vendredi 2 octobre 2009 par Le Repère

Le maire Fpi Gaza Gazo élu aux municipales de mars 2002 a été destitué par arrêté ministériel en avril 2008. Depuis, la commune de Lakota a du mal à installer un maire, à cause des déchirures entre les militants du Fpi. Zébi Grokrou, élu par la municipalité comme maire en juin 2009, crie ici son indignation face à ceux qu'il accuse d'assassiner la démocratie.

M. Grokrou Zébi, au moment où nous échangeons avec vous, êtes-vous le maire de Lakota ou non ? Au moment où vous et votre équipe échangez avec moi, légalement, je suis le maire de la commune de Lakota, depuis le 05 juin 2009, devant l'autorité de tutelle. Elu après deux tours de scrutin. J'ai les Procès verbaux, je vais vous les donner pour que vous ayez une documentation officielle. Quand vous dites, légalement, cela suppose-t-il que dans les actes, il y a un problème ? Oui, sinon il est dans la plénitude de ses actes et de sa fonction que le maire exerce. Mais, quand vous êtes allés à la mairie, on vous dit que le maire n'est pas là. Cela veut dire qu'officiellement, c'est lui qui est élu, mais son siège n'est pas libéré par l'autorité de tutelle. Je crois que c'est comme ça que cela doit s'entendre. Je vais m'expliquer. Explication ? Depuis le 05 juin, jusqu'à aujourd'hui, cela fait presque cinq mois que la municipalité a été renouvelée et que cette municipalité n'a pas encore pris fonction pour des raisons que nous ignorons. Pour des raisons que vous ignorez ? Nous nous en étonnons ! Vous et moi, pourquoi, parce que lorsqu'un préfet supervise une élection pour renouveler la municipalité d'un maire qui a été destitué ou démis pour des raisons d'absence, et que selon la loi, le procès verbal signé par le bureau de séance et le superviseur qu'est le préfet, est affiché à la mairie et à la préfecture et que le greffier a déposé le rapport du préfet à sa tutelle à Abidjan. En principe, le lendemain le travail devrait reprendre. Si le travail n'a pas commencé, cela veut dire que l'installation est bloquée. Concrètement, qui fait le blocage ? Concrètement, il y a deux personnes. Il y a l'administration qui, à mon sens, ne veut pas faire son travail administratif et qui, par ricochet, se soumet à la volonté politique. Donc, il y a une magouille politique en dessous. Et la magouille politique, selon vous, vient d'où ? Elle vient de partout. Je suis aigri contre tous les partis politiques de Côte d'Ivoire. La mairie de Lakota n'est pas pour un seul parti politique. Nous sommes dans la proportionnelle. Cela veut dire que celui qui a eu moins de voix aux élections, a moins de conseillers. N'empêche que celui-ci délibère. Donc il est responsable des problèmes de sa commune. Donc un parti politique minoritaire, tu ne dois pas laisser l'injustice s'installer. S'il se tait, il devient complice de celui qui a la majorité et qui fait l'injustice. C'est pourquoi, j'ai dit que tout le monde est impliqué. Le Fpi est l'acteur principal. Le Pdci, le complice silencieux. Le Rdr, l'autre complice silencieux parce que c'est quand on est de l'opposition qu'on parle. On dit qu'il y a injustice quelque part. Au-delà de cette notion bateau, qui a intérêt aujourd'hui à ce que votre installation tarde ? Il y a un certain nombre de personnes qui, je ne peux pas le cacher, dans mon parti (le Fpi), qui tirent les ficelles. Vous faites allusion à qui ? Je fais allusion à Lida Kouassi, à Zabo Dali et les autres. Qu'est-ce qui vous fonde à les soupçonner ? Je ne les soupçonne pas. Je parle. Je le dis. Cela fait combien de temps que nous sommes là ? Bientôt 18 mois que le maire Gazo a été destitué, mais au cours des 18 mois, beaucoup de choses se sont passées. C'est au constat de tout cela que je les soupçonne. Vous pouvez aller les voir pour contester ce que je dis et le démontrer. Parce que je suis militant du Front populaire et le candidat que j'ai battu est du même parti, mais c'est une équipe de personnes de mon parti qui a présenté ce candidat contre moi et ils ont du monde derrière eux. C'est eux les ténors, la fédération y comprise. Vous aurez des documents pour étayer nos propos. Nous étions trois candidats. Un présenté par la majorité des dirigeants de mon parti. Il y avait le candidat des conseillers Fpi de Lakota que je suis. Eux aussi, ils avaient leur candidat. Donc sur le terrain, les conseillers municipaux ont sorti la vérité. Ils ont élu leur maire. Cela veut dire qu'aujourd'hui la maîtrise du terrain appartient à ceux qui sont sur le terrain et non à ceux qui sont à Abidjan. N'empêche que ceux qui sont à Abidjan ont pu bloquer votre installation ? Oui, mais ils ont pu bloquer notre institution parce que c'est eux qui dirigent le pays. Donc, s'ils bloquent, ils ne peuvent bloquer qu'Abidjan, ils ne bloquent pas le village parce que la population est indépendante. Monsieur Zébi, au niveau du Fpi à Lakota, il se dit que c'est vous qui nagez à contre-courant de la volonté du parti. Et quels sont les arguments qu'ils avancent ? Vous savez, le front populaire est un parti auquel j'ai adhéré par rapport à ses idées, à ses idéaux : la liberté et la démocratie. La liberté d'expression, la démocratie interne et la démocratie nationale et pour faire valoir la démocratie, il faut qu'elle s'exprime non seulement à l'intérieur, mais à l'extérieur pour montrer aux yeux de tous qu'on est vraiment démocrate. Donc, si je suis démocratiquement élu, voici les PV de l'élection (il nous les présente) et que quelqu'un du front populaire est battu, il doit dire bravo à la démocratie. Félicitation, cher frère ! Va travailler parce que l'année va finir, mais arrange-toi pour que dans les projets de campagne, on puisse dire que la municipalité a travaillé. Voilà quelqu'un qui est démocrate. Mais j'ai l'impression que la démocratie, il y a un certain nombre de personnes qui en ont fait leur leitmotiv, c'est-à-dire les militants de base que nous sommes et puis les autres, ceux qui nous dirigent la foulent au pied. Vous voulez dire que messieurs Lida et Dago, dans cette histoire de la mairie de Lakota, font ombrage à la démocratie ? Non, je n'ai pas dit ça. Je vis cela. Je vis la chose. Vous-mêmes, quand vous êtes allez à la mairie, le maire, il était où ? C'est grave ce qui se passe à Lakota. Alors, ils sont les membres de la haute direction du parti, s'ils ont pu bloquer votre installation alors que vous estimez que vous avez été élu démocratiquement, et que le parti ne réagi pas, est-ce qu'il n'y a pas une complicité quelque part ? Mais elle est avérée ! C'est pourquoi, j'ai accusé au départ tous les partis politiques. Le Fpi est partisan, c'est-à-dire, il est acteur. Le Pdci et le Rdr sont complices du Fpi dans cette situation de Lakota. Et nous, la population, nous allons leur demander des comptes. Ils ne sont dans l'opposition que lorsqu'il s'agit d'être président de la république. Non, on est opposant d'abord quand il s'agit d'un problème dans un village qu'on dénonce. L'opposition, ce n'est pas à Abidjan, c'est au village. N'êtes-vous pas seul contre tous ? Non, je ne suis pas seul contre tous. C'est tous qui sont contre seul. Ils sont tous contre Lakota, sinon moi "je m'en fous". C'est Lakota qui souffre de leur mesquinerie et de leur méchanceté gratuite. Et il s'agit de tout le monde (Fpi, Pdci, Rdr). Ils veulent se servir de Lakota pour être, mais ils ne veulent pas servir Lakota quand ils sont et ça, je ne suis pas d'accord. Au niveau du front populaire ivoirien dont vous êtes l'un des grands membres, n'avez-vous pas des reproches à faire à la direction du parti? Ceux-là, ils ont écrit des papiers. Ce qu'on appelle les textes fondamentaux, mais je me demande si eux-mêmes les lisent. L'article 21 de notre parti dit qu'il faut respecter la démocratie au sein du parti, la cohésion, recommande l'exclusion du tribalisme. Mais, quand je prends ces articles, le minimum n'est pas mis en pratique par mes pairs et cela me peine. Encore que j'aurais compris si c'était une élection interne, c'est-à-dire que je suis secrétaire de section, on fait le vote et le fédéral dit, vous pouvez attendre un peu. Mais, il s'agit d'une affaire d'un peuple. C'est la mairie de Lakota. Et c'est là que mon parti veut s'amuser. Pourtant, on nous dit que c'est le bastion du Fpi. Hier, c'était le bastion du Pdci. Le Pdci y venait pour prendre sa bénédiction. Aujourd'hui, on parle du front populaire et demain ça sera peut-être un autre parti. Mais nous, on va gâter tout ça. Mais le bastion du front populaire ivoirien qui est Lakota, vous pensez qu'il est menacé si la démocratie interne n'est pas respectée ? Beaucoup menacée, je dirais. Non seulement elle est menacée, mais aujourd'hui la population de Lakota attend que les candidats eux-mêmes viennent faire campagne. S'agissant du candidat Gbagbo, c'est lui seul qui peut venir faire campagne, mais s'il a l'argent, qu'il ne donne pas à quelqu'un pour dire va faire ma campagne parce qu'il va rester dans sa villa pour dépenser cet argent. Il ne peut pas aller dans les villages. Il y a certains (du Fpi) qui sont allés tout dernièrement pour faire une tournée, mais ils sont retournés d'où ils sont venus et ils n'ont pas pu faire le rapport. Allez vous-mêmes voir, vous qui êtes journalistes. Effectivement, nous l'avons constaté, mais nous avons pensé que c'était un problème de calendrier. Non, non, ce n'est un problème de calendrier. Aujourd'hui, les gens ne sont plus dupes, tous les gens écoutent la radio, regardent la télévision et il y a l'électricité qui favorise la communication au village. Les problèmes de démocratie dépassent les limites municipales ! Mais, bien sûr ! C'est au niveau national. Aujourd'hui, tout le monde a compris que la démocratie, ce n'est pas une lutte fratricide, mais plutôt une lutte d'intérêt et de justice. Tout le monde a compris que celui qui a plus de voix gagne et gouverne. Ce n'est pas compliqué. Mais pourquoi dans une municipalité qui est le chef-lieu de ce département, un maire est élu et on nie cela. Le fait de passer cela sous silence, c'est comme si on niait la démocratie. Et puis, dans les journaux, les gens se prévalent de la casquette de démocrate. Mais, je dis non. C'est ce que chez nous, les enfants appellent la foutaise. N'êtes-vous pas victime de la guéguerre entre le clan Lida et les autres ? Non. Moi, en tant qu'individu, je ne suis pas victime de qui que ce soit. C'est Lakota qui est victime de toutes les politiques qui ont été faites depuis 60 ans dont vous parlez. Mais moi, je voudrais dire aux gens qui dirigent mon parti, et surtout au président de la république parce que c'est lui qui a légué le parti aux gens, que 30 ans de militantisme et 7 ans de destruction du parti, le Front populaire n'existe plus à Lakota. En 7 ans, ils ont détruit le parti. A Lakota aujourd'hui, il existe des militants, mais il n'existe pas de parti. Je ne dis pas on dit. N'empêche que cela pose le problème des élections présidentielles. Si personne ne peut aller battre campagne, comment se fera celle du Président Gbagbo à Lakota ? Mais le président Gbagbo, c'est son village. Chez nous, on ne vote pour le parti, on vote pour les frères. Donc, il ne faut pas que les partis politiques viennent faire campagne. Si Gbagbo seul vient battre campagne, il sera élu. Mais après lui, nous on veut élire au niveau de la mairie, de la députation, des gens qui sont pour Gbagbo, même s'ils ne sont pas Fpi. C'est moi qui l'ai dit. Ceux qui sont pour que Gbagbo gouverne, nous allons leur dire d'être député, pour l'aider. Nous allons donner la mairie à ceux qui veulent appliquer la politique de Gbagbo sur le terrain. Mais celui qui vient avec une chemise de parti politique n'aura rien. Il sera le dernier sur la liste. Vous avez dit qu'à Lakota, il y a des militants, mais il n' y a pas le Fpi. Expliquez cela un peu. Ce n'est compliqué. Un parti politique est organisé. Dans le département, il y a ce qu'on appelle la fédération qui coiffe toutes les sections qui à leur tour coiffent les comités de base. Ces structures là existent mais l'animateur à l'intérieur n'existe pas. Demandez, combien de procès-verbaux ils produisent, quand ils se réunissent ? Pour prendre l'exemple de la fédération. Ils font des réunions fédérales entre amis. C'est-à-dire le parti politique est devenu un club d'amis. C'est-à-dire, c'est un parti politique où on ne peut pas parler. Depuis juin 2009, la municipalité ne siège pas, donc tous les travaux de construction, d'aménagement du territoire communal sont bloqués. Qu'est-ce que cela vous inspire ? Si vous voyez que depuis que nous discutons, je crie mon ras-le bol, c'est pour ça. S'il s'agissait de moi, de mes enfants et de ma famille, je ne me mettrais pas à parler, mais depuis le 08 avril 2008 que le maire Gazo a été demis de ses fonctions, la commune de Lakota n'a pas de budget voté, ni de programme triennal voté. Mais, les gens pensent que si les travaux sont faits, ce sont les militants et les enfants des militants Fpi qui vont aller dans les écoles, qui vont marcher sur la route. Il n'y aura pas de militants du Pdci ou du Rdr. Ils se taisent. Que Lakota brûle, ils s'en foutent. Mais, ils veulent être président de la république de Côte d'Ivoire et Lakota ne fait pas partie. Qu'ils viennent, moi je les attends. Mais quelle action menez-vous au ministère de l'Intérieur ? On a fini avec le ministère de l'Intérieur. Mais alors, que faites-vous pour débloquer la situation ? Moi, je ne débloque rien. Pour débloquer, je demande à ma population de rester tranquille. Moi seul, je fais ma révolution. Tout le monde ne voulait pas que je sois maire, mais sans argent, j'ai été élu. Ils ont transporté les gens dans 17 véhicules pour aller leur donner manger, mais j'ai été élu. A ce stade de ce qui peut être considéré comme la crise à la mairie de Lakota, est-ce que le président de la république peut intervenir pour remettre les choses en ordre ? Il a intérêt à le faire. Je l'interpelle parce depuis 2008, il a été informé. Je lui ai écrit deux fois la même lettre. Comme il n'a pas reçu, enfin, comme il n'a pas répondu à la première. S'il répondait, il n'aurait pas de problème à Lakota. Au niveau du Fpi, vous pensez qu'il n' y a pas de solution pour résoudre ce qu'on pourrait appeler les conflits d'intérêts ? Est-ce que le Front Populaire s'inquiète de la vie des populations de Lakota ? Moi, je me pose des questions. Je suis allé à une réunion au cours de laquelle j'ai posé le problème de Lakota au président du Fpi, Pascal Affi N'guessan. Il m'a dit, Lakota, on met ça dans les divers. Et puis dans les divers, il n'en parle pas. Je lui ai demandé par la suite, mais président, j'ai posé mon problème tout à l'heure. Il me dit, "oh, mon frère, Lakota-là, c'est très délicat. Je m'en vais à Issia, à mon retour, on se retrouve chez moi". Et depuis, il n'est pas encore de retour. Et puis, il envoie les gens là-bas comme directeur de campagne pour je ne sais quel candidat. Il est donc co-auteur de ce qui se passe Il est auteur-complice, puisqu'il sait, donc il est acteur. Tous ceux qui savent et qui laissent faire sont acteurs des complices. Ils sont tous en faute pour non-assistance à la commune de Lakota en danger. Et le président Gbagbo ? Moi, quand je parle, je dis mon grand frère, je ne parle pas de président de la république parce que c'est un fils de Lakota, quand bien même son père ait immigré à Mama. On va conclure, M. le maire. A l'heure actuelle, quelles sont vos ressources pour que le maire élu que vous êtes puisse s'asseoir et travailler ? Ma seule ressource, c'est Tagro Désiré. S'il veut la paix en Côte d'Ivoire, que dès lundi du mois d'octobre, le maire de Lakota commence à travailler. Parce que tant que Lakota sera en train de souffrir, la Côte d'Ivoire aussi continuera de souffrir. La fin des problèmes de Lakota est égale à la fin des problèmes de la Côte d'Ivoire. Interview réalisée par Eddy PEHE Coll : Eugène Kouadio (Stagiaire)


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