vendredi 13 novembre 2009 par Le Repère

Faustin Toha est l'auteur de l'essai politique au titre jugé provocateur "Devoir de Mensonges, crise à l'ivoirienne". A l'occasion du 1er anniversaire de la publication de ce livre qui continue de défrayer la chronique, le journaliste politique justifie le titre de son ouvrage.

Vous êtes l'auteur de l'essai politique "Devoir de Mensonges, crise à l'ivoirienne" publié aux éditions Nei/Ceda, (242 pages) depuis le 31 octobre 2008 sur la crise politico-militaire déclenchée en septembre 2002. Quel bilan en faites-vous ?
C'était un rêve qui est devenu par la suite une réalité. Du journalisme à l'écriture. Cet essai politique est le témoignage mien pour éviter que certaines personnes ne prennent en otage un événement qui nous a tous bouleversés. Comme ceux qui ont écrit sur la crise déclenchée en septembre 2002, je suis heureux d'avoir apporté ma modeste contribution à ce travail de recherche. Les nombreux livres qui ont été publiés ne doivent pas empêcher d'autres personnes de continuer de mener la réflexion. Je les y encourage. Moi j'ai choisi d'écrire du vivant des acteurs avec la volonté de faire un travail de journaliste. Ce qui n'est pas toujours sans danger. Pour le reste, les lecteurs peuvent juger de ma volonté de me mettre à équidistance de tous les groupes d'intérêts. Notamment les partis politiques et par ricochet la classe politique. Je pense que j'ai gagné ce pari. Celui de la neutralité engagée. J'avais commencé par une campagne éditoriale à Paris avant sa publication. Je suis retourné à Paris dans le cadre du salon international du livre. En Côte d'Ivoire, j'ai continué avec des interviews dans la presse dans le cadre de la promotion du livre et des dédicaces dans les librairies de France dans la capitale économique. Je pense que ces moments ont été très enrichissants. Il y a eu des échanges avec des lecteurs pendant ces dédicaces. Beaucoup comprennent que la vérité est la somme de toutes les vérités. Quelques invitations à l'intérieur du pays. J'ai été aussi l'invité de la Fondation Memél Fotê qui a un partenariat avec l'Association des écrivains de Côte d'Ivoire. Je suis heureux de l'accueil que les lecteurs lui ont réservé.

Depuis le 27 février 2009, vous avez été licencié du port autonome d'Abidjan pour dit-on "suppression de poste" où vous étiez le responsable du département communication. Etait-ce une sanction pour avoir écrit avec beaucoup de liberté ?
C'est d'abord le manque de considération des choses de l'esprit. A la vérité, si on ne se reproche rien, on ne peut pas réagir de la sorte. Et ceux qui pensent maintenir leurs concitoyens dans un état d'ignorance organisée ne doivent pas en être fiers. Je pense que chacun de nous a sa place dans la construction de notre pays. M. Marcel Gossio, en signant ma lettre de licenciement avec ce motif fantaisiste et arbitraire, a oublié sa propre histoire. Celle qui vaut en partie sa promotion depuis l'avènement du Fpi au pouvoir. Encore que moi, je ne suis pas dans une logique de conquête du pouvoir d'Etat. Et si c'était le cas d'ailleurs ? Dans tous les cas, le moment venu, je parlerai pour la manifestation de la vérité. C'est lui que l'histoire jugera parce qu'il lui sera très difficile de prouver que mon licenciement n'est pas lié à la publication de mon livre, qui n'avait pas pour objectif de faire la promotion d'un parti, fût-il celui de monsieur Gossio.

Dans l'avertissement que vous faites dans votre livre, vous soulignez le caractère atypique de la classe politique ivoirienne. Est-ce une particularité ?
Je souligne ce qu'elle a montré à la face du monde. C'est par exemple la transformation de la politique en pugilat et en un immense gymnase où tous les coups sont permis. En démocratie, les partis politiques et mouvements qui animent la vie socio-politque se surveillent les uns les autres, se critiquent pour améliorer la vie de leurs concitoyens. Malheureusement, nous n'assistons pas à des débats pour que chaque groupe d'intérêt présente son programme de gouvernement et ceux qui le mettront à exécution en cas de victoire aux élections. Aujourd'hui, il y a un consensus né d'arrangements successifs qui me font penser à un retour du parti unique avec la volonté de chaque camp de résister à la tenue de véritables élections. Il y a un arrimage au mandat du président Gbagbo qui profite à ses partisans et courtisans. Tout le monde est d'accord pour faire perdurer cette situation en dépit des grands risques que cela fait courir à la Côte d'Ivoire.

Vous soutenez que le scénario d'hypothétique élection ne laisse pas présager d'un retour imminent à la paix. Comment expliquez vous cela ?
J'explique qu'il y a avant tout, une volonté de tisser des alliances dans un contexte flou où les courants idéologiques disparaissent au profit des clans. A mon avis, il y a un danger qui guette la Côte d'Ivoire. Est-ce que les leaders politiques joueront la carte du vote qui ne prendrait pas en otage leurs groupes ethniques ? Tout dépend du discours qu'ils voudront tenir devant ceux-ci. Encore faut-il que la liberté de mouvement soit reconnue pour tous. Un autre danger, comme je l'explique, est la forme triangulaire de la conquête du pouvoir d'Etat qui se résume depuis une décennie à Gbagbo, à Bédié et à Ouattara. La non tenue de l'élection présidentielle justifie le titre de mon livre.
Les deux derniers sont les leaders respectifs du Pdci et du Rdr et ont eu selon les circonstances des alliances entre eux ou avec le Fpi de Gbagbo. Et chacun a sa revanche à prendre.
Ce sont ces différentes combinaisons qui complexifient la sortie de crise. Par exemple, Gbgabo s'est pris au jeu de l'houphouëtisme. Ce qu'il avait critiqué trente ans durant quand il combattait le régime du Pdci. Mais rassurez-vous, toutes les combinaisons qui sont servies aux populations reposent difficilement sur des projets de société cohérents.

Vous analysez de façon particulière les relations entre les présidents Gbagbo et Comparé. Vous dites même que le chef de l'Etat burkinabé estime qu'il est du devoir de la Côte d'Ivoire de demeurer un espace communautaire. Cela est-il pris en compte dans la recherche de sortie de crise ?
J'ai prévenu les lecteurs qu'il y a une difficulté à analyser un présent en constante évolution. Mais dans "la crise à l'ivoirienne" comme l'indique le sous-titre de mon livre le temps refuse de prendre son envol et rappelle aux uns et aux autres la falsification des faits qui a alimenté tout ce que le pays traverse. Gbagbo et Compaoré ont connu des brouilles liées à des problèmes historiques et personnels. Nous sommes un peu dans le schéma de ce que l'on peut appeler la parenthèse de 1932 à 1947. En effet, une partie de la Haute-Volta, une autre colonie française, fut incluse dans la Côte d'Ivoire. C'est un territoire pauvre, héritier d'une longue histoire de royautés précoloniales. Cette délimitation des frontières étendait le "territoire ivoirien" jusqu'à la ville burkinabé de Kaya, un peu plus dans le Nord, c'est-à-dire au-delà de Ouagadougou. Aujourd'hui, on peut penser que l'influence se fait dans le sens inverse.
Vous savez que la Côte d'Ivoire demeure à la fois un modèle et un enjeu. Effectivement, l'idée que ce pays a été construit grâce à des personnes venues du septentrion, peut poser problème. Dans tous les cas, le chef de l'Etat burkinabé que certains membres du gouvernement ivoirien qualifient désormais ''d'allié respecté'' ne lâchera pas sa proie de sitôt après. Il sait quel que soit le président élu celui-ci lui sera redevable.

Vous avez fait le portrait de Gbagbo, de Bédié et de Ouattara et de Guillaume Soro. Les Ivoiriens savent-ils vraiment qui sont-ils ?
J'ai fait un portrait qui est discutable. Sans doute. Mais, je l'ai fait en toute liberté. J'invite les lecteurs à y prêter attention avant de porter leur choix définitif. Je souhaite que chacun fasse sa propre analyse.

Source : info@connectionivoirienne.net


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