. Il y a les peintres, les dessinateurs. Nous formons aux métiers libéraux. Si l'environnement est favorable, ils doivent pouvoir exprimer leurs talents. Ce sont des tableaux qui ont un rapport avec la vie quotidienne. Vous voyez par exemple le port de Gouessesso qu'on a mis sur le tableau. Il se rappelle le voyage qu'il a réalisé à Gouessesso. C'est ce que nous sommes en train de faire afin de donner un contenu africain à ce que nous faisons. Et nous pensons que petit à petit, ça va. Mais un tableau peut-être apprécié de plusieurs manières. C'est ça le génie. Parce que tel que vous voyez ce tableau je peux l'interpréter de plusieurs manières. C'est libre à chacun de posséder un tableau et de l'interpréter à sa façon et de voir le sentiment qu'il éprouve en le regardant. Vous avez vu le tableau de cet enfant avec les larmes, il est passé dans le monde entier

Justement à ce niveau, avez-vous un schéma de sensibilisation de la population. Puisque ce n'est pas tout le monde qui peut comprendre le message d'un tableau ?
Ces journées portes ouvertes constituent déjà une sorte de sensibilisation. Nous demandons aux ivoiriens de venir visiter cette école. Pour voir ce qu'on y fait. Quand on observe, on regarde, on peut mieux apprécier. Je ne peux pas détester quelqu'un que je ne connais pas. Or, la majorité de la population ne sait pas ce que nous faisons ici. C'est pour cela que nous organisons ces journées à l'intention du public. Une fois que les gens savent ce que nous faisons ici, ils seront prêts à venir à nos expositions. Nous avons une galerie. Nous allons ouvrir cette galerie sur deux ou trois jours par mois pour permettre aux ivoiriens de venir acheter les ?uvres. Nous formons ici des enseignants d'art et de musique, des enseignants de danse et de théâtre. Donc ceux qu'on forme, prennent la relève, au niveau des écoles. Au-delà des écoles, ils sont professeurs d'art plastique, de musique, de danse et de théâtre. ça passe par l'éducation. Et lorsqu'à l'école, on ne donne pas de l'importance aux arts, les gens ne savent pas exactement ce que c'est que l'art. C'est ce qui est notre problème exact. Il faut que le ministère de l'Education nationale nous aide à ce que les professeurs soient partout en Côte d'Ivoire. Et que l'enseignement soit pris en compte dans les différents examens. A savoir au Bepc, au Bac et qu'on relève le coefficient des matières.

Il y a plusieurs matières qui sont enseignées au sein de votre établissement. quelles sont celles qui excellent plus ?
Lorsque nous avons pris fonction, nous avons signé un partenariat avec 2iea. Afin de former les étudiants à l'entrepreneuriat. C'est-à-dire eux-mêmes vont constituer leur propre métier. Vous savez comment les coiffeurs venus de l'étranger gagnent leur vie. Derrière eux, il y a toute une famille. Mais comme nous ne savons pas, nous pouvons que faire des salons de coiffure, ce sont des métiers relégués au second rang. Souvent, on ne s'y intéresse pas. Alors que ce sont des métiers qui peuvent nous donner à manger. Donc on n'a pas de préférence. Mais tous ceux qui sortent comme enseignants sont employés par le ministère de la fonction publique. Au niveau de l'Efac, la bibliothéconomie, l'archivistique et les muséologues c'est pour ceux-là que nous luttons pour qu'ils soient employés dans les différentes administrations. Quand vous arrivez dans une sous-préfecture, vos jugements ne sont pas bien classés. Souvent même, vous perdez les numéros. Parce que c'est mal entretenu. Donc, on forme et l'Etat doit prendre la relève. Et nous informons le public pour dire que voici des métiers qui existent et qui peuvent donner des emplois. On sait que tous ceux que nous formons ne sont pas employés automatiquement, et nous faisons des pieds et des mains pour qu'au niveau de l'Entd, c'est-à-dire l'Ecole de danse et de théâtre où il y a des problèmes tout change.

Lesquels ?
Il s'agit des problèmes liés au manque de parcerelles pour les étudiants qui sortent de cette école. Pour devenir des enseignants des lycées et collèges. Il n'y a pas de débouchés après les 4 ans, malgré le diplôme. Il n'y a pas de structure formelle qui emploie. Il faut être acteur comme vous les voyez à la télévision dans Qui fait ça et autre. Alors que l'Etat doit nous aider pour la relève, en employant ces diplômés.

Après ces journées portes ouvertes, qu'est-ce que l'Insaac envisage faire pour mieux se faire connaitre ?
Vous savez à l'Intd, à chaque fin de trimestre, il y a des journées qui permettent de montrer leur savoir-faire. Nous voulons inviter le public soit en décembre, soit en avril, soit en juillet et nous voulons organiser des soirées en permanence ici. Parce qu'on a inauguré l'espace Komoé. Il s'agira de faire de la musique en permanence avec ses spécialités. A part ça, on a des prospectus qu'on donne à tous nos visiteurs. Afin de leur dire que cette école existe et nous sommes chaque fois, en communication avec la presse. Pour leur dire voilà ce que nous faisons à l'Insaac.

Il y a aussi le problème de la conservation des ?uvres des artistes. Comment l'Insaac compte régler ce fait ?
La stratégie est simple parce que nous avons une galerie. Hier, le ministre a visité la galerie. C'est-à-dire on conserve les ?uvres des étudiants qui sont passés ici. Et la conservation est fondamentale pour nous. Mais au niveau de la conservation nationale, ce sont des grands budgets. Parce qu'il faut faire des voyages d'études, répertorier les ?uvres afin de pouvoir les conserver. C'est un problème national qui ne dépend pas de nous. Parce que nous ne faisons que la formation et la sensibilisation sur les arts. Ce que nous savons, est que nous conservons les ?uvres des étudiants de l'Insaac et nous avons une galerie pour ça.

Que compte désormais faire l'Insaac pour régler le déficit de communication ?
Hier, le ministre a inauguré la salle d'informatique et d'internet. Nous formons des gens et voulons qu'ils soient à la pointe. Et donc, pour moderniser l'enseignement, tout passe là maintenant. Les cours seront adaptés à la technologie moderne. C'est-à-dire, nous ne faisons plus le théâtre comme aux siècles derniers. nous enseignons les arts modernes avec les recherches de couleur sur l'internet et dans les ordinateurs. C'est ça la fusion des couleurs. Vous arrivez à l'école de musique c'est pareil. Parce que la musique est maintenant une technologie. Et c'est ce que nous voulons enseigner à nos enfants. C'est pour cela que nous voulons câbler notre site pour qu'il ait internet partout. Et nous sommes en train de le faire. D'ici quatre mois, partout où vous vous situez dans l'école, si vous avez votre ordinateur portable, vous pouvez être connectés. Sur un ensemble de dossiers, il y en a qui ont été sélectionnés pour aller étudier aux Etats-Unis pendant deux ans. Donc, ils sont excellents, il faut leur permettre d'aller se frotter avec l'extérieur. Et lorsqu'ils reviendront, ils seront aguerris et apporteront leur contribution au développement de leur matière dans cette institution. Mais j'ai un petit pincement au c?ur.

De quoi s'agit-il ?
Mais parce qu'ils restent là-bas. Comme ils ont la possibilité de donner les concerts et d'avoir beaucoup d'argent que ce qu'ils auraient eu en étant au pays. Je voudrais inviter tous ces amis qui ont leur connaissance de les apporter en retour à l'Etat qui leur a permis cela.

Interview réalisée par Renaud Djatchi

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023