mardi 23 juin 2009 par Islam Info

El Hadj Ali Kéita est employé au service commercial et pédagogique au groupe Nouvelles Editions Ivoirienne et au Centre d'Edition et de Diffusion Africaine (CEDA). Dans cet entretien qu'il nous a accordé, il explique comment on devient auteur d'un livre et invite les imams à s'intéresser à l'écriture pour plusieurs raisons.


Que fait-on concrètement aux NEI-CEDA ?

Ce sont de grandes maisons d'édition africaine. Elles opèrent dans le domaine du livre qu'il s'agisse des romans, des livres pédagogiques ou scolaires. Nous sommes spécialisés dans le livre.


Combien de livre éditez-vous par an ?

Nous pouvons éditer des milliers. A ce niveau, il convient de préciser la nature des livres. Par exemple au niveau scolaire, nous pouvons éditer plus de 600.000 exemplaires de livres de cours préparatoire première année (cp1) par titre (math, lecture etc.).

En ce qui concerne les autres comme les romans, avant la crise nous en éditions une quinzaine. A ce niveau aussi, il faut signaler que le roman ne se vend pas comme les manuels scolaires. En plus, il demande du temps à l'auteur pendant l'écriture. Alors que les manuels scolaires se confectionnent chaque année et se vendent en milliers. Les deux maisons réunies peuvent produire aujourd'hui une dizaine de romans.


Quelles sont les conditions pour éditer un livre ?

Il n'y a pas de conditions particulières. Il suffit que l'auteur nous fournisse ses écrits et qu'il rentre dans notre circuit de vente. Cela est important parce qu'il y a des ouvrages comme le théâtre et la poésie qui ne se vendent pas beaucoup. Pour les grands auteurs, nous acceptons. Mais avec les écrivains en herbe, c'est difficile. Hormis ces deux catégories, nous acceptons les autres qui sont laissés à l'appréciation du service littéraire qui l'étudie et remet le manuscrit au comité de lecture qui approuve, apporte les corrections et les amendements s'il y en a. L'auteur en ce moment prend contact avec le chef de service littéraire pour les corrections qui ont été recommandées par le comité de lecture. Si cette étape est franchie, l'écrivain en herbe devient auteur parce qu'en ce moment un contrat sera signé entre lui et l'éditeur pour les droits d'auteur.


Qui paie la facture ?

Quand c'est en compte d'auteur, les deux parties fournissent chacune 50% de la production du roman. En clair, si vous convenez de tirer un certain nombre d'exemplaires, le coût global de la production à la librairie sera évalué. L'auteur paie une grande partie. Dans ce cas, il est en compte d'auteur. En droit d'auteur, c'est l'éditeur qui prend tout en charge. Dans ce cas d'espèce, l'auteur est rémunéré en pourcentage après la sortie du ivre. Il peut passer chaque année auprès des services de la comptabilité ou des gestionnaires pour se rendre compte de la quantité de son titre sorti.


Avez-vous déjà édité des livres religieux ? Lesquels ?

C'est là ma déception. Je suis vraiment déçu de la communauté musulmane, principalement nos guides. Je dis haut et fort que je suis déçu. En tant qu'éditeur, j'ai frappé à beaucoup de portes. J'ai demandé à plusieurs de nos oustaz de me faire parvenir leurs réflexions en manuscrit pour que je puisse les mettre à la disposition de la maison d'édition. J'ai rencontré le Khalife Général des tidjanis il y a deux ans. Son livre est en voie de finition. J'ai également rencontré les imams Sékou Sylla, Bachir Ouattara, Cissé Djiguiba et d'autres personnes qui ne sont pas forcément des imams. C'est toujours le statu quo.

Il y a certes des hadihs, des Corans traduits, mais nous n'avons pas d'écrits de la part de nos imams qui puissent aider ceux qui n'ont pas eu la chance de faire des études théologiques. Une étude qui a été faite dans ce sens a montré que les cadres musulmans qui connaissent leur religion ne sont pas nombreux. Moins de 15 % connaissent au moins 10 sourates. Pourtant, si les rudiments sont mis à leur disposition, cela peut permettre de combler ce déficit criard de connaissance. Je demande aux imams de soumettre par écrit leur connaissance à l'appréciation de la communauté musulmane. C'est vrai qu'il y a eu des moments où l'ivoirien n'aimait pas lire. La donne a changé. L'ivoirien s'intéresse de plus en plus à la littérature. Et cette littérature est variée chez nous et bien fourni sauf la page religieuse musulmane où on a qu'un seul livre ; celui de Tidiane Bah. On se souviendra toujours de ce monsieur parce qu'il a laissé quelque chose à la postérité. Le sermon seul ne suffit pas surtout à un intellectuel pour comprendre sa religion. Ce ne sont pas les sujets aussi qui manquent.


Que doit-on faire pour stimuler selon vous ?

C'est vrai que les musulmans agissent la plupart du temps à cause d'Allah, mais la matière grise que vous faites fonctionner pour la connaissance d'autrui n'est que pour Dieu. C'est pour lui permettre de suivre résolument la bonne voie. Nous devons être bénéficiaires de cette matière grise de nos guides. Le Coran et les hadihs ne s'achètent pas ? Pourquoi pas leur livre ? L'humanité sera reconnaissante à celui qui lui consacre une partie de son temps en lui laissant de la matière.

Notre maison d'édition s'apprête à lancer sur le marché des livres sur la prière parce qu'il n'en existe pas. Nos guides ont les bibliothèques remplis des ouvrages des autres penseurs, mais pas d'eux-mêmes. Pourtant, je suis convaincu qu'ils sont capables d'écrire. Pourvu qu'ils le veuillent. Il y a matière à écrire, je le dis. Voyez-vous, lorsque l'imam parle de la zakat, certains pensent qu'il leur demande de l'argent. Ils ne savent pas que c'est une obligation pour eux de donner la zakat. Ils ne savent pas que c'est l'un des piliers de leur religion. Il faut le leur expliqué à travers des livres. Il ne faut pas se limiter au sermon.

De l'autre côté chez les catholiques, ils ont au moins 15 ouvrages qui expliquent leur culte. J'ai passé une fête de pâques à la basilique en train de vendre des livres chrétiens. J'en ai vendu à hauteur de cinq millions la seule nuit.


Comment peut-on savoir qu'un livre est disponible?

Pour les livres de nos oustaz, on peut procéder de la même manière qu'Islam Info. C'est d'ailleurs la meilleure formule de distribution qu'il faut renforcer. Toutes les mosquées sont servies en temps réel. Dans le cas des livres, on mettra à contribution les comités de gestion et les librairies. Sinon aux NEI-CEDA, nous avons un grand réseau de distribution sur les grandes surfaces.


A combien s'élève le coût de production d'un ouvrage de 100 à 200 pages?

Nous disons à nos oustaz qu'ils n'ont rien à payer. Nous avons seulement besoin de leur matière grise et la mettre à la disposition de la communauté musulmane afin qu'elle puisse se former convenablement. Qu'ils viennent avec le manuscrit, nous nous chargerons du reste comme je l'ai indiqué plus haut. Dans ce cas précis, les manuscrits seront soumis à l'appréciation des oustaz pour voir s'il y a des corrections ou des amendements. Une fois cela est fait, ils pourront suivre la vente de leur livre.


Et si vous vous trouvez débordé par les écrivains ?

On ne peut pas être débordé. Quel que soit leur nombre, ils pourront être édités. Ils auront mon appui pour cela parce que je connais la capacité de beaucoup d'entre eux. Ils peuvent même vendre dans leur communauté respective. Même si le nombre s'accroissait, il y a beaucoup de maison d'édition.


Est-ce qu'il y aura vraiment des lecteurs parce qu'il semble que le taux d'analphabétisme est élevé dan cette communauté ?

Si des exemplaires sont sortis avec la campagne qu'il faut, le livre sera acheté. C'est possible de vendre 3000 exemplaires en trois mois. Il y a eu des cas comme celui de Dahico Adama. Il faut sortir des chantiers battus pour s'inscrire résolument dans la dynamique du monde des nouvelles technologies de l'information. Les hommes politiques écrivent tous. C'est un signal fort.


Quel message pour la fin de cet entretien ?

Je demande aux imams et oustaz d'écrire parce que le besoin est là et se fait sentir. Des personnes vont chercher des ouvrages islamiques de production nationale en librairie sans jamais obtenir satisfaction. Ils ont la responsabilité d'éclairer nos lanternes. S'ils écrivent, ça va se vendre.

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