vendredi 19 juin 2009 par Le Repère

Historique. 40 ans après l'assassinat de Martin Luther King, un noir américain, Barack H. Obama est devenu le 4 novembre 2008, le 44ème président des Etats-Unis après 8 années du Républicain G. W. Bush et après une élection américaine qui a tenu en haleine le monde entier. Difficile d'imaginer plus dissemblables que les dix protagonistes de ce duel présidentiel : John Mc Cain (71 ans), auréolé de son passé de vétéran du Vietnan, républicain et conservateur; Barack Obama, 46 ans, africain-américain de père Kenyan, d'ethnie Louyos, démocrate et progressiste. L'un a été confortablement désigné par son parti (le républicain). L'autre, c'est-à-dire Obama, a dû batailler pendant près de 15 mois de pré-campagne et cinq mois de primaire pour s'imposer face à Hillary Clinton. Vainqueur, Obama prend en charge un pays qui est mal en point. Parmi des dossiers les plus urgents, le conflit iranien, bien sûr, la guerre en Afghanistan, la guerre dans les zones tribales du Pakistan, le conflit israëlo-arabe, mais aussi un leadership mondial contesté, la crise des subprimes qui plongent de nombreux Américains dans la pauvreté, un système de santé coûteux et injuste. Un pays où le même américain ne fonctionne plus très bien, pays où les écarts entre riches et pauvres se creusent. Bilan : un peu plus de 100 jours de présence dans le bureau Oval, quel est le bilan de Barack Obama ? Où vont les USA ?

Cent jours au pas de course pour Obama
Le bilan des "100 jours" a beau être un exercice convenu, les comparaisons vont bon train avec, essentiellement, quatre prédécesseurs :
Franklin Roosevelt, le démocrate (1933-1945) et le républicain Ronald Reagan qui avait échappé à un attentat (1981-1989), qui ont chacun, initié une phase de l'histoire contemporaine américaine. Lyndon Johnson (1963-1969) qui fut législativement le plus actif, enfin le météore John Kennedy (1961-1963) avec son expédition malheureuse dans la Baie des cochons à Cuba le 17 avril 1961, le plus iconique en termes d'image internationale. Globalement, ces comparaisons sont plutôt flatteuses pour Barack Obama, qui garde un fort soutien dans l'Opinion. Plus de 60% d'Américains approuvent son acte et les 50% jugent qu'elle a dépassé leurs attentes. Ces cent jours de Barack Obama sont dominés par les enjeux économiques et diplomatiques.

Les enjeux économiques
Une majorité voit dans la rupture radicale avec le désinvestissement de l'Etat mis en ?uvre par ses prédécesseurs, la caractéristique dominante de la politique économique de M. Obama. Une minorité estime cependant qu'en accordant la priorité à la stabilisation des marchés financiers, l'équipe Obama se situe, au contraire dans la continuité. Cette minorité ne constate aucune différence essentielle entre la politique de Henry Paulson, le dernier secrétaire du Trésor de Georges Bush et celui désigné par M. Obama, Timpthy Geithner. Pourtant, le président américain a obtenu du Congrès le vote rapide d'une loi de relance de 787 milliards de dollars sur trois ans. Les déductions fiscales y sont supérieures et les investissements publics de long terme inférieurs à ce qu'il souhaitait. Le budget débattu au Congrès (3550 milliards de dollars pour l'année fiscale en cours, close en octobre) inclut un déficit monumental très discuté de 1750 milliards. Sur les 3 chantiers de long terme : la santé, l'éducation et les énergies renouvelables. Le débat sur l'instauration d'une couverture médicale collective montrera si Obama est oui ou non en mesure de promouvoir sa vision générale de la refonte économique. En attendant, l'Amérique a vu s'ajouter 2 millions de nouveaux chômeurs, près de 9% de la population active. Sans amélioration de l'emploi d'ici un an, commentent les analystes, la bonne opinion des premiers cent jours risque d'être vite oubliée.

Les marchés financiers
Là aussi, les mesures prises sont d'une ampleur inédite. Le plan d'assainissement bancaire adopté sous G. Bush a été porté à près de 1000 milliards de dollars. Une somme de 70 milliards devrait éviter les expulsions d'emprunteurs immobiliers insolvables. Mais elle ne devrait aider que 20% des 4 millions de familles menacées. Surtout, la logique de ce plan est la plus contestée par l'opinion. Malgré son talent pédagogique didactique, Barack Obama peine à convaincre les contribuables qu'ils doivent renflouer les banquiers.

La diplomatie
La réhabilitation de la crédibilité américaine est quasiment saluée par l'opinion, comme la multiplication des ouvertures vers des pays jusqu'ici boycottés de facto (Iran, Syrie, Cuba, Venezuela). Le vaste programme diplomatique de Obama bénéficie de possibilités de solution d'ensemble sans précédent. Comme il l'avait promis, les Etats-Unis se sont engagés à retirer le principal de leurs troupes d'Irak d'ici à la fin 2010. Les difficultés actuelles du pays pourraient inciter Washington à y maintenir plus de forces, alors que la présence américaine est augmentée de 21000 soldats en Afghanistan. Mais, les grands chantiers diplomatiques (Proche et Moyen-Orient, Afghanistan, désarmement, Chine) restent à l'état préliminaire. Et une inquiétude se fait jouir, résumée en termes crus : "Comment ne pas perdre en Afghanistan ? " Question concomitante, comment amener le Pakistan et ses zones tribales à s'insérer dans la stratégie de lutte contre les Talibans et Al Qaida ? A ces questions, les 100 jours n'ont encore apporté aucune réponse. Pas plus que les dossiers sur lesquels l'administration est peu diserte.
Le dossier israélo-palestinien d'abord : l'idée progresse à Washington que Obama, s'il ambitionne de parvenir à une solution ne pourra éluder un conflit avec le gouvernement israélien ultranationaliste.
La Chine, elle constitue un garant clé de la reprise économique américaine et un partenaire incontournable pour régler les dossiers nucléaires nord-coréen et iranien. Elle exige des contreparties. Cette négociation-là, moins ouvertement conflictuelle, pourrait être plus ardue. La preuve : Pékin a constitué l'étape-phare du premier déplacement de la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton. L'Europe ensuite : Le renouveau de la relation euro-américaine est le premier test, le plus aisé de la reconstruction de son leadership. L'administration compte des membres favorables à l'Europe. Le vice-président Joseph Biden, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, le conseiller à la sécurité nationale James Jones, ancien commandant des forces en Europe et dans les pays francophones. Mais l'Europe n'était pas centrale pour Washington. Car elle n'est pas un problème. On a assisté à une " Obamalisatioon " de l'Europe. Le retour de la France dans les structures militaires de l'Otan a été apprécié. Le terme de communauté transatlantique, dont les Etats-Unis sont le fondateur et le catalyseur, s'est substitué à celui d'occident dans le discours des responsables qui tiennent les propos que les Européens, notamment les Français, souhaitent entendre sur le Proche-orient (des Etats côte-à-côte), l'Irak (solution politique), la défense européenne (encouragée). Hillary Clinton a même qualifié la construction européenne de miracle. Cela étant, les Etats-Unis suivent leur propre agenda : soutien constant et réaffirmé à l'adhésion turque pour les motifs stratégiques (renforcer l'alliance avec une puissance régionale émergente) et politiques (montrer aux autres qu'il est possible de concilier valeurs musulmanes et démocratie) ; américanisation de la guerre en Afghanistan devant le refus européen d'y engager plus de forces. Le scepticisme sur l'efficacité de l'union à stabiliser les Balkans et à augmenter ses budgets de défense demeure. Il reste donc aux Europes à bâtir des positions concertées sur la base d'intérêts. Comme pour travailler en partenaires avec une administration ouverte à la coopération, mais qui n'hésitera pas à agir seule s'il le faut. L'Afrique enfin, caractérisée par les trois I : à l'instabilité, aux incertitudes, à l'insécurité, Obama oppose les trois D : développement, défense, démocratie. Le premier président à être reçu à la maison blanche a été le président Tanzanien, Kitweté. Barack Obama effectuera un voyage au Ghana au mois de juillet comme récemment à l'université américaine al Azar du Caire. Son discours sur l'Islam, un discours d'ouverture, fondateur, discours de réconciliation, l'Afrique attend avec curiosité le discours d'Accra du président américain. Mais la politique étrangère coûte cher et les fondamentaux demeurent. Si une minute peut blesser un siècle, cent jours peuvent-ils augmenter d'un mandat de quatre ans, présager de sa force, de son élan et de son empreinte sur les hommes et sur les faits ? Le premier sprint de Barack Obama témoigne déjà d'une grande maîtrise de la fonction, alliant vitesse et précision. Mais mille précipitations. Le commencement, dit-on, est plus que la moitié de tout. Alors, dans cette arithmétique du temps, qui fait du court la promesse du long, gagne qu'Obama demeure l'homme qu'il faut, à l'Amérique comme au monde entier, que nous avions salué après sa victoire. Mais l'essentiel dans ces cent jours si attendus, sonne juste. A communier par la voix, la méthode, qui font la différence entre la fermeture de chaque jour et l'arrogance d'hier. Avec Obama, l'Amérique s'est redonnée un visage aimable et moderne, une estime de soi réaffirmée par celle des autres, une modestie affichée, propice aux engagements ambitieux, au retour de confiance. Cent jours après, " faire un à partir de plusieurs ", la devise américaine, le décor est planté. Reste à jouer la pièce. S'il veut marquer son temps autant que par son culot et sa couleur, il peut incarner une rupture à l'échelle de l'espoir qu'il soulève et qu'il n'a pas déçu, alors la voie est claire et la tâche immense pour le 44ème président des Etats-Unis. A lui d'amener son pays, et partant le reste de la planète, vers un Etat de droit mondial, vers une régulation suprême car supranationale, qui démentiraient le scepticisme aucun du général De Gaulle observent qu'au club des nations il avait vu " autant d'égoïsmes que des membres inscrits ".
Pour ce faire, il faudra mettre en sourdine l'América first ", convaincu la société américaine elle-même qu'il est urgent d'assujettir la mondialisation à des règles universelles " gouverner est décevoir, les grands déceptions viennent des grands espoirs " a-t-on coutume de dire. Pour démentir cet adage, il faudra plus de cent jours au premier président afro-américain des Etats-Unis.
SEM Jean Vincent Zinsou
Ambassadeur

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