mercredi 26 août 2009 par Nord-Sud

L`actualité au sein de l`Udpci a porté au goût du jour la question de la gestion des subventions octroyées par l`Etat aux partis politiques. Des milliards sont gérés sans aucun contrôle régalien.

L`Union pour la démocratie et pour la paix (Udpci) est toujours en proie à de forts tumultes. En son sein, deux poids lourds s`affrontent. Albert Toikeusse Mabri, président du parti, et son ex-conseiller, Siki Blon Blaise, s`envoient constamment des piques. Une crise aux ramifications multiples et non-avouées. Mais, celle par laquelle le problème a été porté sur la place publique touche à l`argent. Plus précisément, la subvention que l`Etat verse à la formation. Blon accuse le président de la formation Guéïste de mal gérer les fonds alloués. Le samedi 18 juillet au cours d`une cérémonie à Man, il a ouvertement accusé Mabri de mener une vie ostentatoire avec l`argent du parti alors que la base en a besoin pour mieux travailler. Chaque trimestre, Gbagbo (Ndlr : l`Etat) donne 70 millions Fcfa pour le fonctionnement du parti. Ce que je demande à Mabri, c`est qu`il mette un peu de cet argent, soit 100 mille Fcfa à la disposition de chaque coordination pour travailler. Le problème entre lui et moi est là. La réponse de Mabri : A titre personnel, ce que moi j`ai donné à l`Udpci chaque année, ce que les autres cadres et les militants ont donné, dépassent largement les subventions apportées par l`Etat. Donc je ne sais pas si cette subvention peut être suffisante pour que nous en détournions une partie, a-t-il avancé (in Nord-Sud Quotidien du vendredi 17 juillet). A l`en croire, l`Udpci compte environ 10.000 démembrements. Si l`on devait donner 100.000 Fcfa à chacun cela ferait 10 milliards de Fcfa par an. Là où le parti n`en a reçu à ce jour qu`à peine 800 millions Fcfa.

Cette crise, l`une des premières qui éclate officiellement en Côte d`Ivoire autour de la gestion de l`argent donné par l`Etat est latente au sein de plusieurs autres formations, affirment des bonnes sources. Les contrôles et la démocratie y étant quasi-inexistants, la tentation dit-on, est grande chez les leaders et leurs proches d`effectuer une mainmise sur les sommes colossales reçues. Lors d`une conférence publique qu`il a animée mercredi 24 juin à l`occasion du cinquantième anniversaire de l`Ordre des avocats de Côte d`Ivoire à Yamoussoukro, le président de l`Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, a levé un coin du voile sur la taille des fonds qui circulent chaque année de l`Etat vers les chapelles politiques. Le Parti démocratique de Côte d`Ivoire (Pdci), le Rassemblement des républicains (Rdr) et le Front populaire ivoirien (Fpi) ont successivement reçu en 2006, 2007 et 2008 les sommes de 450 millions, 560 millions et 528.142.666 Fcfa, soit un total de 1.538.142.666 Fcfa par parti. Le Parti ivoirien des travailleurs (Pit) a quant à lui reçu successivement 200 millions, 160 millions et 136.460.000 Fcfa soit un total de 514.920.000 Fcfa. L`Union pour la démocratie et pour la paix (Udpci) a obtenu 170 millions, 120 millions et 145.692.000 Fcfa, soit un total de 435.692.000 de nos francs. Pour le Mouvement des forces d`avenir (Mfa) et l`Union démocratique et citoyenne (Udcy), les montants sont de 140 millions, 120 millions et 136.460.000 Fcfa, soit un total de 396.460.000 Fcfa pour chacun. Ce qui donne un investissement public total de près de 6 milliards 358 millions Fcfa versé sur trois ans à ces sept partis signataires des accords de Linas Marcoussis. A quoi a servi ce soutien de l`Etat ?, s`est interrogé Mamadou Koulibaly.

Une telle interrogation émanant du deuxième personnage de la République sonne comme un aveu. Celui qui montre que l`usage des fonds alloués échappe totalement au contrôle de l`Etat. Il ne devrait pourtant pas en être ainsi au regard de la règlementation. La loi N° 2004-494 du 10 Septembre 2004 relative au financement sur fonds publics des partis et groupements politiques et des candidats à l`élection présidentielle a prévu des dispositions suffisamment claires mais qui n`ont visiblement jamais fait l`objet d`une application. Ce texte en son article 15 dispose que les partis ou groupements politiques bénéficiant du financement de l`Etat au titre de la présente loi, doivent publier leurs comptes chaque année. Les articles suivants sont encore plus explicites. Nous les citons dans leur intégralité : Chaque parti ou groupement politique subventionné est tenu de déposer au début de l`exercice budgétaire les noms, prénoms et adresses des responsables de la gestion de ses finances et de son patrimoine (art 16). Les partis ou groupements politiques doivent faire figurer dans leurs comptes, les noms et adresses de toutes les personnes physiques qui leur auront accordé des libéralités (art 17). Au 31 mars de l`année suivant celle au cours de laquelle le financement est octroyé, les partis ou groupements politiques bénéficiaires doivent remettre à la cour des Comptes un rapport comptable de leurs dépenses et recettes, accompagné d`un état du patrimoine, certifié par un Expert Comptable Agréé (art 18). Lors de l`examen des comptes, la Cour des Comptes peut entendre les responsables des partis ou groupements politiques concernés (art 19). A l`issue de l`examen des comptes, la Cour des Comptes établit un rapport adressé au Président de la République (art 20).

Il ressort de nos investigations que depuis le début de l`octroie des financements, aucune des dispositions de cette loi n`a été appliquée. La Cour des comptes nommément citée n`a jamais daigné exercer son rôle. Autocensure ? Ou résultat d`une instruction venue d`en haut ? Difficile d`y voir plus clair. Une chose est toutefois certaine. Les critères qui devraient normalement prévaloir dans l`octroie des subventions ont été foulés au pied dès le départ. L`article 4 de la loi prévoyait que les partis soient bénéficiaires :

- En fonction du nombre de suffrages exprimés en leur faveur à l`occasion des élections législatives,

- Proportionnellement au nombre de sièges obtenus à l`Assemblée Nationale et

- Proportionnellement au nombre de Députés inscrits en leur sein.

Mais, c`est finalement sur la base de certains arrangements, au contour mal éclairé que les montants tels que présentés plus haut ont été décidés. Le Rdr qui n'a aucune représentativité à l'hémicycle se retrouve être mieux servi que toutes les autres formations qui disposent d'un groupe parlementaire pourtant. Autre pan de la loi demeuré lettre morte, c`est le niveau du financement qui devrait en principe s`apprécier à 1/1000ème du budget de l`Etat. Un critère qui, s`il était respecté cette année devrait aboutir à la distribution de 2,464 milliards Fcfa. Il y a aussi l`article 13 de la loi qui stipule qu`une fois éligible au financement, il est () interdit aux partis et groupements politiques () de recevoir, accepter, solliciter, ou agréer des dons, présents, subsides, offres ou tous autres moyens émanant d`entreprises, d`organisations ou de pays étrangers. Aucun contrôle ne sanctionne l`application de cet autre alinéa. Tout comme celui de l`article 2 qui exige que le financement accordé (doit) concourir à la formation de la volonté du peuple et à l`expression du suffrage. Lequel des partis bénéficiaires pourrait aujourd`hui justifier, preuve à l`appui de cet usage ? Autant de flous qui font finalement du financement des chapelles politiques une sorte d`opération opaque dans laquelle les fonds sont perdus une fois décaissés par le ministre de l`Economie et des finances. Dommage!

Djama Stanislas

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